Etant trop jeune pour traîner seul sur les hippodromes, c’est accompagné de ma mère que j’ai continué à découvrir ce monde fabuleux des courses de chevaux. Ma mère faisait des ménages au journal France-soir, haut-lieu de la rue Réaumur. Ainsi chaque jour elle ramenait gratis le quotidien. C’est en feuilletant ce journal que j’ai découvert que l’hippodrome d’Auteuil n’était pas le seul endroit en région Parisienne, où l’on pouvait voir des courses de chevaux.
En rentrant de l’école, où sans me vanter je dominais de la tête et des épaules mes camarades, au lieu d’apprendre mes leçons, je me jetais sur les pages de France-soir. Comme beaucoup de gamins, les pages de sport étaient prioritaires. Mais celles des courses hippiques venaient vite se mêler à mes pupilles.
J’ai rapidement appris à lire les performances, que les hommes en casquettes appellent ‘la musique’. Ainsi je faisais ‘ le papier à blanc’. Lors de nos visites suivantes à l’hippodrome de la Butte-Mortemart, sachant cette fois-ci que l’on pouvait jouer placé, je cherchais des ‘coups sûrs dans les trois premiers. Je ratais rarement la cible. Cela ne payait pas beaucoup, mais 2 francs qui dix minutes après te rapporte 3, 60, pour nous deux c’était comme si l’on changeait le plomb en or.
Les Loto II, entraîné par le Maître de l’obstacle André Adèle, Cacao,Spirou, Hyères III furent les chevaux qui m’ont donné mes premiers émois et aussi mes premiers sous.
Début Octobre 1965, bien installé devant ma bible, en apprenti je fais le papier de mon premier Arc de Triomphe.
Quel plaisir d’étudier ce genre de course. C’est certainement l’un des plus grands Arc de Triomphe qui s’est déroulé cette année-là. Malheureusement, bien qu’étant en début de mois, impossible de se rendre à Lonchamp. Faut dire que l’on savait à peine où cet hippodrome se trouvait (pas de GPS en ces temps-là). Tant pis, Sea Bird – Reliance – Diatome seront mes trois préférés. Et Pan, vers 16 H le résultat tombe net sur Radio-Luxembourg.
1e Sea Bird – 2è Reliance – 3è Diatome. Incroyable! J’ai tout compris, c’est trop facile !
Faut absolument que l’on aille un jour à Longchamp !
L’hiver 65- 66 se passe comme tous les hivers. Pour éviter les frais de chauffage, nous parcourons souvent les magasins. La Samaritaine, Bazar de l’hôtel de ville, Inno, nous servent de résidence secondaire d’hiver. En début de mois un petit ciné. En arrivant avant 13 heures c’est moitié prix…
Et puis, en continuant de lire les pages courses de France-soir, j’apprends qu’un certain Vincennes existe. Ozo, Oscar RL, Pluvier III, Quéronville LB, Roquèpine, sont de grandes vedettes. Bof, on verra cela plus tard. Le bois de Boulogne nous attirait bien plus que celui de Vincennes.
Enfin le printemps daigne arriver afin que l’on puisse repartir vers notre résidence de printemps.
Ainsi notre deuxième expédition vers une terre inconnue fut Longchamp. Nous avions découvert que si l’on descendait à Porte d’Auteuil et qu’en longeant l’hippodrome d’Auteuil, l’autre champ de courses du bois de Boulogne n’était pas bien loin.
Dont acte. Aussitôt préparée, aussitôt partie notre petite expédition. Une aventure hors du commun vous dis-je !
Après avoir suivi dès la sortie du métro les fameux messieurs en casquette et leur journal roulé en boule, mon deuxième paradis s’offrait à moi: Longchamp, le fameux hippodrome où la plus grande course du monde au galop avait lieu L’ARC DE TRIOMPHE. Rien que le nom du Prix me rends à crocs . Et puis, je vais enfin découvrir l’endroit où Sea Bird a gagné. France-Soir en a écrit tellement d’éloges. Paraît-il que c’est le cheval du siècle !
De suite la vision fut grandiose. Arrivés par l’entrée qui se situe à hauteur du petit bois, et après avoir payé les 0,50 centime et acheté le programme, nous voici au beau milieu d’une gigantesque pelouse. Cependant cela me semble moins attirant qu’Auteuil. Une quantité de guichets et un immense panneau d’affichage me rappellent quand-même un peu mon Auteuil. Evidemment comme c’est Dimanche, ma mère s’est chargée du fameux pique-nique.
