FRED LEYBURN
Fred Leyburn est sans doute le plus fameux trotteur de cette période. Il est souvent considéré comme le premier crack de Vincennes. Son père Kalmia, né en 1888, fut déjà un champion sur les pistes, avant de devenir un grand étalon au haras. Il était né dans le Calvados, chez Monsieur du Rozier et courut pour la fameuse écurie du Rozier-Vaulogé, qui s’était rendue célèbre dans les années 1890 avec des champions comme Léda, Narquois et Roscoff. Kalmia faisait partie des meilleurs chevaux de sa génération et réussit une belle carrière de courses, en remportant notamment le Grand Prix de Pont-l’Evêque et le Prix de la Société d’Encouragement, deux courses prestigieuses à l’époque. Il entra au haras en 1893 et y fonctionna comme étalon jusqu’en 1910, engendrant 114 trotteurs, dont le plus fameux fut son fils Fred Leyburn, le Demi-Sang le plus titré d’avant la guerre 1914-1918.
Il vint au monde en 1905 chez M. de Laborde-Noguez, dans la Seine-Inférieure. Parce que sa mère Helen Leyburn était américaine, on l’a souvent qualifié « d’américain », mais il était français. Il domina le trot européen durant plusieurs années, de 3 à 9 ans, grâce à sa vitesse exceptionnelle. Il remporta à trois reprises le Prix du Conseil Municipal, en 1912, 1913 et 1914. Comme le Prix d’Amérique, cette grande épreuve se disputait fin janvier et peut d’ailleurs être considérée comme l’ancêtre de ce grand international. Son record de 1’21’’ 1/2, établi en 1911, avait produit une vive émotion dans le monde du trotting. Il se recommandait aussi d’un temps de 2’10’’ 3/5 sur le « mile ». Il avait remporté le Prix de la Ville de Rouen en 1’21’’ 1/2, alors que l’année suivante Jean Sans Peur faisait afficher un temps de 1’33’’ 1/2 après sa victoire dans la même course.
Déjà, en 1909, on avait fait appel à Fred Leyburn pour démontrer les qualités du trotteur français. Une cabale anti-Demi-Sang prétendait que la race avait dégénéré au point de ne plus être capable de tirer la moindre charge et aucune pièce d’artillerie.
La Société du Demi-Sang se prit au jeu et organisa à Vincennes des épreuves dans le but de démontrer l’efficacité du trotteur français. L’une de ces épreuves obligeait les concurrents à courir au trot en traînant une charge de 500 kg. Pour arranger le tout, la pluie se mit à tomber et transforma la piste en bourbier. Les lourdes voitures utilisées à la place des sulkys ultralégers ne pesaient pas moins de 300 kg. L’épreuve se divisait en deux batteries : une pour les jeunes trotteurs, dont Fred Leyburn alors âgé de 4 ans, l’autre pour les anciennes gloires du trot, dont Dakota, le propre frère de Fred Leyburn.
Or, selon le récit du Sport Universel Illustré du 12 septembre 1909, Fred Leyburn s’est littéralement promené pour tirer son chargement de 500 kg, en dépit de la pluie, de la boue, de tous les inconvénients possibles et imaginables, pour l’emporter dans une réduction de 1’47’’ au kilomètre, le tout dans un trot brillant et régulier, qui a fait impression.
Nullement éprouvé physiquement par cet exploit, le fameux champion réapparaissait peu après au sulky et battait son propre record. Il devait d’ailleurs améliorer à plusieurs reprises le record de France.
Il avait rapporté à son heureux propriétaire M. C. Rousseau la somme de 232 408 francs de gains, en France et à l’étranger.
Mais son frère Dakota, qui malgré sa petite taille avait remporté la deuxième épreuve de « trait-tracte », celle des chevaux âgés, fut meilleur que lui au haras.