Certes, il existe beaucoup d'entraîneurs qui élèvent pour leur plaisir, mais Jim Bolger est encore d'une autre galaxie. A 78 ans, il est une figure indéboulonnable des courses irlandaises, et n'a jamais cessé de gagner à haut niveau depuis des années. Pourtant, Bolger fait tout différemment des autres. Quand il entraîne des champions, ce sont rarement des yearlings qu'il a acquis à grand frais, mais plutôt des poulains issus de l'élevage maison. Quand il pourrait faire monter les plus illustres jockeys de la planète, il continue à faire confiance à son gendre Kevin Manning, qui est certes talentueux, mais a tout de même 53 ans. Evidemment, si tout cela ne fonctionnait pas, on traiterait Jim Bolger de fou à lier. Mais le fait est que ça fonctionne, et ça c'est fou.
Ce samedi, Jim Bolger a fait le tour du monde des Gr.1 en 5 min. Alors qu'il a un palmarès long comme le bras, il a remporté son 1er Futurity Trophy (ancien Racing Post Trophy) avec Mac Swiney, qu'il a élevé et qui porte sa casaque. Son grand espoir pour le Derby est issu d'un inbreeding 2x3 sur Galileo, un croisement que peu tenterait, par peur de faire naître un allumé du casque qui se jette dans les murs. Mac Swiney jette juste les jambes, et avec style. C'est un pur Bolger, puisqu' il est par New Approach, avec une mère par Teofilo. New Approach, même s'il avait été acheté yearling par Bolger, est le dernier produit de l'une de ses première jument marquante: Park Express. Cette gagnante des Irish Champion Stakes ou encore des Nassau Stakes était une très vieille poulinière quand New Approach est né, et il se dit même que le poulain portait une cloche au cou pour que sa mère aveugle le situe autour d'elle... New Approach est devenu un grand champion, gagnant du Derby d'Epsom entre autres (sous la selle de Kevin Manning bien sur !) et un étalon tout à fait remarquable, père de Masar et bien d'autres chevaux de haut niveau. New Approach avait été vendu en cours de carrière à Darley, qui avait laissé des breeding-rights à Jim Bolger. Il s'était servi de New Approach pour concevoir l'un de ses champions, Dawn Approach, invaincu en 6 courses à 2 ans, puis double vainqueur de Gr.1 à 3 ans. La classe !.
La vie d'éleveur de Jim Bolger a changé quand il a croisé un tout jeune Galileo avec ses juments pour donner le crack Teofilo. Lui aussi invaincu à 2 ans, double gagnant de Gr.1, il avait été brisé dans son élan par une blessure, l'empêchant de faire campagne à 3 ans. Là encore, Bolger avait vendu le cheval à Darley en gardant des droits à saillir. Teofilo est devenu année après année l'un des meilleurs, voire le meilleur fils de Galileo au Haras à ce jour. Cela récompense la foi de Darley en Bolger, car si aujourd'hui leurs étalons connaissent une réussite exceptionnelle, il y a eu des périodes moins fastes, et un cheval comme Teofilo a été leur tête d'affiche. Père de mère de Mac Swiney, Teofilo a donné ce week-end un autre Gr.1 à Jim Bolger, cette fois en tant qu'éleveur seulement, avec Gear Up. Le vainqueur du Critérium de Saint-Cloud, entraîné par une autre figure, Mark Johnston, a parachevé un grand samedi pour Bolger. Le lendemain, Teofilo sortait son 20e gagnant de Gr.1 individuel avec Subjectivist dans les Royal Oaks, une barre symbolique et significative de la qualité de cet étalon. Il a donné 5 gagnants de Gr.1 en 2020, ce qui le place juste derrière...Galileo, son père ! Chapeau.
