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Dossier : Peur sur les PMH
Par Agence Tip | Publié le vendredi 17 avril 2020 à 10:00
Rien nâest officiel, mais tous les projets fuitent, plus ou moins, peut-ĂȘtre mĂȘme volontairement. Un des sujets chaud est celui des courses PMH. Celles annulĂ©es pourraient ne pas ĂȘtre recourues et les autres seraient rĂ©parties sur quelques pĂŽles, nationaux et rĂ©gionaux. Avec des consĂ©quences diffĂ©rentes pour le trot, le plat et lâobstacle. Lâinconnue, dâautant plus quâelle dure, induit un sentiment : la peur.
Stéphane-Richard Simon, entraßneur de galopeurs à Pau
âOn risque de courir pour la cinquiĂšme place Ă la repriseâ
InstallĂ© sur le centre dâentraĂźnement de Pau, StĂ©phane-Richard Simon compte quinze chevaux sous sa coupe. En 2019, ses pensionnaires ont obtenu 56 % du total des allocations de lâannĂ©e dans des courses PMH. âJe nâai pas un gros effectif, mais jâai quand mĂȘme fait repartir deux ou trois chevaux. La saison aurait dĂ» commencer Ă se dĂ©canter et permettre aux âpetits chevauxâ de bĂ©nĂ©ficier des engagements des courses PMH sans la prĂ©sence des adversaires des grosses Ă©curies. On risque de courir pour la cinquiĂšme place Ă la reprise... MĂȘme si les courses sont dĂ©placĂ©es sur des pĂŽles plus importants Ă huis clos, le problĂšme sera entier. On attend les dĂ©cisions officielles et on sâadaptera, puis on fera les bilans. Jâai peur pour les courses PMHâqui Ă©taient dĂ©jĂ un peu dans le collimateur avant, alors quâelles font vivre un grand nombre de professionnels. 80 % des Ă©curies Ă©taient dĂ©jĂ justes avant et, sans aide de lâĂ©tat, la moitiĂ© dâentre elles vont disparaĂźtre, le phĂ©nomĂšne pouvant ĂȘtre accĂ©lĂ©rĂ© par une suppression - mĂȘme temporaire - des PMH. Nos frais fixes continuent de courir et les banques appellent tous les jours...â
Propos recueillis par Ludovic Hellier
Christian Boisnard, entraĂźneur de trotteurs, en Bretagne
âLa France, ce nâest pas çaâ
âQuand jâentends que les courses, annulĂ©es depuis le 17 mars, ne seront pas reprogrammĂ©es, les bras mâen tombent. On va droit dans le mur, comme ça. Je doute de la capacitĂ© de nos reprĂ©sentants Ă nous Ă©couter. Moi, je nâentraĂźne que des chevaux en location. Depuis un mois, le manque Ă gagner est Ă©norme. Et ce que je nâadmets pas, aujourdâhui, câest que nos dirigeants de lâInstitution ne nous protĂšgent pas. Moi, jâai 62 ans, jâai eu la chance de mener correctement ma barque en Ă©tant sĂ©rieux, Ă mon niveau. Je suis de la trempe des anciens, et je vais avoir le droit Ă ma retraite. Je peux arrĂȘter, rĂ©duire mon effectif (Christian Boisnard gĂšre la carriĂšre de 70 trotteurs) et ne garder quâun cheval ou deux pour me faire plaisir. Mais ils vont faire comment, les gars qui ont 25 ou 30 ans et qui vivent en grande partie des PMH ? On va les laisser tomber ? Laisser les gens au bord de la route, ce serait vraiment lamentable, en ces temps de crise. Pour eux, comme pour nous tous, câest avant tout une passion. Je crois que lâon est en train dâoublier un peu vite que câest la base qui fait vivre la filiĂšre. Ă mon niveau, je ne me verrais pas me payer un salaire et laisser mes employĂ©s au chĂŽmage partiel. Surtout pas. Ăa, jamais. Comment pourrais-je les regarder dans les yeux ? Oui, il y a un sentiment dâabandon lorsquâon apprend que lâon veut relancer uniquement les Premiums. Et nous, on devient quoi ? JusquâĂ prĂ©sent, le prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration de lâOuest (Claude Simon) nâest mĂȘme pas intervenu auprĂšs de nos 48 prĂ©sidents dâhippodromes, dont les trois-quarts sont de troisiĂšme catĂ©gorie. Câest normal ? Moi, je me suis adaptĂ© Ă mon secteur. JâentraĂźne des chevaux de ce niveau. Je le revendique. Et je dĂ©fends les pistes de ma rĂ©gion. De mon terroir. Au cĂŽtĂ© de tous ces bĂ©nĂ©voles qui sâinvestissent tant. On veut quoi, alors ? Ne garder que 15 Ă 20 % des professionnels et quâils courent entre eux ? Ok. Mais quâon le dise. Tout le monde mĂ©rite dâĂȘtre respectĂ©. Les bons comme les mauvais. La France, ce nâest pas ça. Câest la mort du petit cheval. Le programme doit ĂȘtre repensĂ©. Et laisser la possibilitĂ© aux chevaux de petites catĂ©gories de pouvoir courir. Il faut revoir absolument les conditions de courses. Du bas vers le haut. Partout. Et ouvrir les PMH lâhiver prochain, pour essayer de rattraper notre retard. Moi, sinon, par exemple, je vais perdre la moitiĂ© de mon effectif. Ne nous mettons pas dans un Ă©teignoir. La rĂ©ussite de notre mĂ©tier, câest sa diversitĂ©. Pourquoi ne pas organiser des rĂ©unions Premiums complĂštes sur lâherbe, dĂšs cet Ă©tĂ©, aprĂšs le dĂ©confinement ? Sur cette surface, on a de trĂšs beaux hippodromes, ceux notamment qui organisaient les rĂ©unions du TrophĂ©e Vert et du GTI.â
Propos recueillis par SĂ©bastien Piazza
Pascal Journiac, entraĂźneur de chevaux d'obstacle dans le Maine-et-Loire
âLaisser le moins de gens possible sur le bord de la routeâ
EntraĂźneur spĂ©cialisĂ© en obstacle, installĂ© dans le Maine-et-Loire, Pascal Journiac veille sur une quarantaine de chevaux Ă lâentraĂźnement, sur un site privĂ©. âLes courses PMH reprĂ©sentent Ă©normĂ©ment pour mon Ă©curie. Elles sont mĂȘme vitales. Le printemps est un moment essentiel dans mon organisation. Avant, jâallais Ă Pau, mais jâai changĂ© de stratĂ©gie. Je prĂ©pare beaucoup de chevaux pour le dĂ©but de saison. Jâavais fait lâimpasse sur des chevaux de 3 ans en 2019, dans lâidĂ©e de les dĂ©buter dans les PMH, avant dâaller sur les Premiums. Automatiquement, ces chevaux vont avoir un retard.
