Samedi-sciences (178) : contacts intermittents entre Rosetta et son module Philae
27 juin 2015 | Par Michel de Pracontal
Après sept mois d’hibernation sur le sol de la comète Tchouri, le module d’atterrissage Philae s’est réveillé et a communiqué à sept reprises avec la sonde Rosetta, les 13, 14, 19, 20, 21, 23 et 24 juin. Mais ces contacts, brefs et intermittents, n’ont pas permis une liaison stable nécessaire pour que le module puisse transmettre ses données, comme l’explique le blog Rosetta sur le site de l’Agence spatiale européenne.
Au Centre européen d’opérations spatiales (ESOC) à Darmstadt, en Allemagne, l’équipe de vol de Rosetta cherche à ajuster la trajectoire de Rosetta pour permettre une meilleure communication entre la sonde et son module. Exercice complexe, car il faut aussi garantir la sécurité de la sonde, alors que la comète, qui se rapproche du Soleil, émet de plus en plus de poussières qui risquent de désorienter Rosetta.
Résumé des épisodes précédents : Philae, qui est un module robotisé, s’est séparé de la sonde et s’est posé acrobatiquement sur la comète 67P/Tchourioumov-Guerassimenko, dite Tchouri, le 12 novembre dernier au terme d’un périple de 6 milliards de kilomètres commencé il y a une décennie, le 2 mars 2004. Du fait qu’il n’a pas atterri comme prévu, mais a rebondi sur le sol de la comète et s’est coincé près d’une sorte de falaise, ses panneaux solaires n’ont pas été éclairés correctement et le module s’est éteint, faute d’énergie, le 15 novembre (voir notre article).
Mais la comète se rapproche du Soleil : elle atteindra le périhélie, le point le plus proche du Soleil, le 13 août prochain. De ce fait, le module reçoit plus d’énergie solaire et peut se réchauffer et réactiver ses circuits. Dès avril-mai, les scientifiques ont guetté le réveil de Philae (voir Samedi-sciences du 9 mai), même si les chances de réussite étaient estimées à moins de 50%.
La bonne surprise est venue 13 juin : Philae a envoyé un signal de 85 secondes à Rosetta, capté par l’équipe de l’ESOC à Darmstadt. Six autres contacts ont été confirmés depuis, mais ils ont été brefs et instables. Le 19 juin, Philae a émis un signal pendant deux courtes périodes de deux minutes. Le 23 juin, un contact de 20 secondes n’a pas permis de transmettre la moindre donnée. Le 24 juin, le contact a duré 20 minutes mais la liaison était mauvaise et Philae n’a pu transmettre qu’une petite quantité de données de télémétrie.
Aucun contact depuis le réveil de Philae n’a approché, même de loin, la qualité des liaisons qui, en novembre, avaient permis au module d’envoyer de remarquables images de la comète avant de s’éteindre.
Selon les explications de l’Agence spatiale européenne, la comète a une période de révolution d’un peu plus de douze heures, ce qui signifie que Philae et Rosetta ont grosso modo deux occasions de contact pendant une journée terrestre. Mais la qualité et la durée de ces contacts dépend de l’orientation de l’antenne de Philae et de la position de la sonde sur sa trajectoire. De plus, Philae n’est pas toujours éclairé par le Soleil et ne fonctionne donc pas en permanence.
A chaque révolution, il y a une « fenêtre de contact » dont la durée théorique varie entre quelques dizaines de minutes et trois heures, selon les positions respectives de la sonde et du module. La configuration idéale suppose que Philae capte le signal à un moment où il a une quantité suffisante d’énergie pour répondre et établir une liaison avec la sonde permettant de transmettre ses données stockées dans ses deux mémoires de masse. Pour une transmission efficace, il faut une liaison stable pendant une durée minimum d’environ 50 minutes.
Cela n’est possible que si plusieurs conditions sont réalisées : il faut que le module soit actif au moment où la sonde le survole ; que l’antenne de la sonde puisse être orientée de manière à capter le signal émis par l’antenne du module, laquelle impose des contraintes liées notamment à la topographie environnante ; il faut aussi que l’orbite de la sonde ne soit pas trop distante de la comète, sinon le signal est trop faible.
Du fait que la comète se réchauffe et qu’elle est de plus en plus active, elle est entourée de poussières et de débris. Or, pour s’orienter, Rosetta utilise des « capteurs d’étoiles ». Ceux-ci peuvent confondre les poussières lumineuses autour de la comète avec des étoiles, de sorte que la sonde peut être totalement désorientée si elle s’approche trop de Tchouri. Cela s’est d’ailleurs produit en mars dernier alors que la sonde effectuait un passage à proximité de la comète. Le risque, si les capteurs d’étoiles ne fonctionnent plus, serait que Rosetta passe en mode autonome et coupe le contact avec la Terre pendant des jours ou des semaines.
Par conséquent, l’équipe de vol doit veiller à ne pas trop rapprocher Rosetta de la surface de la comète. Depuis l’épisode de mars, a sonde a été maintenue à une distance de sécurité d’environ 200 kilomètres de Tchouri, afin de réduire l’impact des poussières sur les capteurs d’étoiles. L’équipe cherche maintenant à rapprocher tout doucement Rosetta de la comète en surveillant les capteurs en permanence pour éviter un problème. L’objectif est d’amener Rosetta à 160 kilomètres de la surface d’ici le 30 juin, et d’évaluer s’il est possible de la rapprocher davantage.
Par ailleurs, l’équipe de vol cherche aussi à optimiser l’orbite : selon la latitude de celle-ci, l’angle avec l’antenne du module n’est pas le même et certaines orbites semblent plus favorables que d’autres. Dans les prochaines semaines, l’équipe va faire varier progressivement l’orbite afin d’évaluer à quelle latitude le signal a le plus de force.
L’activité de Rosetta ne se limite pas aux contacts avec Philae. En même temps, ses instruments continuent d’épier la comète. Le 24 juin, ses caméras ont repéré une centaine de taches brillantes à la surface de Tchouri, probablement des plaques de glace, dont les conditions de formation restent à élucider. Rosetta devrait nous en apprendre encore plus d’ici le 13 août, lorsque la comète atteindra son périhélie et sera illuminée par le Soleil.
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