Jim Bolger, comme on l'a dit, fait confiance à son gendre Kevin Manning en selle, qui fut le partenaire de Teofilo, New Approach, et Dawn Approach. A 53 ans, Manning a égalé un vieux record européen avec Mac Swiney. Il est devenu le plus vieux jockey gagnant de Gr.1, au moins en Europe, ex-aequo avec un certain George Duffield. Ce dernier, longtemps au service de Sir Mark Prescott, a monté des cracks comme Pivotal et User Friendly. C'est lui aussi à 53 ans qui a remporté son dernier Gr.1, en selle sur le fameux Giant's Causeway dans les Eclipses Stakes, en remplacement d'un Mick Kinane blessé... Kevin Manning aura encore des chances de battre ce record avec McSwiney, qui est rappelons-le, le gros espoir de Jim Bolger pour le Derby d'Epsom 2021... Il sait de quoi il parle, ça c'est sur !
Le même fameux samedi où il remportait 2 Gr.1 comme éleveur, Jim Bolger avait fait confiance à son jeune apprenti de 20 ans Luke McAteer pour se mettre en selle sur Flying Visit dans un Gr.3, qu'il a brillamment remporté. Là encore, c'est l'élevage de notre bon vieux Jim qui avait la clé, à la différence que Flying Visit est issu de Pride Of Dubai, un étalon Australien qui a fait la monte en Europe mais n'est pas revenu en 2020... On ne sait pas ce qui se passe dans la tête de Jim Bolger, mais on éleverait sûrement des gagnants de Gr.1 si on avait accès à ses secrets ! Quoi qu'il en soit, Jim Bolger est à 78 ans le grand homme du week-end, devant tous les jeunes qu'il a vu grandir dans le métier. Ah si vieillesse pouvait...et bien oui !
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www.france-sire.com/actu_generale-25795-...en_et_jim_bolger.php
Jim Bolger savoure juste la semaine exceptionnelle qu'il vient de vivre, car à part Coolmore et autres super-puissances, élever 3 gagnants de Gr.1 en l'espace de quelques jours relève de l'exploit.
C'est pourtant ce que vient de vivre l'entraîneur irlandais âgé de 78 ans.
Après Mc Swiney (qu'il entraîne lui-même), et Gear Up le week-end dernier, voilà que Jim Bolger se voit sacré dans l'une des plus belles épreuves au monde, une course qui arrête tout un pays, la Melbourne Cup. Le handicap qui rassemble à chaque fois une meute de bons chevaux venus du globe entier a encore livré un verdict quelque peu surprenant, avec à la clé la victoire de Twilight Payment, un bon vieux 7 ans. Remporter la Cup à cet âge n'est pas impossible, puisque Almandin ou encore Rogan Josh y sont parvenus, mais cela reste très rare, et relève encore la performance du vainqueur.
Twilight Payment fut entraîné en début de carrière par son éleveur, avant d'être acheté 200 000 € en tant que cheval à l'entraînement pour le compte de Lloyd Williams.
Ce fameux propriétaire, déjà gagnant 6 fois avant aujourd'hui de la Melbourne Cup, axe tous ses achats sur ce graal. Twilight Payment avait auparavant gagné Gr.2 et 3 listeds, étant un cheval consistant depuis ses 3 ans. Tardif, il avait débuté en mai de ses 3 ans, sur 2500m ! Prédestiné à courir la Melbourne Cup... Passé sous l'entraînement de Joseph O'Brien, il avait mal couru dans la Cup l'an dernier, mais présentait une toute autre forme cette année. Il venait d'être 3e de l'Irish St Leger, après avoir remporté 2 Groupes.
