www.paris-turf.com/actualites/univers-hi...F8KuqBzVZ3czFuP9xahI
Enquête : l’impact du sulky américain sur la performance des trotteurs
Le Finntack Yankee, utilisé par Alessandro Gocciadoro, dans le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur, a-t-il permis à Vernissage Grif d’établir le nouveau record d’Europe (1’08’’1) ? Décryptage auprès de spécialistes.
Pour la deuxième fois de l’histoire (ndlr : Propulsion avait emporté le Hugo Abergs Memorial 2017 dans la même réduction kilométrique que Vernissage Grif avant de perdre son record et la quasi-totalité de ses titres dans l’affaire éponyme), un trotteur s’est imposé en 1’08’’1, établissant le nouveau record absolu sur le continent européen. Le transalpin était équipé d’un sulky dit “américain”, homologué depuis peu par la SETF
sur notre sol. “Il s’agit du modèle Finntack Yankee, explicite Alessandro Gocciadoro. C’est une version test qui a été mise à disposition des socio-professionnels à Vincennes et Grosbois cet hiver par Finntack. Il m’a beaucoup plu et j’en ai commandé deux. Je suis habitué à courir en Italie et en Suède avec des sulkys “américains”. J’ai mes repères et, de mon point de vue, pour un driver un peu lourd, ils sont avantageux. Les chevaux équipés de sulkys “classiques” vont moins vite pour moi.” Pilote canadien émérite avec près de 10.000 victoires et plus de 136 millions de dollars de gains (9.851 succès et 136.292.396 $ au 31/12/2023), Daniel Dube avait drivé pour la première fois de sa carrière à Paris-Vincennes dans le cadre de la Driver’s Cup, en 2016. Joint via FaceTime, le Canadien confirme les propos d’Alessandro Gocciadoro.
Les sulkys américains sont déjà plus petits que ceux utilisés en France, avec des brancards plus proches du cheval et des petits “étriers”, détaille le natif de Québec en fixant l’objectif de son smartphone sur les cale-pieds.
Sur vos sulkys, le talon du driver est maintenu, mais pas sur nos modèles où ils sont conçus pour permettre de pousser, comme des pédales. Dans son design, l’UFO (ndlr, la marque la plus connue aux États-Unis) est conçu pour la vitesse, mais il faut tenir compte du fait que nos pistes sont aussi plus étroites que les vôtres avec des parcours rapides.
Le siège est aussi plus incliné en arrière, nos poignets retournés et je trouve que dans cette position, on fait moins mal à la bouche des chevaux.” Pour Björn Goop, Casque d’Or à vie (ndlr, 12 titres de meilleur driver de Suède d’affilée, un record), la vitesse favorisée par ces sulkys est surtout le corollaire d’une action sur la locomotion du trotteur.
Les chevaux vont plus vite parce que leurs battues sont plus amples et leur compas plus grand grâce à ces sulkys, souligne le triple lauréat du Prix d’Amérique Legend Race et de l’Eltiloppet. Je dirais que 90 % des trotteurs peuvent y avoir recours et, de surcroît, cela leur permet d’améliorer considérablement leurs allures et d’être plus concentrés aussi. Ces sulkys peuvent produire le même effet sur un équidé qu’un bonnet fermé.”
Deux poids, deux mesures ?
La différence majeure entre les modèles américains type UFO et le Finntack Yankee, agréé en janvier dernier par la SETF (voir le bulletin n°4 du 26 janvier 2024), réside dans leur poids et, donc, le choix des matériaux. “L’UFO est deux fois plus lourd que le Yankee homologué en France, car le premier est en métal tandis que le second est en carbone, compare “Goccia”. J’ai onze UFO répartis entre l’Italie et la Suède. Ils vont à tous mes chevaux, petits et grands. Je dois courir en moyenne quatre à cinq fois par jour et j’utilise toujours mes sulkys américains. J’y suis mieux installé et je vois mieux. C’est comme si tu conduis tout le temps une voiture munie d’une boîte à vitesses automatique et que, du jour au
lendemain, tu passes à une boîte manuelle. Le changement n’est pas déstabilisant que pour les hommes : les chevaux s’habituent à la façon dont tu es assis et, avec ce sulky, la répartition du poids n’est pas la même qu'avec ceux que vous avez en France.” Daniel Dube est lui aussi favorable au métal. “On a essayé d'introduire des sulkys en fibre de verre en Amérique du Nord, mais cela n'a pas pris.
Les drivers américains veulent un sulky robuste, plus lourd. Quand on arrive dans un virage à pleine vitesse, avec le dévers, c'est plus rassurant d'avoir du poids pour compenser. À titre personnel, j'utilise des sulkys de marque Brodeur. Ils sont quatre livres (2 kilos) plus lourds que les UFO, mais le métal utilisé est de très bonne qualité. Pour un driver un peu “fort”, c'est plus sécurisant, car ils sont encore plus résistants.”
