Nous avons fait le point sur la situation avec Pascal Boutreau, ex rédacteur en chef des sports équestres sur Equidia Life, actuellement commentateur sur Eurosport,
Equidia– Pascal, tout d'abord, peux-tu nous faire un état des lieux sur la situation actuelle ?
Pascal Boutreau - Le dernier concours cinq étoiles (le plus haut niveau) à s'être disputé dans le monde a eu lieu le 15 mars à Wellington, en Floride. Depuis, strictement plus rien, les annulations se succèdent les unes après les autres. Le Global Champions Tour, qui est aujourd'hui le circuit majeur, puisque composé de 17 étapes dans l'année, est amputé pour l'instant de Shangai, Mexico, Miami et Madrid. L'étape d'Hambourg du 23 mai est pour l'instant encore maintenue.
Equidia– Qu'en est-il des « très » gros concours ?
Pascal Boutreau – La finale Coupe du Monde de Las Vegas a été annulée, le concours de La Baule, prévu le week-end du 16 au 17 mai, lui aussi, quant au rendez-vous tant attendu d'Aix-La-Chapelle en Allemagne, il est reporté à une date inconnue pour l'instant. Le concours complet démarre sa saison en général plus tard, cette discipline est moins impactée pour l'instant, mais d'ores et déjà, on peut dire que le gros morceau de Badminton (prévu du 6 au 10 mai) n'aura pas lieu. Pour de nombreux concours, en dehors de l'aspect sanitaire, il y a aussi le retrait des partenaires financiers qui contraignent à l'annulation.
Equidia – Justement, comment envisage-t-on la reprise dans le milieu ?
Pascal Boutreau – La grande difficulté pour les cavaliers sera de remettre à niveau leurs montures, les parcours de ce niveau étant très exigeants. D'habitude, il y a une montée en puissance pour arriver à un tel niveau. Mais selon moi, il y d'autres très grosses incertitudes. Tout d'abord, après le confinement, y aura-t-il des restrictions de déplacement à travers le monde ? Et puis, si le huis clos était imposé, les sponsors, et l'un des plus gros d'entre eux Longines, accepteront-ils de contribuer financièrement à des événements sans public. Il va de soi qu'en terme d'images ce n'est pas extraordinaire. En plus de ça, les sponsors, publics ou privés, eux aussi durement touchés financièrement par la crise, continueront-ils à accompagner ce sport. Sans sponsor, cela pourrait devenir très difficile. C'est une très grosse inquiétude, notamment pour les petits concours.
Equidia - Les Jeux Olympiques ont été reportés en 2021. Quelles sont les conséquences de cette décision pour l'équipe olympique française ?
Pascal Boutreau – Les pays qualifiés étaient déjà connus, et l'équipe française en faisait partie. Les qualifications sont acquises pour 2021. En revanche, on ne connaissait pas encore la composition des équipes. Ca ne change donc pas grand chose. Cela dit, les cavaliers qui comptaient sur des chevaux un peu vieillissants devront les faire tenir un an de plus, a contrario ceux qui ont des chevaux un peu tendres, comme Kevin Staut ou Pénélope Leprevost, ça peut les arranger.
Nous avons également fait le point avec Kamel Boudra, qui nous a fait vivre avec passion les disciplines équestres des années durant sur Equidia, et qui exerce désormais son talent sur RMC Sport.
Equidia - Kamel, as tu des informations complémentaires de ton côté sur la reprise des concours ?
Kamel Boudra - Tout est encore extrêmement flou mais de ce que je sais, les compétitions nationales, et je dis bien nationales c'est à dire opposant des cavaliers français sur le sol français, pourraient reprendre en juin, en ce qui concerne les compétitions internationales cela ne se ferait pas avant septembre.
Equidia– Qu'en est-il de la santé des cavaliers, et cavalières ?
Kamel Boudra – Je suis en contact permanent avec eux et à ma connaissance, il n'y a pas de cas déclaré de Covid-19 dans la profession. Chaque jour, je publie sur mon compte instagram et ma page facebook des interviews « confinées » ce qui permet de garder le lien entre les sportifs et le grand public. J'ai pu ainsi donner des nouvelles par exemple, de Rodrigo Pessoa, Steve Guerdat, et de nombreux cavaliers français de premier plan. Ils sont tous extrêmement vigileants et confinés. Pour eux, il faut le reconnaître, c'est moins difficile que pour d'autres sports, comme l'athlétisme ou la natation, parce qu'ils peuvent continuer à travailler. Alors ok, ils ne vont plus en concours, mais ils continuent à monter leurs chevaux, à les entraîner, à sauter des barres. Il n'y a pas grand chose qui a changé dans leur quotidien, excepté le fait qu'ils restent 7 jours sur 7 dans leurs écuries, alors qu'habituellement ils partent du mercredi au dimanche.
Equidia– Financièrement comment s'en sortent t-ils ?
Kamel Boudra – C'est une grosse perte évidemment, il n'y a plus de gains de concours, ils ne rentabilisent plus les étalons, c'est un problème de fond. C'est difficile mais pas plus ni moins que dans d'autres secteurs et puis les propriétaires se montrent solidaires. En toute franchise, la situation d'une famille qui habite en HLM me paraît beaucoup pénible aujourd'hui, que celle de la plupart des cavaliers !
Equidia – Comment se passe leur quotidien actuellement, d'un point de vue sportif ?
Kamel Boudra – Ils font principalement de l'entretien, beaucoup de trotting. Pour les chevaux ce n'est pas forcément une mauvaise nouvelle, de faire une pause dans ce rythme fou. Ils récupèrent beaucoup de moral, de mental, redeviennent frais. D'ailleurs, le milieu du jumping va devoir certainement profiter de ce moment exceptionnel pour se remettre en question : par exemple n'y a-t-il pas trop de concours ? Le plus gros souci selon moi est au niveau du circuit des jeunes chevaux en France, le circuit SHF (Société Hippique Française). Les 4, 5 et 6 ans n'ont pu débuter le circuit dont l'objectif est habituellement la finale en septembre à Fontainebleau. Ce sera une année d'apprentissage perdue, un peu comme les enfants sans école actuellement.
Equidia – La période de monte est-elle impactée ?
Kamel Boudra – Les juments peuvent malgré tout être transportées dans des conditions sanitaires strictes. Et puis, contrairement aux courses, la semence congelée est acceptée, si bien qu'on peut trouver un centre près de chez soi sans être obligé de traverser la France.
Equidia – Un petit mot sur les JO ?
Kamel Boudra – Pour compléter ce qu'a dit Pascal il faut savoir que tout cavalier international a vu son autorisation d'acheter un cheval dans un pays tiers jusqu'au 15 janvier 2021 avec l'opportunité de le faire courir sous les couleurs de son propre pays. Il y aura donc un mercato amusant et intéressant à suivre dans les prochains mois.
Equidia - Et pour finir ?
Kamel Boudra – Encore une fois, il y a pire, notre milieu doit relativiser !
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