Le Trot - L’Amérique dans le viseur : les confidences d’Henri Garnier
Et si le plus sérieux rival de Bold Eagle dans le prochain Grand Prix d’Amérique n’était autre…que son voisin de boxes Carat Williams ? Le fils de Prodigious n’est pas encore qualifié pour le championnat du monde des trotteurs mais il lui suffirait de monter sur le podium du Grand Prix du Bourbonnais ce dimanche pour y remédier. Son éleveur Henri Garnier n’ose même pas y penser.
Henri et Arlette Garnier, co-éleveurs avec leur fils Eric Garnier de Carat Williams © DR.
Henri Garnier a consacré sa vie à son activité de négoce de bestiaux et à l’élevage de trotteurs, débuté à l’orée des années 1960. De son aveu, il a beaucoup écouté les « anciens » pour constituer sa jumenterie, connu des hauts et des bas avant d’arriver à faire naître son plus beau fleuron :
Carat Williams. Entretien avec un Normand pur souche, qui soufflera le jour de la Saint-Sylvestre ses 87 bougies, dont la passion pour l’élevage n’a pris aucune ride.
Henri, vous attendiez-vous à connaître une telle réussite avec Carat Williams, qui reste sur six succès d’affilée ?
HG : « Absolument pas. Je suis éleveur jusqu’au bout des doigts et je suis fier, je l’avoue, de voir le cheval que j’ai fait naître, avec ma femme Arlette et mon fils Eric, signer tous ces succès. »
Pourquoi Carat Williams est passé sur le ring des Ventes de yearlings sélectionnés Arqana en 2013 ?
HG : « Avec ma femme, notre politique est la suivante : nous vendons les mâles et conservons les femelles. Dans le cas de
Carat Williams, nous l’avons soutenu jusqu’à 20 000 euros le jour des ventes, avant qu’il ne soit acquis par Olivier Deboudaud pour 21 000 euros. Honnêtement, si j’avais su qu'il allait ensuite vendre des parts, j’aurais bien gardé 10% du cheval. »
Carat Williams ne vous avait pas « tapé dans l’oeil » ?
HG : « L’année des "C", j’ai eu quatre mâles, tous bien plantés, bien droits. Il y avait "
Carat",
Celtic Blue (NDLR : 8 victoires et 6 accessits en 20 tentatives sous la férule de Cédric Mégissier),
Clic Victory, qui est malheureusement décédé à 3 ans, et
Coquin du Manolet (NDLR : 5 succès et 6 accessits en 27 courses pour l’entraînement de Pascal Manceau).
Carat Williams attirait le moins l’attention en raison de sa petite morphologie, mais il était éblouissant dans son trot. C’était inné chez lui. »
A partir de quel moment avez-vous compris que vous aviez affaire à un cheval sortant de l’ordinaire ?
HG : « Le 27 juin 2015 (Il répond du tac-au-tac). C’était à Vire et il avait triomphé en étant drivé par Gabriele Gelormini. J’ai compris ce jour-là qu’il sortait du lot. Si je me souviens aussi bien de la date, c’est que ce matin-là, j’avais reçu un coup de sabot d’un de mes poulains,
Erasme Williams, alors que j’aidais son vétérinaire à lui faire un pansement. Malgré la douleur, j’ai dit à ma femme qu’on allait quand même voir courir "
Carat" à Vire. En rentrant à la maison, j’avais comme un ballon de rugby à la jambe droite. Mais au fond de moi, j’étais heureux car j’avais assisté à sa première véritable démonstration. »
Quelles ont été vos victoires les plus marquantes avec Carat Williams ?
HG : « Le 11 décembre 2016, lorsqu’il a enlevé le Prix Octave Douesnel à Vincennes devant
Charly du Noyer, j’étais doublement heureux car un autre de mes élèves,
Don Williams, gagnait le même jour au cours de la même réunion (NDLR : le Prix de Cogolin) sous l’entraînement d’Emmanuel Allard. Mais la victoire qui m’a le plus marqué, c’est sans conteste le Critérium des 5 Ans. (Il observe une longue respiration.) Vous voyez, l’émotion me saisit. J’ai eu très peur de
Charly du Noyer. Quand il était dans le dos de "Carat", dans le dernier tournant, je me suis dit : « Il va nous battre ». Et puis non, mon "
Carat" est reparti. Son driver, David Thomain, est un garçon froid, qui maîtrise parfaitement son sujet. Il a une bonne « voiture », c'est certain. Mais j’aimerais bien un jour avoir la chance de parler avec lui pour savoir ce qu’il a ressenti ce jour-là. Ce devait être grisant ! »
Et le Grand Prix d’Amérique, y pensez-vous ? Le croyez-vous capable d’inscrire un jour son nom au palmarès ?
HG : « Je garde la tête froide et vis au jour le jour. Gagner le Prix d’Amérique ? Je ne sais pas et je ne veux pas me projeter. Ce dimanche, il va affronter des trotteurs étrangers ainsi que les meilleurs de chaque génération, sans compter
Bold Eagle, le summum. Comment va-t-il se comporter ? Sincèrement, je signe tout de suite pour la troisième voire la quatrième place même si cela veut dire qu’il n’est pas qualifié (rires) ! Le Critérium des 5 Ans revêt une grande importance à mes yeux. Nous étions tous ensemble avec ses copropriétaires et nous avons vécu un moment exceptionnel. Inscrire son nom au palmarès d’une épreuve comme celle-ci, quand vous êtes éleveur, c’est extraordinaire. Les seconds et les troisièmes, on finit par les oublier contrairement aux vainqueurs. Vous pouvez tout bien faire mais sans la chance, ça ne marche pas. Maintenant que
Carat Williams est étalon, j’espère qu’il produise et qu’il rende les gens heureux. »