De l’herbe, des arbres, des chevaux, quelques rondelles de saucisson, une banane, le bonheur dans les yeux de ma mère, que faut -il de plus pour que je sois ivre de bonheur? Un gagnant ?
Celui-ci ne tarde pas à arriver en la personne d’un certain Soleil… qui remporte la Poule d’essai des poulains. Mon cœur s’emballait un peu plus à chaque fois que le commentateur de l’hippodrome prononçait le nom de NOTRE cheval. Pour la première fois de ma vie, perché sur le toit d’une petite tribune surélevée au-dessus des guichets, j’ai crié: allez Deforge . Sous les couleurs, bleu ciel, toque Jaune…Soleil l’emporte pour le Baron de Rothschild. Plus question de prolétaires ni de riches. Aux courses, tout le monde est égal devant ces Empereurs que sont les chevaux de course.
En définitive, Longchamp ce n’est pas mal non plus. Sauf que le retour à pieds vers 18 heures est plus long pour retrouver la fabuleuse station de métro Porte d’Auteuil.
La RATP devrait la renommer: Porte du rêve.
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Ne connaissant que France-soir, j’ai appris que deux autres bibles étaient écrites : Paris-Turf, Sport-Complet.
J’allais comme un homme acheter mon journal au kiosque, Paris -Turf pour les courses de galop et Sport Complet pour le trot.
J’apprenais rarement mes leçons trouvant stupide de connaître par cœur un texte racontant l’histoire de Vercingétorix ou bien qu’Henri IV voulait que le peuple mange une poule au pot le dimanche. Malgré cela je finissais régulièrement premier de ma classe, parfois deuxième lors d’un mois ou j’avais peut-être trop passé de temps sur le Turf…
Comme tous les enfants, j’avais quand même de plus saines occupations que le PMU. Le jeudi matin, j’allais jouer au foot. C’était bien. On avait à seize heures un goûter et l’on pouvait voir la télévision. Tous les jeudis après-midi, j’attendais avec une certaine fébrilité les épisodes de Zorro. J’adorais les histoires de ce justicier masqué, monté sur son superbe cheval noir nommé Tornado. Je ne voyais la télé que le jeudi. Parfois je regardais un téléviseur à travers les vitres des bistros.
Je me souviens de ce sympathique patron qui m’a invité dans son bar pour regarder la finale de la Coupe du Monde de football 66, Allemagne-Angleterre. Ce bar était situé au coin de la rue Saint-Sauveur et de la rue Saint-Denis (rue très fréquentée par des messieurs souvent seuls! ). Ce chic café s’appelait ‘Aux sans souci ‘. Quel programme! Toute ma philosophie de la vie réunie dans le nom d’un café, c’est dingue ! D’ailleurs quelques années plus tard j’ai rencontré aux courses le patron de ce bar…qui était devenu propriétaire de chevaux de course.
J’aimais beaucoup les westerns ainsi que les péplums. Je me prenais pour un Cow- boy en sortant des cinémas. Je devenais une espèce de John Wayne en culotte courte. J’allais jusqu’à mettre un foulard noué autour de mon cou à la façon Western pour faire plus vrai. Je me suis toujours créée un monde imaginaire, étant né sous le signe du cancer. Nous passons pour de grands rêveurs les personnes nées entre 22 Juin et le 22 Juillet.
En 66, j’ai découvert celui qui fut longtemps mon idole en tant que jockey et qui le restera comme entraîneur, Freddy Head. Il avait dix-huit ans, seules cinq années de plus que moi, et il gagnait l’Arc de Triomphe, avec un cheval dénommé, Bon Mot. Cela a dû m’impressionner car je pariais presque les yeux fermés sur ce jockey chaque fois que Freddy se mettait en selle.
L’idole des turfistes dans ces années-là était Yves saint Martin. Ce n’était pas mon jockey préféré, peut-être pour tout simplement ne pas dire comme tout le monde. J’ai essayé au maximum de ne jamais faire comme la majorité des gens. Cela m’a plutôt bien réussi, mais on ne peut jamais être certain de rien. Je suis du style: l’été à la montagne, l’hiver à la mer.
Tous les joueurs sont de grands rêveurs. Rêver, imaginer, fantasmer empêche des frais colossaux chez les ‘psys’ non ?