Notre consœur, la globe-trotter Kristin Riise Ødegård, étaye : “Il faut avoir à l’esprit que les drivers nord-américains pilotent des milliers de courses par an et qu’ils ne plaisantent pas avec leur sécurité. Leur centre de gravité est beaucoup plus bas que sur un sulky français, à cause du poids et parce qu’ils sont penchés en arrière.
Au lieu d’exercer une pression sur le harnais, les brancards agissent comme s’ils soulevaient les chevaux, ce qui les propulse.” Adepte des sulkys américains, “qui permettent d’avancer bien droit et de ne pas vaciller sur les côtés”, Björn Goop n’est pas aussi catégorique que ses deux confrères. “Quand le brancard est en carbone ou en bois, il est moins dangereux que sur un sulky américain.
Dans le premier cas, s’il y a un accident, il va se briser alors qu’avec du métal, le brancard ne plie pas et on se retrouve catapulté en cas de projection. J’en ai fait l’amère expérience lors du Klosterskogen Grand Prix 2010, en Norvège, où j’avais chuté lourdement avec First Line Sec. Je m’étais fracturé le bras, n’avais pas pu driver pendant deux mois et il m’avait fallu un an pour retrouver
toutes mes sensations.”
Un plus sur pistes plates
S’il y a un point sur lequel nos interlocuteurs sont unanimes, c’est sur la vitesse des sulkys américains. “Sur une piste plate, comme Yonkers par exemple, c'est vraiment un plus d'avoir un tel équipement. Sur la “grand track” (grande piste) de Vincennes, où il y a plus de place
pour tourner, je n'en suis pas convaincu.” Björn Goop approfondit : “Sur un sulky américain, le siège est excentré. Si vous courez corde à gauche, votre siège est situé plus vers l’intérieur de la piste, ce qui facilite la prise des virages et permet de gagner du temps. Je ne pense pas que cela se vérifie à Vincennes, mais je peux par contre affirmer que l’on gagne quelques mètres à chaque course à Solvalla.”
“Tous les professionnels avec qui j’ai échangé cet hiver m’ont dit qu’à Vincennes, ils ne voyaient pas d’amélioration. Mais sur le modèle homologué par la SETF, le siège se situe obligatoirement dans l’axe. Il ne peut pas être décalé comme je l’avais fait, par exemple, à Yonkers où Vivid Wise As avait remporté l’International Trot, avec Matthieu Abrivard, muni d’un UFO.”
“Le Yankee est extrêmement polyvalent”
Développé pour le marché européen et tout particulièrement la France, où il a obtenu son homologation en début d’année, le Finntack Yankee fait office de poids plume par rapport à son grand frère américain. “Sans tenir compte des roues, le sulky, siège inclus, pèse 16,5 kilos, spécifie Ilona Koskinen,
revendeuse des sulkys Finntack en France et gérante d’IK Horse. Si les brancards sont en carbone, le pont est fait à partir d’un métal utilisé dans l'aéronautique qui assure une solidité comparable aux sulkys américains. Tous nos sulkys sont fabriqués en Finlande et le Yankee est le fruit de trois années de développement. Si ce modèle a obtenu son agrément par la SETF, c’est grâce notamment aux brancards en carbone, mais aussi
au fait que le siège soit fixé au milieu. De cette manière, on peut également s’en servir pour volter. Les sulkys américains, en métal donc et avec leurs sièges excentrés, ne sont autorisés en Scandinavie que pour les départs lancés (autostart), mais pas pour ceux voltés. Le Yankee bénéficie de tous les avantages du sulky américain et s’adapte à tous les départs, ce qui le rend extrêmement polyvalent. On ne va pas se mentir : le moteur, c’est
évidemment le cheval et l’équipement est un plus, mais c’est très valorisant pour Finntack de voir Vernissage Grif, qui n’était pas le favori (12/1), s’imposer avec un Yankee en établissant le nouveau record d’Europe. D’ailleurs, l’influence des sulkys américains sur la performance sportive est reconnue en Scandinavie puisqu’au même titre que le déferrage, ils sont mentionnés sur les programmes de manière à informer les parieurs.
Certains chevaux se transcendent avec ce type d’équipement.”
Le chiffre 117
Le modèle Yankee de Finntack est le 117e modèle, sur un total de 52 marques, homologué par la SETF en France, aucun agrément n’ayant été délivré entre le 1er avril 2015 et le 27 janvier 2024. À ce jour, l’entreprise finlandaise Custom bénéficie du plus grand nombre de modèles homologués (14) sur notre sol.