Twilight Payment permet à son père Teofilo de remporter une 2e Melbourne Cup en 3 ans, après Cross Counter. Le cru 2020 est exceptionnel pour Teofilo, qui est le meilleur père de gagnants de Gr.1 derrière son père Galileo. Ce dernier est d'ailleurs le père de Tiger Moth. Si son petit-fils brille en Australie, Galileo n'a encore jamais donné de gagnant de Cup, une des rares grandes courses manquant à son tableau de chasse. Il n'est pas connu pour sa réussite en Australie...Teofilo, grand champion de Jim Bolger, a été bien évidemment beaucoup utilisé par son éleveur et entraîneur, lui donnant énormément de joie. Ici, il a été croisé avec une certaine Dream On Buddy, une fille d'Oasis Dream que Bolger avait acheté 240 000 Gns après que sa soeur Banimpire ait fait une grande saison, en gagnant 2 groupes et se classant 2e des Oaks.
Cette souche est celle de la fameuse Detroit, gagnante d'Arc de Triomphe ayant elle-même donné un vainqueur de cette course en la personne de Carnegie. Aussi fou que cela puisse paraître, Twilight Payment est le seul gagnant de sa mère à ce jour, même si elle a aussi produit Bandiuc Eile, maiden mais placée de Gr.2 à 2 ans. Elle est d'ailleurs inscrite à la prochaine December Sale de Tattersalls, pleine du sprinter Profitable... Un bel update !
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C’est l’homme du moment. Jim Bolger fascine les éleveurs et les entraîneurs du monde entier. Sa vie est celle d’un ascète, mais elle est jalonnée de paris d’une audace déconcertante.
Par Adrien Cugnasse
La légende est repartie. Fidèle à sa réputation, Jim Bolger a fait un retour fracassant sur le devant de la scène. Au début du mois de novembre, Twilight Payment (Teofilo) a gagné la Melbourne Cup (Gr1). Bolger l’a élevé puis vendu après une victoire de Groupe. Fin octobre, Mac Swiney (New Approach), dont il est l’éleveur, l’entraîneur et le propriétaire, a remporté le Futurity Trophy (Gr1). Enfin, il a élevé Gear Up (Teofilo), lauréat du Critérium de Saint-Cloud (Gr1). Ce dernier a été vendu en tant que yearling. On ne trouve pas plus Irlandais et plus accueillant que Jim Bolger. Il a accepté de lever le voile sur une petite partie de sa réussite.
Jour de Galop. – Selon vous, quand on a un budget limité, quels sont les critères prioritaires à regarder chez une poulinière ?
Jim Bolger. – En premier, le pedigree. Puis, dans un deuxième temps, le modèle et les performances, avec le même niveau d’importance.
Vous êtes l’un des premiers à avoir utilisé Galileo avec succès. Étiez-vous alors inquiet du fait qu’il n’était pas black type à 2ans ?
Non, je ne l’étais pas. Et ce pour une raison très simple. J’étais à Leopardstown lors de ses premiers pas au mois d’octobre de ses 2ans. Ce jour-là, il avait gagné de 14 longueurs. C’était un maiden, mais sa valeur était celle d’une course black type. Le fait de voir de ses propres yeux un cheval gagner, le fait de pouvoir apprécier le style de sa victoire, c’est primordial. Et c’est la même chose pour les chevaux que j’entraîne. Certains n’ont pas l’occasion de reproduire en piste ce qu’ils montrent le matin. Mais, en tant qu’éleveur, sur la foi de ce que j’ai pu voir à l’entraînement, je leur donne une chance.
Comment abordez-vous la saison de monte 2021 ?
Tous les étalons qui ont été performants ont vu leur prix de saillie augmenter, et je ne suis pas franchement satisfait par cette situation. Avec les jeunes étalons, on sait qu’une hirondelle ne fait pas le printemps. Ce matin, je parlais avec un directeur de haras. Nous évoquions mon plan de croisement 2021. Je lui ai dit que j’avais encore un certain nombre de chevaux à vendre et qu’ensuite je verrais ce qu’il me reste en poche à Noël pour décider quel étalon je peux utiliser ! Pour moi, le prix de saillie est un élément prioritaire. J’ai toujours dû renoncer à certains sires par manque de finances. De toute manière, en matière d’élevage, la part du hasard, de la chance est énorme. Parfois, j’ai obtenu de meilleurs chevaux avec des étalons ordinaires, mais qui étaient dans mon budget. Il me reste donc encore quelques semaines pour réfléchir à la saison de monte 2021…
D’une manière générale, on sait que le taux d’échec est très élevé avec les étalons. Peu réussissent. Est-ce toujours un objectif pour vous de produire et d’exploiter des sires ?