Les courses PMH reprĂ©sentent aussi une ambiance. Câest bien parce que je suis allĂ© voir ces courses, il y a une trentaine dâannĂ©es, que je suis entrĂ© dans le mĂ©tier. Les courses sont un spectacle et courir Ă huis clos rend lâactivitĂ© morose. Nous tous, qui sommes embarquĂ©s dans la mĂȘme galĂšre, nous sommes soucieux. Je souhaite que les allocations soient maintenues. Mais, quoi quâon fasse, il va y avoir de la casse. Sâil faut faire des choix pour la filiĂšre, jâespĂšre quâils seront opĂ©rĂ©s pour quâon laisse rĂ©ellement le moins de gens possible sur le bord de la route, quitte Ă privilĂ©gier la base de la pyramide par rapport au programme classique. Nous avons avant tout besoin dâavoir de la visibilitĂ© et le plus tĂŽt possible, mĂȘme si câest compliquĂ©.â
Propos recueillis par Ludovic Hellier
RĂ©actions de Jean-Philippe Mary et Claude Simon
⹠Jean-Philippe Mary, président de la Commission des programmes, au trot
âOn a tous conscience de la difficultĂ©. Relancer le programme dĂšs le 11 mai, câest quelque chose dâenvisageable, oui. Mais, une fois encore, on est tributaire de la santĂ© financiĂšre du PMU. Repartir ? Dâaccord, mais pour combien de temps ? Et avec quel argent ? Si on ne tient pas la cadence, ça nâa pas de sens. Dire oui Ă tout le monde, câest facile. AprĂšs, il faut respecter ses engagements. Tant que les points de vente ne sont pas rĂ©ouverts, on ne peut rien prĂ©voir de concret. Nous ne possĂ©dons pas la machine Ă fabriquer les billets. On sait que des hippodromes de 2e et 3e catĂ©gories nâauront pas de recettes (huis clos) et nâont pas suffisamment de trĂ©sorerie, dâautant que les subventions allouĂ©es Ă ces champs de courses sont gelĂ©es, comme lâa signalĂ© Pierre PrĂ©aud (secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la FĂ©dĂ©ration des Courses), jusquâĂ ce que la situation du PMU revienne Ă la normale. On pourra sâorienter sur les pĂŽles rĂ©gionaux. En maintenant le programme Ă lâidentique, en PMH ou en Premium. Cela dit, on devra tous faire des sacrifices. Je me bats pour les 80 % des professionnels qui ne font pas 100.000 euros de chiffre dâaffaires dans lâannĂ©e. Je souhaite prĂ©server le bas de la pyramide. Sans eux, tout s'effondre. Il faut raisonner filiĂšre, sortir la tĂȘte de lâeau et faire preuve de bon sens."
âą Claude Simon, prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration de lâOuest (48 sociĂ©tĂ©s de courses)
âDepuis ce matin (jeudi), jâai dĂ©jĂ eu sept ou huit coups de tĂ©lĂ©phone de prĂ©sidents, dans ma fĂ©dĂ©ration. Le contact nâest absolument pas rompu avec eux. Au contraire. Simplement, je rĂ©ponds Ă chaque fois la mĂȘme chose, aprĂšs avoir pris de leurs nouvelles : âJe ne sais pas ce qui va se passer.â Aujourdâhui, Ă 14 heures, lâensemble des prĂ©sidents et vice-prĂ©sidents des fĂ©dĂ©rations vont sâentretenir avec Pierre PrĂ©aud. On va procĂ©der Ă un Ă©tat des lieux, rĂ©gion par rĂ©gion. Au niveau PMH, il y a ceux qui vont vouloir courir Ă huis clos, dâautres qui ne le pourront pas. Ă partir de lĂ , on Ă©tablira un calendrier. Et que vont vouloir faire tous nos bĂ©nĂ©voles ? On doit les Ă©couter, câest trĂšs important. En attendant, les hippodromes sont bien entretenus, au cas oĂč lâactivitĂ© pourrait redĂ©marrer. JâĂ©change des appels avec mes collĂšgues, dont Olivier Raffin, qui a succĂ©dĂ© Ă Christian (Boisnard) Ă la tĂȘte du ComitĂ© rĂ©gional du Trot. Le contact est quotidien, mĂȘme si on ne sait pas oĂč on va...â
Propos recueillis par SĂ©bastien Piazza