La chute des titans offre un sacre inattendu
C'était écrit nulle part. Pas même dans les songes les plus fous de Jeremy Scott. Le
Champion Hurdle Challenge Trophy version 2025 restera dans les annales comme le jour où
Golden Ace s'est faufilée dans l'histoire par la porte dérobée du chaos.
Ils étaient sept au départ de cette course majeure de la journée d'ouverture du Festival de Cheltenham, mais combien allaient franchir la ligne ? Dans les tribunes surchauffées, personne n'imaginait le scénario qui allait se dérouler sous leurs yeux médusés.
D'abord,
Constitution Hill, le géant aux pieds d'argile, favori écrasant à 1/2, qui s'effondre au quatrième obstacle. L'incompréhension se lit sur le visage de Nico de Boinville, comme si le sol venait de se dérober sous ses pieds. Le champion de Nicky Henderson, qu'on disait intouchable, rejoint soudain le contingent des mortels.
Le spectacle continue pourtant.
State Man, en défense de son titre pour Willie Mullins, prend les commandes avec l'assurance des grands seigneurs. Cinq longueurs d'avance à la dernière haie, la course semble pliée… avant l'impensable. Une chute, brutale, définitive. Paul Townend embrasse le gazon de Cheltenham, tandis que les tribunes retiennent leur souffle.
C'est dans ce théâtre incongru que
Golden Ace trouve son heure. La jument baie, cotée à 25/1, hérite de la tête et ne flanche pas. Lorcan Williams, comme traversé par la grâce du moment, l'accompagne jusqu'au poteau. Neuf longueurs d'avance sur
Burdett Road, l'autre miraculé du jour à 66/1.
Jeremy Scott, l'entraîneur du Somerset, peine encore à y croire :
"Je n'aurais même pas osé rêver que cela puisse arriver. Je viens de demander à quelqu'un de me frapper parce que je dois être en train de rêver, c'est juste bizarre."
La sensation est totale. Le podium se complète avec
Winter Fog, monté par Brian Hayes, lui aussi rescapé d'une cote stratosphérique à 150/1. Willie Mullins obtient cette maigre consolation, tandis que
Brighterdaysahead, l'autre favorite à 5/2, termine quatrième après avoir été bousculée dans le sillage du chaos.
Ian Gosden, propriétaire de la lauréate, avait insisté pour tenter l'aventure du Champion Hurdle plutôt que de viser la Mares' Hurdle. Un pari fou, presque insolent :
"Qui ose gagne, Rodney ! Il faut participer pour gagner, non ?"
Dans la fraîcheur d'un mardi de mars à Cheltenham,
Golden Ace vient de rappeler l'essence même des courses d'obstacles : l'imprévisible y règne en maître. Pour cette fille de Golden Horn, déjà victorieuse l'an passé dans la
Mares’ Novices’ Hurdle, c'est une consécration qui dépasse l'entendement.
Plus tard, on se réjouira en apprenant que les deux champions déchus se portent bien, tout comme leurs jockeys. Consolation dans ce grand bouleversement des hiérarchies établies.
"Je n'ai pas encore réalisé et j'espère que les deux autres vont bien, c'était une course si étrange", conclut Scott, encore sonné par l'ampleur de l'exploit. Une course étrange, certes, mais qui restera gravée dans la mémoire collective comme le jour où David a terrassé non pas un, mais deux Goliath.