Faut quand même être d’une autre planète pour réaliser tout ce que j’ai fait dans ma vie de turfiste ! J’en connais (eh oui !) qui sont encore plus dingues que moi, parfois même je me demande si les courses de chevaux de course n’existaient pas, ce qu’ils auraient bien pu bien faire de leur vie. Peut-être auraient t-ils tout simplement inventé les courtines ! …
Voilà j’y arrive où je voulais vous emmener, dans un monde de fous, de dingues, de doux rêveurs, celui des joueurs.
Dans ce monde-là, on peut rajouter les éleveurs, les propriétaires (cela leur coûte souvent cher l’amour du cheval), les entraîneurs (qui doivent expliquer pourquoi le cheval de M. untel est battu !). Les jockeys, les apprentis, les lads, les journalistes, les pronostiqueurs qui doivent eux aussi expliquer pourquoi que leur coup sûr est tombé à la dernière haie. Chose pas simple, croyez-en mon expérience.
Et puis les principaux acteurs : les chevaux, trotteurs, sauteurs, galopeurs. Heureusement que je les ai connus, les Pot d’or, Gamelia, Tidalium Pelo, Fast Action, Bison futé, Riverqueen Gamine d’Ici, mais je ne vais pas commencer à citer tous les noms des chevaux que j’ai idolâtrés, une nuit ne me suffirait pas.
J’ai connu bien plus tard les courses de trotteurs,en compagnie d’un copain qui suivait le même ’doctorat ‘ que moi. Il faut dire qu’il avait de qui tenir, son père était joueur. J’ai longtemps fait équipe avec ces deux compagnons de route.
De suite Vincennes fut un coup de foudre. J’étais fou amoureux, des Oscar R.L, Roquepine, Pluvier III, Pastourelle VIII. Rien que leurs noms me faisaient frissonner ! Bien plus que ceux de Brigitte Bardot ou Catherine Deneuve.
Les courses ont de suite pris une importance capitale dans mon adolescence. Elles m’ont sûrement empêché de faire pas mal d’âneries, étant souvent livré à moi-même, traînant pas mal dans les rues et ne connaissant pas que des enfants de cœur (que d’ailleurs je ne fréquentais plus, 1968 oblige)
En semaine. Je laissais deux, voire, quatre francs à ma mère qui partait seule à Auteuil, histoire de s’oxygéner, pendant que je continuais d’apprendre que Zeus était fils de Cronos…franchement comme si je n’avais que cela à faire !
Le soir je partais à la rencontre de ma mère à la sortie du métro. Bien que pas très démonstrative de ses joies ou de ses peines, lorsqu’elle montait les marches, je savais si les chevaux que je lui avais demandé de jouer avaient bien rempli leurs contrats. Je me souviens de ces moments où j’étais ‘ The King of Turf ‘. Pensez donc mon cheval avait gagné, oui Monsieur, mon cheval.
Dans les cours de recréations, au lieu de jouer aux petits soldats ou aux billes, je me prenais pour un entraîneur de chevaux . J’avais ma propre écurie. À quatorze ans faut le faire non ?
Lorsque j’allais au square du Palais-Royal, je mettais deux chaises face à face, formant ainsi une haie, puis j’imaginais piloter l’un de mes chevaux franchissant tous les obstacles d’Auteuil devant une foule colossale. Je suis peut-être l’inventeur des courses virtuelles…
Certains psys auraient sûrement conseillé à ma mère de me donner quelques séances si j’avais parlé de mes délires. Je pense plutôt que l’amour des chevaux m’a permis d’être moi-même. Je vivais dans mon monde cruel, n’ayant ni père, ni sœur, ni frère, juste une mère que j’adorais et mes rêves de Grand Steeple et d’Arc de Triomphe.
A SUIVRE…
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Au beau milieu de l’année soixante treize, il m’est arrivé la chose la plus dingue de ma vie… l’armée.
Rencontrer autant de manque de fantaisie dans l’existence est sûrement introuvable autre part… L’armée m’aura cependant apporté quelque chose dans la vie : avoir le droit de déplacer un véhicule automobile d’un endroit à un autre. Dans le civil on appelle çà le permis de conduire qui me servira tant pour aller aux courses de chevaux.
Pendant mon séjour sous les drapeaux, côté courses, pas facile…
Lors des trois jours de sélection au château de Vincennes, j’ai essayé de me faire passer pour déséquilibré…mais cela n’a pas fonctionné. Une fois accepté parmi les joyeux lurons, je me suis retrouvé dans un régiment de…Hussards! Mais plus de chevaux…à la place des chars ! Seules les portes ouvertes en fin d’année de mon année d’internement m’ont permis de voir des équidés dans la caserne. Comme j’étais compté à moitié soutien de famille, je me suis retrouvé à …99 km de chez moi. Je rentrais quasiment toutes les semaines, sauf celles où j’avais eu des mots avec un supérieur, enfin c’est le nom que l’on donnait à ceux qui t’apprenaient à marcher au pas…
À part la solde, difficile de trouver les fonds pour ‘flamber’ . Comme je ne fumais pas, je revendais à des fumeurs mes cigarettes avec une belle marge bénéficiaire à l’appui.
