vu aujourd 'hui sur le web , la vie du plus grand cheval de course de l'histoire
le 04 novembre 2020
Il y a quarante ans naissait un alezan au fort caractère, devenu le plus grand cheval de course de l’histoire.
Fils de l’étalon Greyhound et de la jument Fleurasie, Ourasi est venu au monde une petite étoile blanche au milieu du front, signe divin pour certains. Plutôt lourdaud d’apparence, il attire pourtant l’attention de sa propriétaire, qui devine son potentiel athlétique et son tempérament de feu. Et, en effet, cet alezan foncé va devenir un très grand trotteur, remportant 58 victoires, parmi lesquelles quatre prix d’Amérique (en 1986, 1987, 1988 et 1990), un record absolu !
L’éclosion d’un trotteur
Il fallait avoir l’œil de Rachel Tessier, du haras de Saint-Georges à Saint-Etienne-l’Allier (Eure), pour déceler les capacités de ce poulain pataud, né le 7 avril 1980, et qu’elle appelle « Papouille ». Son mari, Raoul Ostheimer, le trouve grassouillet ! Elle admire au contraire sa foulée naissante sur leur piste cabossée. Aussi, le sentant bridé par son environnement, décide-t-elle de le confier à l’expertise de Jean-René Gougeon, l’homme aux cinq victoires sur le prix d’Amérique, pour l’entraîner et le driver. Chez le maître du trot, Ourasi s’épanouit. Son instinct se révèle. Il enchaîne les victoires. On commence à évoquer son caractère particulier. Lymphatique et cabochard avec son entourage, on le surnomme le Roi fainéant pour sa nonchalance et le peu d’empressement qu’il montre à rejoindre la ligne de départ. Aux yeux du public, fasciné, il devient l’Extraterrestre pour sa manière d’humilier la concurrence. Après avoir remporté deux fois de suite le prix d’Amérique sur la piste de l’hippodrome de Vincennes, « la Mecque des trotteurs », sa réputation commence à déborder largement du monde hippique.
La poule aux œufs d’or
Après ses 22 victoires d’affilée, soit une invincibilité de 522 jours, Ourasi menace malgré lui l’équilibre des courses. Le PMU s’inquiète pour sa santé financière : des parieurs misent jusqu’à 100 000 francs (15 000 €) pour un petit gain de 10 000 francs (1 500 €). Le remariage de son propriétaire et les déchirements qui s’ensuivent font du champion, bien malgré lui, un immense enjeu financier. Un procès s’engage entre les ex-époux Ostheimer en 1988. Sorti vainqueur devant les tribunaux, Raoul décide de vendre la moitié du cheval pour 12,2 millions de francs (1,8 million d’euros). Syndiqué en 40 parts, Ourasi a désormais des copropriétaires qui le considèrent uniquement comme une mine d’or. Il ne reverra pas Rachel les quinze années qui suivent.
Course après course, le champion continue de gagner malgré des problèmes urinaires. En 1990, sa quatrième victoire au prix d’Amérique (record de l’épreuve), drivé par Michel-Marcel Gougeon, le frère de Jean-René, est assortie d’un record du kilomètre, à près de 50 km/h de moyenne. Certains accusent à voix basse ses propriétaires de lui avoir injecté un produit diurétique interdit avant le départ. L’histoire oubliera l’épisode. Ourasi est devenu un mythe.
A 10 ans, le champion et se retire de la compétition. Une nouvelle vie d’étalon l’attend au haras d’Aunou-le-Faucon (Orne).
Un piètre reproducteur
Sa réputation aidant, il est tenu à 130 saillies annuelles, facturées 90 000 francs l’unité. Mais il est moins performant dans cet exercice : il n’engendrera que 38 poulains. Ce business de reproduction est un flop. Des éleveurs se sentent lésés. Ses copropriétaires, se désintéressent de celui qui n’a plus de valeur marchande. Un an plus tard, Ourasi prend sa retraite au haras de Gruchy, près de Bayeux (Calvados). Raoul Ostheimer lui apporte des pommes et des carottes, des admirateurs et des curieux viennent de très loin pour le voir. Pierre Lamy, directeur du haras, aime dire qu’Ourasi est devenu la troisième attraction de Normandie, après le Mont-Saint-Michel et les plages du débarquement. C’est lui qui accompagnera ses dernières années, avec le lad Olivier Barbanchon et Annie Jumel, une fan de la première heure, qui s’est improvisée « nounou » d’Ourasi. Début 2013, la santé de l’alezan se dégrade. Il ne mange plus, ne se couche plus, craignant de ne pouvoir se relever. Le 12 janvier, il faut se résoudre à le faire piquer par un vétérinaire. Il approchait de ses 33 ans, un âge fort respectable pour un cheval. « J’ai passé la dernière nuit avec lui dans son box. Il s’est blotti contre moi, raconte Annie. Au matin, il a poussé un dernier hennissement, pour me dire au revoir. »
Sa sépulture jaune et bleue
Le trotteur du siècle a sa statue à Vincennes. Il a également une sépulture au haras de Gruchy, où il repose la tête tournée vers son paddock. Annie Jumel, sa « nounou » qui a veillé sur lui jusqu’à ses derniers instants, a imaginé pour lui un jardin « en losange comme sa casaque, avec des fleurs jaunes et bleues, ses couleurs ». Une stèle et des plaques offertes par ses fans saluent sa mémoire.