Equidia Live - Uza Josselyn, la plus charmante des globe-trotteuses
Créé le 15 novembre 2017
par
Jean-Baptiste Morel
35 courses seulement au compteur pour la bagatelle de 22 victoires. A six ans, Uza Josselyn est une jument encore toute neuve. Dimanche, dans le Grand Prix de Bretagne, elle affrontera pour la première fois de sa carrière l'ogre Bold Eagle. Parviendra-t-elle avec la fraîcheur et l'envie qu'on lui connaît à franchir ce nouveau palier ?
La carrière d’Uza Josselyn n’a pas débuté comme celle d’une pouliche « normale ». Sa mère s’appelle Teza Josselyn, elle-même fille de la championne Ezira Josselyn (lauréate de Gr. 2 au sulky de Jean-Philippe Dubois en 1995). Teza n’a pour sa part jamais connu les hippodromes. A trois ans, parce que blessée, elle a été saillie par Love You, et a donné naissance à Uza.
La belle Uza Josselyn et puis les autres, derrière
Uza la Danoise
Souci (de taille !) : en France, il est interdit d’inscrire au stud-book un poulain (une pouliche) né(e) d’une jument de 3 ans n’ayant jamais couru (l’âge minimum autorisé, c’est 4 ans). Aussi, Uza Josselyn n’a pas pu obtenir la nationalité de ses géniteurs à la naissance. Sur sa carte d’identité, elle est donc… Danoise !
Du fait de cette nationalité, la petite Uza Josselyn, élevée à l’instar de tous les Josselyn par Yvan Bernard, est interdite de courses (hors courses spécifiquement ouvertes aux concurrents étrangers, les courses dites « européennes ») en France ; elle débute donc sa carrière en Suisse. Ses 10 premiers parcours, elle les effectue à Avenches, en faisant d’emblée preuve d’un brin de qualité : 6 victoires, 3 deuxièmes places et une quatrième place. « Vous dire que l’on a tout de suite su que c’était une championne, ce serait vous mentir : on est toujours plus intelligents après », commente, modeste, René Aebischer, son entraîneur, « mais j’ai rapidement vu qu’elle était très intelligente et très trotteuse. Il faut remercier Hédi le Bec, qui a fait un super boulot avec elle pouliche. »
Uza Josselyn contre le reste du monde
Uza la Française
A la fin de sa première année de courses, en Suisse, son entraîneur est persuadé d’avoir « une bonne jument ». Au début de l’été 2015, avec un petit peu plus de 35 000 euros sur son compte en banque, Uza Josselyn trouve ses premiers engagements dans des courses européennes à Paris. Accueillie dans ses box par Jean-Michel Bazire, elle s’impose pour sa grande première à Vincennes, malgré le numéro 14 à l’autostart, en jument complètement déclassée. La petite suissesse à la nationalité danoise tape dans l’oeil des observateurs français. S’ensuit une extraordinaire saison 2015-2016 en France, où Uza Josselyn remporte plus de 245 000 euros de gains en course.
Paradoxalement, c’est un jour où elle n’a pas gagné qu’Uza Josselyn a fait comprendre à son entraîneur qu’elle était une championne : « Dans le Prix de Milan, il y avait tous les meilleurs B, hors Bold Eagle, et la jument s’est accrochée dans le parcours, concluant malgré tout bonne 6e ».
Uza l’Italienne
Mai 2016, un « concours de circonstances regrettable », commente sans s’étendre René Aebischer, stoppe net la carrière française de la fille de Love You, qui revient dans ses box suisses avec une atteinte. Pendant 10 mois, l’entraîneur va s’évertuer à soigner sa jument, et à la remettre en condition.
Le 25 mars 2017 fut un jour spécial pour l’entourage d’Uza Josselyn, celui d’une rentrée de 10 mois pleine d’incertitudes. « J’allais savoir si mon boulot avec elle avait été bon. Je n’aurais pas été le premier entraîneur à perdre un bon cheval. » 5e, la jument rassure d’emblée à Avenches. Et retrouve le cours de ses belles performances dès ses courses suivantes.
2e, 1e, 1e : elle est jugée digne de revenir à Vincennes. Configuration différente, cette fois-ci : la jument voyagera. Elle restera en Suisse et fera le trajet en camion vers Vincennes (ou ailleurs !) lorsqu’elle y courra. Une vraie baroudeuse ! « Elle est réglée, dans son camion, habituée, tranquille. Elle voyage très bien. » Le mois dernier, elle s’est payé le luxe de devancer Valko Jenilat et Bird Parker dans le Grand Prix Anjou Maine avant de remporter son Groupe 1, à Milan, le Gran Premio delle Nazioni le 1er novembre.
Uza l’Américaine ? La Suédoise ?
Ce dimanche, elle fait face au plus grand défi de sa carrière : décrocher son ticket pour l’Amérique en terminant sur le podium du Grand Prix de Bretagne. Son entraîneur se montre assez détendu sur la question : « Yvan Bernard, le propriétaire, ne pourra pas être là dimanche à Vincennes, mais on pensera très fort à lui ! La jument est en très bonne condition physique, alors on tente notre chance. En tout cas, on ne fera pas tout l’hiver avec les meilleurs. Si elle se qualifiait ici, alors on essaierait d’être un peu intelligents avec elle, et d’éviter les champions avant la belle. »
Toutefois, ce Grand Prix de Bretagne n’est, aux dires de René Aebischer, « pas un objectif ». L’homme a une autre idée derrière la tête : « J’ai un doute avec son aptitude à Vincennes, je la préfère piste plate. Je suis presque sûr que c’est une jument qui ferait bien les courses en batterie sur des pistes plates. Au mois de mai, par exemple… »
La petite danoise chouchoute du peuple français, prétendante à l’Amérique, élevée en Suisse et lauréate de Groupe 1 en Italie pourrait l’été prochain s’en aller conquérir la Scandinavie ? Uza Josselyn est, c’est certain, la plus charmante des globe-trotteuses…