Connaissant des personnes ayant mis un cheval en location et qui rencontrent des problèmes avec leur entraîneur, je me permets d'ouvrir ce topic pour information.
En effet, les litiges émanent rarement du propriétaire/bailleur qui a confié son cheval mais plutôt du locataire qui est l'entraîneur (et qui parfois fait signer en même temps que le contrat, le formulaire de rupture...). Bien entendu, il ne s'agit absolument pas ici de faire le procès des professionnels mais plutôt de mettre en exergue ce que dit la Loi applicable à la location de trotteurs car la SECF/Le Trot ne prévoit rien de ''juridique'' dans son contrat de location, contrairement à celui du Galop. Même si un contrat particulier peut être fait en plus, il faudrait que nos dirigeants se décident à établir un contrat officiel de location explicite et non pas se contenter d'un contrat trop basique, plutôt favorable au locataire.
A titre d'information, voici quelques extraits du mémo sur la location du trotteur par Maître Juan Carlos Heder, spécialisé en droit équin =
Les obligations de l’entraîneur sont les suivantes: 1 - Obligation par l’entraîneur de respecter un préavis raisonnable avant toute rupture d’un contrat de location. 2 - Obligation d’entraînement, de soins et devoir d’information envers le propriétaire.
1 - Obligation de respecter un préavis raisonnable avant toute rupture d’un contrat de location unilatéralement par l’entraîneur =
(attention, je signale que l'article 1134 du Code Civil cité dans le mémo a été remplacé depuis ce mémo par le 1103 : les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, par le 1193 : les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise et par le 1104 : Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette disposition est d’ordre public).
Au préalable, doit-on définir un contrat de location de carrière de courses comme un contrat à durée déterminée ou indéterminée ?
La Cour d’Appel de Rennes en son arrêt du 17 juin 2004 a indiqué “qu’il s’agit donc bien d’un CONTRAT A DUREE INDETERMINE, la carrière d’un cheval de courses pouvant prendre fin à tout moment et bien avant son terme normal, par la survenance d’un événement aléatoire et incertain : accident, mort du cheval, vente, entrée au haras...” (et impossibilité à qualifier ou mauvais en course).
Posé ce principe, est-ce que la Loi autorise un entraîneur à rompre unilatéralement un contrat de location de carrière de courses à durée indéterminée?
Le Code des Courses au Trot en son article 17 ne prévoit rien quant à la résiliation du contrat de location.
Face à ce vide réglementaire du Code des Courses au Trot (on pourrait souhaiter une régulation similaire à celle du Galop), est-ce que l’entraîneur peut agir comme bon lui semble et rendre un cheval du jour au lendemain quand il n’en a plus envie et sans aucun motif ?
La jurisprudence, interprétant les articles du Code Civil, a eu l’occasion d’indiquer que:
- “Un CONTRAT A DUREE INDETERMINE peut être résilié à tout moment par l’une des parties, sauf à celle-ci à respecter un délai de préavis raisonnable et sans que cette rupture ait besoin d’être motivée” (CA Rennes 17 juin 2004, RG nº 03/03034).
- “La faculté de résiliation unilatérale ne constitue pas une prérogative discrétionnaire. L'auteur de la rupture qui n’avertit pas son cocontractant quelques temps à l’avance, afin de lui permettre de retrouver un nouveau partenaire, rompt abusivement” (Cassation. Com. 8 avril 1986 : Bull. Civ. IV nº 58). - "Qu'en statuant ainsi, alors que si l'association avait le droit de modifier ou rompre unilatéralement les relations contractuelles, c'était à la condition qu'elle respecte un délai de préavis raisonnable”(Cassation. Civ.1ère, 16 mai 2006, N° de pourvoi: 03-10328).
La conclusion est donc qu’un entraîneur au trot ne peut rompre unilatéralement un contrat de location qu’à la condition de respecter un délai de préavis raisonnable sauf à engager sa responsabilité contractuelle.
Par contre, l’entraîneur n’a pas à justifier la rupture d’un motif légitime. Cependant, il y a une exception : il peut y avoir abus du droit de rompre.
En effet, “si la partie qui met fin au contrat de durée indéterminée dans le respect des modalités prévues n’a pas à justifier d’un quelconque motif, le juge peut néanmoins, à partir de l’examen de circonstances établies, retenir la faute faisant dégénérer en abus, l’exercice du droit de rompre”(Cassation. Civ.1ère, 21 février 2006: Bull.Civ, I, nº 82)
Il est donc vrai que la solution sera beaucoup plus simple dans le cas d’un entraîneur qui rendrait un cheval sous contrat de location du jour au lendemain, puisque dans ce cas il y aurait non respect du délai de préavis raisonnable et donc engagement de la responsabilité contractuelle de la part de l’entraîneur.
2 - Obligation d’entraînement, de soins et devoir d’information =
Tout entraîneur, que ce soit un contrat de location ou une pension, a une triple obligation, celle de soins, celle d’informer le propriétaire et celle d’entraîner.
L’entraîneur a une obligation de soins et un devoir d’information s’y afférant. La jurisprudence a eu l’occasion a maintes reprises de rappeler ce principe.
L’entraîneur a aussi et surtout comme obligation essentielle au contrat d’entraînement (que cela soit location ou pension) celle d’entraîner le cheval. S’il ne l’entraîne pas, il engagera sa responsabilité contractuelle. Il faut tout de même tenir compte qu’il s’agit d’une obligation de moyens et que ce sera au propriétaire de rapporter la preuve qu’il y a défaut d’entraînement.
Mon avis et le résumé de ce qui a été dit par l'avocat = Il ressort donc que le contrat de location n'est pas un C.D.D mais bien un C.D.I et qu'il peut être rompu à tout moment par UNE des parties à la condition expresse de respecter un préavis. Exemple = envoi d'une lettre RAR pour annoncer la rupture un mois ou deux après cette lettre.
On peut donc considérer aussi que le DROIT DE RUPTURE n'est pas la prérogative UNIQUEMENT de l'entraîneur/locataire mais AUSSI du propriétaire/bailleur qui pourrait récupérer son cheval si les conditions de son exploitation ne lui conviennent pas ou même si il veut le récupérer, ce quelque soit la date de fin de location. La loi dit bien que ce n'est pas à sens unique.
De plus, il ressort que le locataire n'a absolument pas le droit de rendre un cheval du jour au lendemain en laissant le bailleur surpris et démuni.