J’ai actuellement trois étalons dans mon haras [Redmondstown Stud, ndlr]. Il s’agit notamment de Parish Hall (un gagnant des Dewhurst Stakes, Gr1, par Teofilo). Avec des juments modestes, il nous a donné des produits intéressants. J’aime ce que j’ai vu et je vais lui confier de meilleures mères à présent. Nous faisons aussi saillir Vocalised (Vindication). Il nous a déjà offert un gagnant de Gr1. Ce n’est pas encore quelque chose de spectaculaire. Mais, jusqu’à présent, nous nous en sommes toujours bien sortis financièrement avec sa production. Cette année, nous stationnons aussi Dawn Approach (New Approach) et je pense qu’il va faire une très bonne saison sportive.
L’histoire de Vocalised sort vraiment de l’ordinaire. Son pedigree américain est très inhabituel en Europe.
C’est un étalon qui connaît une réussite appréciable mais pas écrasante, et je pense qu’il ne correspond pas forcément à ce que recherchent les éleveurs commerciaux en général. Nous l’avons acquis 560.000 $ yearling en septembre 2007 à Keeneland. Plusieurs raisons ont motivé cet achat. La première, c’était de voir si j’étais capable de mettre fin à l’échec de la lignée mâle de Bold Ruler (Nasrullah) en Europe. Je voulais tenter ce pari. Il a gagné les Greenham Stakes (Gr3) et les Tetrarch Stakes (Gr3). Mais j’ai toujours pensé qu’il avait les moyens de gagner un Gr1. Malheureusement ce n’est pas arrivé et ce n’est pas entièrement de sa faute. J’ai donc décidé de faire un deuxième pari en lui envoyant mes propres juments à la fin de sa carrière sportive. Mais je ne lui ai pas encore confié mes meilleures mères. Néanmoins, progressivement, sa jumenterie s’améliore et il faudra suivre sa génération de 2ans l’an prochain. Ils sont mieux nés que les précédents. Je place un certain espoir en eux.
Comme Tesio, vous courez les chevaux de votre élevage avant de les vendre. Mais, pour survivre financièrement, cet illustre Italien avait fait appel au soutien du richissime marquis Incisa. Or vous avancez seul, dans un pays où la compétition est plus rude que dans l’Italie des années 1950 et où les allocations sont faibles. Comment est-ce possible ?
C’est très risqué. Mon mode de fonctionnement est en fait périlleux et, sans une bonne dose de chance, on ne peut pas y arriver. Pour m’en sortir, je dois sortir de bons chevaux, les exploiter et les vendre. Bon an, mal an, nous avons connu un certain nombre de réussites. Je ne recommande à personne de suivre mon exemple. Surtout à un jeune entraîneur. Ce n’est pas un bon modèle économique. C’est plus un challenge, dont la difficulté renforce encore la saveur des quelques succès qu’il a pu nous apporter.
L’américaine Hymn of the Dawn, la mère de Dawn Approach, avait un profil très inhabituel. Par Phone Trick, elle n’avait pas gagné et sa page de catalogue était assez faible lors de son achat. Pourquoi l’avoir choisie malgré tout comme poulinière ?
La première chose, c’est qu’elle était extrêmement belle. Ensuite, dans son pedigree, rien n’était négatif. Hymn of the Dawn (Phone Trick) n’a coûté que 18.000 $ à Keeneland. Le matin elle était très prometteuse et faisait preuve de beaucoup de qualités. Mais elle s’est accidentée et je ne l’ai courue qu’une paire de fois car elle n’était plus la même après sa blessure. Je l’ai gardée comme poulinière. Au départ, j’ai fait l’erreur de la faire saillir par des étalons assez modestes mais, la première fois qu’elle a croisé la route de New Approach (Galileo), elle nous a donné un champion…
Comment expliquez-vous votre réussite avec les juments américaines ?