Pendant mes permissions, je travaillais le samedi matin. Je livrais du pain dans les restaurants des halles, très nombreux à cette époque là, afin de me faire un peu d’oseille.
La chance était là où le Dieu des courses. Très souvent, j’arrivais à faire fructifier les gains de mon travail. Mes champions en ces temps-là, se nommaient, Détos, Catharina, Carnaval, (c’était un nom tout indiqué pendant une période militaire).
Parfois, j’arrivais à donner un peu d’argent à ma mère. Fin juin, le phénomène Bellino II avait remporté le prix René Ballière à une cote avoisinant les trente contre un, incroyable . Et moi bloqué comme un cave au milieu de tous ces jeunes en treillis, entourés par des vicieux, casqués, rangers aux pieds, déguisés en chasseurs de lapins, hurlant des: une deux, une deux ! Pas moyen de mettre une pièce sur le coup sûr à trente contre un. Il y a de quoi vraiment haïr l’armée après çà ! (Il faut que je vous dise pour être tout à fait honnête, que même avant ce manque d’opportunité, je n’ai jamais été fan).
Enfin par un bel après-midi de juillet, ce fut mon jour le plus long ! La libération de cet asile de fous.
Mon premier voyage en tant que civil, ce fut pour aller un dimanche … à Longchamp, tout fier d’emmener mon copain ( celui de la pauvre Aronde qui avait rendu l’âme). J’avais emprunté pour la circonstance, une SIMCA commercial 1500 à un ami qui était comme mon père. Bien que la pauvre Simca bleu ciel, ne possède plus qu’une boite de vitesse boiteuse, quelle fierté d’aller au champ de courses en voiture. C’était autre chose que de prendre le car avec tous ces ‘malheureux’ qui n’y comprenaient rien aux courtines…
Grâce à l’armée et surtout à mon talent de pilote que je revendique, quelques mois plus tard j’en fis mon gagne-pain, (merci quand même la grande muette). Rapidement j’ai fait connaissance avec les courses de province. Se rendre sur des hippodromes où j’étais inédit, repérer des chevaux qui devaient gagner ensuite à Paris, se taper un bon resto au retour et se coucher la tête pleine de rêves et d’espoirs, croyez-moi, quel panard!
Mes premières vraies sorties provinciales eurent lieu dans les années soixante-quinze, soixante-seize. Très timide au début, Fontainebleau, Compiègne, Amiens, Rambouillet furent les premiers terrains exploités par celui qui devint cet amoureux de la province.
Tout turfistes qui n’a jamais mis les pieds dans ces petits hippodromes dit de province, (je trouve ce mot galvaudé ) ne peut se vanter de connaître les courses de chevaux. Quel plaisir de partir tôt le matin, en train, en voiture, seul, avec des copains, le déjeuner dans le sac ou dans la glacière. Sans oublier les jumelles astiquées, un bon stylo, même deux au cas où…
Comme le chantait si bien Jacques Brel: la vie ne fait pas de cadeau…
L’an mille neuf cent soixante dix neuf fut la pire année de mon existence: la mort de ma Maman.
La terre s’est arrêtée de tourner… ! Celle qui avait tout donné pour moi, me laissait seul, complètement seul. Quelle claque dans la gueule qu’une nouvelle fois la vie me mettait. Comment tenir le coup? Restent bien des amis, copains, une petite amie, mais bon, c’est trop cruel cette fois-ci…
Après de sérieuses envie de tout laisser tomber, l’envie de vivre m’est revenue un jour en regardant des chevaux, non loin de la porte Maillot, au jardin d’acclimatation.
Allez mec, me-suis je dit, bouge-toi, vis ta vie. Ne la brûle pas, mais fait ce que tu aimes, voyage, connaît mieux ce monde des courses que ta mère t’a donné comme héritage.
Alors, direction la province hippique. Rien que faire la route était pour moi un immense plaisir, je dis bien était, car maintenant avec le temps qui passe cela le devient moins. Le phénomène de découverte se fait moins excitant. Combien de champs de courses, ais -je connu depuis mes débuts ? Presque cent cinquante, un peu moins, un peu plus ?
