Le Trot - L’Amérique dans le viseur : les confidences de Gilles Raffré
Avec Valko Jenilat, Gilles Raffré et ses associés sont passés par toutes les émotions. Une qualification ratée de peu pour le championnat du monde des trotteurs en 2015, une grave blessure et un retour tonitruant au plus haut niveau. Tel le phénix qui renaît de ses cendres, "Valko" est désormais qualifié pour le Grand Prix d’Amérique, plus fort que jamais. Gilles Raffré en est convaincu.
Au côté d’Eric Raffin, Gilles Raffré soulève la coupe sur le podium du Grand Prix de Bretagne, 1ère étape du Circuit Trot des EpiqE Series © ScoopDyga
Les chances de revoir un jour en piste Valko Jenilat après sa fracture du genou, en avril 2015, étaient déjà infimes. Mais de là à voir son cheval enchaîner les sorties de haut vol, qui plus est face aux meilleurs trotteurs du moment, puis de valider son billet pour l’Amérique, Gilles Raffré l’admet volontiers : c’était inespéré. Entretien avec un véritable passionné, Breton d’adoption et président de la Société des Courses Hippiques de Dinan, qui voit dans la réussite de Valko Jenilat le couronnement d’une belle histoire d’amitié.
Gilles, comment avez-vous vécu cette victoire de Valko Jenilat dans le Grand Prix de Bretagne, synonyme de qualification pour le Grand Prix d’Amérique ?
GR : « Ne nous courrions pas pour gagner car Bold Eagle devait être au départ de l’épreuve. On s’était dit que finir troisième, ce serait déjà pas mal. Le suspense autour de la participation ou non de Bold Eagle nous a tenu en haleine et lorsque Sébastien (Guarato) a pris la décision de ne pas le courir, on s’est tous mis la pression. Il ne fallait pas rater notre affaire… Gagner une « B », quand vous êtes dans les chevaux depuis 35 ans et que vous avez gravi lentement les échelons, c’est très important car vous savez qu’il y a le Prix d’Amérique en ligne de mire. Même si j’étais très heureux de le voir gagner le Prix de Buenos Aires et de La Haye à Enghien, le Prix de Bretagne, ça revêt une toute autre saveur. J’ai quand même eu peur à mi-ligne droite quand j’ai vu que Billie de Montfort regagnait du terrain mais "Valko" a résisté, car c’est un vrai dur. »
Sa dureté justement, est-ce que c’est sa plus grande force ?
GR : « Il faut être extrêmement dur pour encaisser toutes ses courses. Il a quand même couru quinze fois cette année et pris près d’un demi-million d’euros (NDLR : 5 victoires, 6 accessits et 452 850 € de gains). Dans le Prix d’Eté, c’est quand même lui qui assume tout le poids de la course et ses accessits dans les Prix René Ballière et Jean-Luc Lagardère, derrière Bold Eagle et Aubrion du Gers, c’est extraordinaire. Plus "Valko" a des combats difficiles, plus il s’endurcit, c'est assez incroyable. Quand j'y repense, le jour de sa qualification à Caen, il avait déjà montré que c'était un dur à cuire. Lors de son premier passage, il avait fait la faute à 50 mètres du but alors qu'il serait passé sous la barre des 1'20''. Deux lots plus tard, Sébastien (Guarato) l'a représenté et il a franchi le poteau en 1'20''4. Il venait quand même de parcourir 4 kilomètres en moins d'un heure. »
Il faut être dur aussi pour se relever d’une fracture du genou, non ?
GR : « Je peux vous dire qu’on a pris une sacrée douche froide ce jour-là. C’était à Cholet, le 27 avril 2015. Le cheval venait de gagner le Grand Prix avec son lad Glenny Delaune à son sulky, en battant le record de la piste, et il rentre boiteux. On faisait de « drôles » de mines sur la photo aux balances… Comme il s’agissait d’une fracture de fatigue, on était optimistes mais trois mois après, sa blessure ne cicatrisait pas alors on a commencé à douter. Le docteur Patrick Valère, son vétérinaire, a fait du super boulot et lorsque "Valko" a recouru en janvier 2016 (NDLR : dans le Prix de Brest), même si nous n’étions pas à l’arrivée, toute l’équipe a fait la fête ! Sébastien était tellement content d’avoir retrouvé son cheval qu’il a célébré son retour comme s’il avait gagné un Groupe I (rires). Avec le recul, je pense que cette trêve lui a fait le plus grand bien et qu'elle lui a permis de bien vieillir. »
Vous n’êtes pas seul à vivre cette belle aventure. Combien de personnes composent l’équipe des copropriétaires ?
GR : « Bien que je sois le gérant, nous sommes en effet quatre associés. Il y a Guy Chaumont, qui a été l’heureux propriétaire de Prince d’Espace et Easy To Drive, trotteur avec lequel il a déjà participé à deux reprises au Prix d’Amérique. D’ailleurs, Valko Jenilat va changer de couleurs à compter du 1er janvier 2018 et courra le Prix d’Amérique avec la casaque de Guy. Mon frère Jean-Pierre et moi-même, qui gérions ensemble une entreprise de distribution de volailles, avons chacun une part et Sébastien Guarato détient également une « patte ». Sébastien aime les chevaux comme comme "Valko", courageux, qui en ont dans le ventre. Et comme il ne cesse de le répéter : « On ne court pas l’Amérique pour faire de la figuration les gars, on court pour finir dans les cinq premiers ! » C’est sans doute pour cette raison que nous avons réservé une table au restaurant panoramique de Vincennes le 28 janvier avant même d’avoir couru le Prix de Bretagne (rires). »
Quel va être le programme de Valko Jenilat jusqu’au Grand Prix d’Amérique ?
GR : « Il va disputer le Prix du Bourbonnais, le 10 décembre. Son driver, Eric Raffin, aura tout loisir d’adopter une nouvelle tactique de course. Même si "Valko" aime aller de l’avant et gagner à la manière des forts, il peut aussi attendre durant le parcours pour venir finir. Ensuite, il reprendra un peu de fraîcheur avant de courir le Prix de Belgique, le 14 janvier. Comme Bold Eagle, "Valko" bénéficie de séances de massages équins avec Priscilla Navillod. On va vraiment tout faire pour qu’il soit mis dans du coton afin d’arriver au top le jour J. »