Je vends des chevaux à l’entraînement. Par le passé, les Américains n’aimaient pas acheter des sujets dont le pedigree ne leur évoquait rien. Cela a bien sûr un peu changé depuis. Mais précédemment, j’achetais des mères américaines en gardant un œil sur la possibilité de revendre leurs bons produits outre-Atlantique. C’est pour cela que j’ai acquis un certain nombre de poulinières là-bas…
Quelle est l’histoire de Mac Swiney ?
Je connaissais bien la famille pour avoir entraîné un certain nombre de chevaux en étant issus. Sa troisième mère, Amoura, était une fille de Northfields (Northern Dancer). Or j’avais aussi entraîné plusieurs bons chevaux par cet étalon, qui fut un succès au haras en Irlande. Cela m’a donc encouragé à acheter Amoura pour un petit prix aux États-Unis. Elle y a été saillie par Quest For Fame (Rainbow Quest), un gagnant du Derby d’Epsom (Gr1) que j’avais suivi de près. Le croisement m’a donné Siamsa (Teofilo), qui avait certainement le niveau Listed. Mais en course elle s’est fait galoper dedans, et j’ai dû l’envoyer au haras. Elle est la deuxième mère de Mac Swiney.
Ce poulain a fait sensation en devenant le premier gagnant de Gr1 inbred en 2x3 sur Galileo. Pourquoi avoir tenté un tel croisement ?
Comme je l’ai récemment dit à John Magnier, Galileo lui-même est trop cher pour moi ! En croisant New Approach (Galileo) sur Teofilo (Galileo), le grand sire représente trois de ses huit ascendants à trois générations ! Je l’ai tenté quelquefois et dès le départ cela a fonctionné. Certains des ancêtres majeurs du pur-sang anglais étaient très consanguins. Et cela n’a pas empêché leur réussite en course et au haras. Enable (Nathaniel) est inbred en 3x2. Ce type de croisement ne m’effraie donc pas vraiment. La question est celle du taux de réussite de ce genre de tentative. Et je ne le connais pas.
Comment avez vous conçu Twilight Payment ?
Son père, Teofilo, était un champion et j’ai eu le bonheur de l’entraîner. J’ai acheté Dream on Buddy (Oasis Dream) dans le but de la croiser avec lui. Nous avions alors un peu de fonds après avoir vendu sa sœur Banimpire (Holy Roman Emperor) pour 2,3 millions, elle qui avait couté 52.000 € yearling. Après une telle vente, il était facile d’acquérir Dream on Buddy pour 240.000 Gns. Par chance, ça a fonctionné. Twilight Payment ne ressemblait pas vraiment à un yearling commercial. Mais il est bon et la cerise sur le gâteau, c’est sa victoire dans la Melbourne Cup (Gr1). Il va en gagner d’autres. C’est un descendant de la célèbre Detroit (Riverman).
La mère de Gear Up est par Toccet. Encore un courant de sang peu ordinaire en Europe !
Gearanai (Toccet) a pour troisième mère Dispute (Danzig), une championne américaine. Mais il y a ensuite un grand trou dans le pedigree. Cela arrive parfois. Toccet (Awesome Again) n’a pas été un grand étalon. Mais j’étais prêt à prendre ces deux risques car nous ne l’avons pas achetée cher. Je pense qu’elle va nous donner d’autres bons chevaux.
Teofilo est lui aussi le descendant d’une championne, la canadienne Victorian Queen. Et encore une fois, un trou apparaît dans le pedigree. Jusqu’à ce que la famille arrive chez vous.