Si vous avez bien suivi le début de cette œuvre, vous avez compris que je n’avais pas une âme de comptable !
Des anecdotes sur les courses j’en ai des tonnes, des caisses pleines. Si je devais les déménager de mon cerveau, je pourrais envahir les vôtres.
Je vais essayer avec mes modestes moyens de vous en faire vivre quelques-unes dans le désordre.
Une des premières anecdotes qui me vient à l’esprit, c’est cette histoire et pourtant vraie !
J’avais un ami un peu plus jeune que moi mais tout aussi accro des courses.
On était bien plus que des amis de courtines. Je venais souvent chez ses parents, flambeurs eux aussi à leurs heures perdues.
Un samedi après-midi de 1982, on se rencontre et décide d’un commun accord…de partir à Vincennes, notre seconde résidence. Mon copain possédait en tout et pour toute la somme de 100 francs et votre serviteur ne devant pas être beaucoup plus fortuné.
Mon pote qui était fort (quoique, aux courses, les forts…), voyait bien un cheval dans le tiercé du jour, (en ces temps-là, il ne se courait que 2 tiercés par semaine). Ce cheval s’appelait Lelidant, il était entraîné par Hervé Houel et drivé par celui-ci. Ce qui est drôle, c’est que quelques années plus tard, j’aurais un cheval en copropriété chez cet entraîneur…le destin quoi !
Mon compagnon de route joue ses 100 francs sec dessus. Quant à moi, bien plus prudent à ce jeu 30 et 20.
Le trotteur de l’écurie Houel l’emporte la queue en panache, aidé dans sa tâche par nos cris à mi-ligne d’arrivée. Lélidant fait afficher un confortable 10 contre 1. En fin de réunion, nous sommes sortis de la ‘séance de prière’ avec un petit pactole. La chance étant là nous avons continué de toucher jusqu’à la fin de la réunion.
Le lendemain, sept heures du mat (aucun frisson), direction Elbeuf, gentille petite ville de Normandie située du coté de Rouen. Un endroit que je n’aurais jamais certainement connu s’il ne possédait pas un hippodrome. À l’époque l’hippodrome des Brûlins possédait une piste en herbe avec trous et bosses. Dès le petit matin, les pompiers de la ville arrosaient la piste avec l’eau qui normalement avait pour fonction d’éteindre les éventuels incendies.
Arrivés en train à Elbeuf, le papier déjà fait et après une bonne bouffe dans un petit bistroquet jouxtant le champ de courses et qui faisait aussi office de P M U nous attaquons la réunion.
Toute la journée nous n’avons cessé de prendre la caisse.
Nous avions un ‘coup sûr’, une certaine Modestine dans une épreuve au trot monté. Gagnant très facilement son épreuve cette pensionnaire de M. Barassin nous a permis d’empocher pas mal d’oseille ! Mais l’anecdote ne s’arrête pas là… 2 ou 3 ans plus tard, nous nous sommes aperçus que dans la course où Modestine avait gagné, qu’une certaine Mirande du cadran participait à cette même épreuve !
Pour les ignares ou excusez-moi, pour les jeunes qui ne se sont pas penchés sur le passé hippique, que cette fameuse Mirande du cadran, 3 ans après enlève le prix du Cornulier, la plus grande épreuve de trot monté au monde. Pour ceux qui doutent de la véracité de mes écrits, cliquez sur le lien…
www.letrot.com/stats/fiche-cheval/mirand...rnieres-performances
Sortir d’un hippodrome avec la banane n’est pas une chose aussi courante pour le turfiste. Mais ce jour-là, partis avec presque rien, les poches s’étaient remplies grâce à notre Vista et aux trotteurs qui ont bien voulu nous faire plaisir.
Avec l’expérience, je me suis vite aperçu, seuls les bons souvenirs restent gravés dans le cerveau. Les mauvais, et Dieu sait si on en a dans une vie de turfiste, ont une curieuse façon de disparaître automatiquement dès une bonne nuit passée. Heureusement, car sinon la corporation des turfistes serait en tête de liste des suicidés chaque année.
Autre anecdote, puisque vous y tenez se passe avec l’un de mes meilleurs amis, je dis bien ami, car aux courses on a beaucoup de copains quand on passe à la caisse mais très peu lorsque le larfeuille se vide.
