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Coronavirus : les professionnels des courses très inquiets de la baisse des allocations
Par Julien Sellier, Le 30 avril 2020
Repartir aussi vite que possible, même si les conditions de course changent. Voilà en substance les propos tenus par Edouard de Rothschild, qui a confirmé que
les courses reprendraient le 11 mai
, date de début du déconfinement. Si les autorités sanitaires doivent encore donner leur aval à cette reprise, très attendue par les acteurs de la filière, les professionnels s'inquiètent de l'annonce faite par le président de France Galop de baisser les allocations (montants versés aux premiers d'une épreuve) de 20 % minimum cette année. Une façon, parmi d'autres, de
réaliser des économies pour une filière en difficulté
.
« En plus des deux mois d'inactivité totale qu'on aura connus, on nous demande de renoncer à 20 % des recettes collectées jusqu'à la fin de l'année, s'insurge Mathieu Boutin, entraîneur de galopeurs à Chantilly. Tout compris, cela reviendrait à perdre 33 % de notre chiffre d'affaires annuel. C'est une politique suicidaire. »
La difficulté propre à la filière équine est que l'absence de rentrées financières se conjugue avec un maintien des charges fixes. Les chevaux nécessitent une présence quotidienne, peu compatible avec une réduction du personnel. Selon nos informations, 15 % des entreprises du secteur seulement ont eu recours au chômage partiel.
Surtout, les professionnels des courses s'étonnent de la différence de traitement avec leurs homologues de l'équitation. « Les centres équestres, comme beaucoup d'autres secteurs, ont récemment obtenu une aide directe de l'Etat. Mais, nous, rien. Et nous ne bénéficions pas non plus d'exonération de charges. L'urgence est donc de sauver les allocations. »
Le hic est que les dites allocations dépendent des enjeux au PMU, qui ne retrouveront pas immédiatement leur niveau d'avant l'épidémie. La question de leur financement se pose donc. « Contrairement à beaucoup d'entreprises, France Galop ne veut pas profiter du prêt garanti par l'Etat (PGE), regrette Mathieu Boutin. Ce serait pourtant la seule solution viable. Il s'agirait pour chaque société mère (France Galop et LeTrot) d'emprunter entre 60 et 80 millions d'euros. Si notre secteur d'activité (qui génère plus de 9,5 milliards de chiffre d'affaires en 2019) n'est pas capable de rembourser cette somme en cinq ans, c'est que les courses sont vouées à disparaître. »
« Il s'agit de sauver une filière d'excellence »
Son de cloche comparable avec Serge Tardy, président du syndicat des propriétaires de galop. « Le Conseil d'administration a opté pour un schéma sans endettement, faute d'avoir la certitude sur la capacité de France Galop à rembourser l'emprunt. On prend acte de cette décision, qui risque d'engendrer une baisse du cheptel de chevaux et une fuite des investisseurs, Mais nous considérons qu'il y a une alternative à étudier. Pour cela, nous, propriétaires et entraîneurs, souhaitons être associés aux discussions pour éviter une récession. »
Une demande a été formulée pour l'organisation d'un point hebdomadaire sur l'évolution de la situation financière des socioprofessionnels. « A mon sens, il faut conserver l'outil de production (chevaux, entraîneurs, propriétaires) avec 100 % des allocations, renchérit Serge Tardy. Outre le recours au PGE, un décalage de dettes auprès de l'Etat sur une longue durée est une solution. Entre les 800 M€ prélevés chaque année et la structuration du territoire avec ses 230 hippodromes, la filière a des arguments à faire valoir auprès des autorités. »
LeTrot, de son côté, a rempli une demande de PGE. Dans l'attente d'une réponse, les professionnels font le dos rond. « Rien n'est acté concernant les allocations, se rassure Stéphane Meunier, président du syndicat des entraîneurs de trot. Et nous ne désespérons pas d'obtenir une aide directe avec l'appui du ministère de l'Agriculture. Il s'agit de sauver une filière d'excellence. Même les Américains, pas connus pour faire dans le social, ont accordé une prime pour les chevaux à l'entraînement pendant la période d'inactivité. »
Une éventuelle réduction des allocations, comparable à celle actée au galop, serait rédhibitoire pour l'entraîneur installé dans l'Orne. « Au-delà de 10 %, il sera impossible pour beaucoup de professionnels de continuer leur activité. » Malgré ces inquiétudes, tous se préparent à reprendre dès le 11 mai le chemin des hippodromes.