Tom Gentry m’avait envoyé une fille de Victorian Queen (Victoria Park) car elle n’avait selon lui pas le physique pour réussir en Amérique du Nord. Cette dernière, Saviour (Majestic Light), m’a offert deux ou trois victoires. Tom Gentry n’a pas voulu la récupérer à cause de son modèle. Je l’ai fait saillir par Danehill (Danzig), d’où la black type Speirbhean (Danehill). J’ai par la suite conservé Speirbhean… et elle m’a donné Teofilo ! Un très beau cheval avec un modèle parfait. Mais son propre frère ne mettait pas un pied devant l’autre. Cela montre bien la précarité du destin de celui qui élève des chevaux. Encore une fois, la providence m’a aidé au bon moment.
Comment êtes-vous passé du concours hippique aux courses ?
J’étais comptable à Dublin. Mais je voulais vivre des chevaux. J’ai toujours aimé les courses, étudiant avec passion les résultats de Vincent O’Brien et de Paddy Prendergast. Mais je n’avais aucun moyen et les chevaux de saut d’obstacle étaient beaucoup plus accessibles. J’ai donc commencé à sortir en concours, obtenant quelques résultats, au point de vendre un cheval pour une somme importante. Avec cet argent, je me suis lancé dans les courses dans les années 1970.
Avec Finsceal Beo vous avez tenté un pari incroyable : courir trois classiques en 21 jours. Comment gérer la récupération dans ce cas ?
La première chose, c’est que Finsceal Beo (Mr. Greeley) était très bonne. Elle a gagné les Guinées d’Irlande (Gr1) et d’Angleterre (Gr1). Si elle n’avait pas croisé la route d’une autre très bonne pouliche, elle aurait gagné la version française et elle serait triple lauréate de Guinées. La pouliche était au top en France, où elle a été battue, et en Angleterre, où elle a gagné. En Irlande, elle était sur la descendante et nous avons eu de la chance qu’elle s’impose tout de même…
La scène hippique irlandaise a beaucoup changé. Beaucoup d’entraîneurs jettent l’éponge. Est-il encore possible pour un jeune Irlandais de se lancer à partir de rien dans son pays ?
Sans posséder sa structure et une trésorerie de 5 millions, c’est désormais très difficile de se lancer. Or réunir une telle somme, ce n’est pas facile, en dehors des héritiers… et de ceux qui épousent une femme riche ! Par contre, nous avons actuellement plusieurs apprentis jockeys exceptionnels. C’est l’avenir.
Qu’est-ce que l’âme irlandaise ?
Les Irlandais ont une histoire difficile. Celle d’un pays qui a été colonisé. D’un peuple qui a souffert… et nous n’avons jamais colonisé personne. Je pense que ces éléments façonnent un peuple et la perception que les autres nations ont de lui. Nous avons envoyé des missionnaires à travers le monde, avec des intentions positives. Mais mes ancêtres paternels viennent de Normandie ! Ils sont arrivés en Irlande il y a quelques siècles, en tant que quack [médecin non diplômé, ndlr], et, chaque fois que je reviens en France, j’ai un peu le sentiment de revenir à la maison !
On dit que vous êtes un homme de foi. Comment résister aux périodes difficiles de la vie d’un entraîneur et éleveur ?
Il est important d’être juste dans ses rapports avec les gens, en particulier avec son personnel. Ils comptent sur moi pour nourrir leur famille. On se doit d’honorer leur confiance. Je suis accompagné par des personnes remarquables.
Vous avez aussi une approche scientifique. En particulier avec Equinome, dont vous êtes l’un des promoteurs. L’élevage, c’est donc aussi une science ?
Chaque éleveur travaille pour améliorer le taux de réussite de son élevage. La science est d’un grand secours pour cela. Mais le facteur chance ne disparaîtra jamais… Je crois aussi que l’environnement a un impact considérable. Notamment la période automnale et hivernale avant les débuts en course. Beaucoup de choses se jouent à ce moment-là.
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