Deux chevaux ayant participé à des réunions à l’hippodrome de Jullianges en Haute-Loire à l’été 2018 ont été détectés positifs à la boldénone, un stéroïde anabolisant. Une enquête a permis d'établir que la présence de cette substance dopante était due à l'ingestion de paille ancienne !
L'affaire, révélée par nos confères du Progrès, peut paraître insolite ou anecdotique. Elle n’en a pas moins permis une avancée « exceptionnelle », selon Pierre-André Jay, ancien président de la société hippique de Haute-Loire qui vient tout juste de passer le flambeau. Deux chevaux engagés sur des réunions à l’hippodrome de Jullianges le 24 juin et le 14 juillet 2018 ont été testés positifs à la boldénone, un stéroïde anabolisant strictement interdit, classé dans la catégorie des « dopants majeurs ».
De quoi semer le trouble… Et surtout l’étonnement dans le milieu. La répétition, à quelques semaines d’intervalle, de ces cas jugés « rarissimes » interroge, d’autant que les entraîneurs des chevaux incriminés jouissent d’une bonne réputation.
Le point de départ d’une enquête approfondie, menée conjointement par le laboratoire des courses hippiques à Verrières-le-Buisson, dans l’Essonne, et la société du Trot. Cette enquête allait mettre en lumière un élément inattendu : la paille !
Un lien de causalité
« Il y avait une théorie qui avait été défendue par un vétérinaire suisse dont les chevaux avaient été contrôlés positifs. Mais ça restait une théorie. Là, on a pu établir le lien de causalité, disculper les professionnels et mettre en évidence un phénomène qui fera école », observe Pierre-André Jay, par ailleurs commissaire de la fédération des courses pour la zone Centre-Est.
« Jullianges est un petit hippodrome en zone rurale. On essaie de travailler avec le tissu local, on achète la paille à des agriculteurs locaux. C’était une paille de céréales - avoine et orge je crois - propre mais qui avait été stockée pendant un certain temps », raconte-t-il. La paille a servi de litière dans les 20 box de l’hippodrome. « Normalement, les chevaux sont attachés. Là, ils avaient voyagé un peu. Ils ne l’étaient pas pour qu’ils puissent se détendre. Et voilà comment c’est arrivé », poursuit-il.
Une origine accidentelle
Les bénévoles ont pu isoler le lot de paille dans lequel les chevaux avaient séjourné. Des prélèvements et analyses ont été effectués. Des chevaux de l’unité de recherches de Goustranville, en Normandie, ont été nourris avec cette même paille. Et un phénomène similaire a été observé. « Dans la paille, on a trouvé le précurseur de la boldénone qui s’appelle la boldione. Ce sont les bactéries du tube digestif du cheval qui ont permis sa transformation, sa métabolisation », relate le Dr Hélène Bourguignon, responsable du service de biologie au sein de la Fédération Nationale des Courses Hippiques.
Les deux chevaux, qui avaient gagné un prix à Jullianges en Haute-Loire, ont été disqualifiés. Mais leurs propriétaires vont être indemnisés « avec l’aide de notre assurance de responsabilité civile », rapporte Pierre-André Jay. Il tient à souligner « l’extrême rigueur » dont fait preuve la filière pour déceler « toute substance dopante ». « Les courses sont le sport le plus contrôlé au monde, parce que les propriétaires et les parieurs engagent de l’argent », assure-t-il.
Un sport très contrôlé
30 000 prélèvements ont lieu chaque année en moyenne. Les cas de dopages représentent une part infime : « 0,23% de cas positifs », selon le Dr Hélène Bourguignon. « Et dans 80% des cas, il ne s’agit pas de fraude avérée. Elle est due à des erreurs de gestion comme un cheval qui court trop rapidement après un traitement ou l’utilisation involontaire d’un seau contenant encore des traces de médicament », explique-t-elle.
Une chose est sure, l’épisode de Jullianges en Haute-Loire aura marqué les esprits. Et permis de faire avancer la science…
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