Parti tôt le matin, (le turfiste est matinal), cet ami s’est rendu seul de Paris à Vernon aux épreuves de trot du jour. Eh alors me direz-vous ? Et bien je vais vous le dire ( phrase empruntée à Sarko), seul à Vernon oui, mais en mobylette depuis la Capitale. Pas de quoi fouetter un chat…si ! Car ce jeune homme, qui maintenant n’en est plus un, a quitté son domicile en chemise, et sans aucun outil pour réparer en cas de crevaison. En fait, comme je suis là pour le charger, même s’il avait eu de quoi dépanner, lui et la mécanique ne font pas bon ménage. En chemise en plein mois de juillet, le mois de tous les orages ! Vous voyez le genre ! !
Arrivés à Vernon, nous nous rencontrons et je comprends vite qu’un psychologue va être lui être d’un grand secours. Comme ces gens -là ne courent pas les pistes hippiques, je me propose de l’écouter.
- Alors que vous t-il arrive cher ami ?
- J’ai une angoisse terrible ! J’ai peur de crever sur la route !
Le sujet avait pris conscience de la gravité de son acte. En fin psy que je suis, je le laisse parler, sans le provoquer bien sûr, les fous doivent toujours être écoutés et non être contrariés.
Après quelques échanges sur la vie, la mort, son enfance, je lui propose de le ramener, lui et sa pétrolette dans ma superbe Renault 4 L commerciale. 4 L que j’avais moi-même ‘emprunté’ à mon patron pour le week-end- sans lui demander sa permission. Vous comprenez mieux maintenant, le genre de blagueur qui l’on peut avoir à faire aux courtines. Pour en finir avec cette histoire et afin de rassurer le lecteur, nous sommes bien rentrés tous les deux ainsi que les deux véhicules.
Autre histoire qui me tient à cœur: la victoire de mon idole dans du Cornulier 1980, la belle Gamelia, jolie alezane qui appartenait au Vicomte De Bellaigue, une écurie que j’adorais. Auparavant ce propriétaire avait eu Clissa, une jument qui aurait pu être une grande championne, si de graves ennuis de santé n’étaient venus contrarier les plans de sa carrière.
Revenons en a ma chère Gamelia. Je l’ai magnifié dès le début de sa carrière. Sûrement parce qu’elle me fit gagner un peu d’argent lors de ses premiers pas en compétition, faisant afficher un beau treize contre un, lors de ses débuts à Vincennes. Enfin je ne sais pas exactement pourquoi, mais je suis vite tombé sous son charme comme l’on devient fou amoureux d’une femme. Je l’idolâtrais, la défendais contre vents et marées, prêt à me battre pour elle. Faut dire que son cas n’était pas simple. En belle fille qu’elle était, Mademoiselle aimait bien me faire marcher, s’enlevant dans le dernier tournant alors qu’elle dominait tout son petit monde, prenant au passage mon pognon ! Je voyais en elle, en ces moments là, une de ces filles qui tapine dans le coin des halles, enfin ex-halles maintenant ! Bien sûr, comme bien d’autres, ma belle Gamelia sera remplacée dans mon cœur, mais jamais dans ma tête.
Comme le chante si bien Serge Gainsbourg, les feuilles mortes se ramassent à la pelle et les souvenirs aussi. Pour rassembler tous mes souvenirs hippiques, il me faudrait des heures de pelletage et des tombereaux pour les stocker.
Comment ne pas se souvenir de toutes ces merveilleuses journées passées sur les routes de France ou bien dans ces trains qui m’emmenaient vers le rêve et me ramenaient parfois durement vers la réalité. C’est-à-dire parfois les poches aussi vides que les puits Africains en période de grande sécheresse.
La seule certitude de ma vie de turfiste, c’est qu’il est très difficile de gagner aux courses. J’ai bien dit gagner, pas de toucher. Il ne faut pas confondre les deux. Gagner c’est être bénéficiaire. Pour finir l’année bénéficiaire, il faut suivre à fond, être régulier dans ses mises et avoir un bon feeling avec les chevaux.
Les courses semblent moins difficiles à déchiffrer au trot, car les chevaux restent très longtemps en compétition de deux jusqu’à neuf, dix ans pour certains. Au galop par contre, on voit surtout de deux à trois, quatre ans maximum la plupart des galopeurs. Il est alors plus difficile de se faire un jugement sur les valeurs. Ce n’est que mon avis perso et quand on sait qu’il n’y a pas pire que les courses pour trouver des avis différents dans la vie. Le turfiste n’est pas sectaire, avec évidemment des exceptions que l’on peut trouver dans chaque société.
A SUIVRE…
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