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Hippodrome de Paris-Vincennes : un avenir en question
Parmi les sujets évoqués lundi, en conférence de presse, par le candidat Jean-Pierre Barjon, celui du renouvellement du bail de l'hippodrome phare des courses françaises fait inévitablement l'actualité.
Le contrat de renouvellement du bail de l'hippodrome de Vincennes, appartenant à la mairie de Paris, arrive à échéance le 31 décembre 2024 et “sera l'un des défis de la prochaine équipe dirigeante du Trot”, assure Jean-Pierre Barjon. Candidat à sa propre succession (sans passer par la cooptation), il se trouve déjà en première ligne mais fait face à plusieurs problématiques – anciennes et nouvelles – qui l'incitent à jouer la carte de la prudence. Tout en diffusant volontiers l'idée selon laquelle la société mère pourrait ne pas resigner un contrat pour les 30 prochaines années dans le temple du Trot, lequel représente 1/3 des recettes Premiums. “Est-ce que, demain, le nouvel hippodrome national est un hippodrome parisien ? s'interroge Jean-Pierre Barjon. Lorsqu'on voit les projections et l'engagement que l'on doit prendre vis-à-vis de la mairie de Paris autour de l'indexation du loyer (multiplié par 10, passant de 500.000 à 5 millions d'euros par an) et le coût des travaux d'aménagements (estimé à 41 millions d'euros), la question doit forcément se poser.”
Des opportunités existent mais ne sont pas légion
Après avoir assaini une partie des dettes du Trot en diminuant notamment de façon importante sa structure de coût, Jean-Pierre Barjon et Patrick David n'entendent évidemment pas changer de cap pour les quatre prochaines années. “Dans l'optique où nous ne générerions pas de revenus supplémentaires, il faudrait que notre association aille chercher de l'argent dans les fonds propres, pour un investissement estimé à plus de 300 millions d'euros qui ne nous permettra pas d'être propriétaires au bout de 30 ans”, explique le bras droit du président. “Penser aujourd'hui les yeux fermés qu'il n'y a pas d'autres choix que de renouveler le bail serait une erreur”, abonde Jean-Pierre Barjon. Officiellement, Le Trot envisage(rait) donc toutes les hypothèses. Des opportunités existent et une commission y travaille : construire un nouvel hippodrome, développer le site d'Enghien-Soisy qui appartient à la maison mère (ce qui reposerait, in fine, la question du centre d'entraînement de Grosbois, situé à 20 kilomètres au sud de… Vincennes) mais ne sont pas légion. Contrairement à l'une des pistes étudiées, il est peu probable qu'un nouvel édifice sorte de terre, en région parisienne ou ailleurs, d'autant que l'appel d'offre publié le 24 juillet dernier, dans ParisTurf, n'est destiné qu'à un seul candidat (voir par ailleurs). En clair, seule une société de courses pourra, au cours des 30 prochaines années, s'installer à cet endroit très précis dans le bois de Vincennes.
France Galop paie 8 millions pour Longchamp et Auteuil
En considérant que l'ensemble des concessions parisiennes sont renouvelées partout à la hausse et, qu'en parallèle, France Galop paie 8 millions d'euros par an pour organiser moins de courses à Longchamp et Auteuil qu'à Vincennes (150), les 5 millions d'euros de loyer demandés par la municipalité représentent probablement un montant pouvant être assumé par Le Trot, dont l'une des volontés sera cependant de faire rapidement baisser les prix. “Dans cette affaire, personne n'a d'intérêt à ce que ce nouvel accord ne soit pas signé”, explique une source proche du dossier. C'est donc dans ce contexte de “je t'aime moi non plus” que les négociations devraient continuer entre les deux parties avant, semble-t-il, qu'un terrain d'entente soit trouvé.
L'incontournable fabrique à enjeux du PMU
Les turfistes ont une réelle appétence pour les épreuves disputées dans le temple du Trot. Ils y trouvent des épreuves sélectives, notamment grâce à la piste et à la qualité des trotteurs présentés. Les allocations distribuées incitent les professionnels à faire de ces épreuves des objectifs. Ainsi, au cours du précédent meeting d'hiver, 745 courses ont été disputées pour une moyenne d'allocations de 54.824 €. Et un programme réunissant 16 groupes I et 36 groupes II. En règle générale, les partants sont en nombre et permettent d'assurer la prise de paris sur les jeux de combinaison. Vincennes, c'est aussi bien évidemment le Prix d'Amérique. La course la plus populaire de France, celle qui enregistre, chaque année, les enjeux les plus significatifs. En fonction des éditions du meeting d'hiver, les mises se fixent entre 1,1 et 1,3 milliard d'euros, ce qui représente un peu moins de 15 % des enjeux annuels réalisés par le PMU. Sur une année, il est misé près de 1,9 milliard sur les épreuves disputées du plateau de Gravelle.
Que dit l'appel d'offre ?
L’avis de concession de la ville de Paris paru dans nos colonnes, en date du 24 juillet 2023, au sujet de l’hippodrome de Paris-Vincennes, faisait ressortir les points suivants :
• Le concessionnaire assurera l’exploitation, l’entretien et la valorisation de l’hippodrome en vue d’y organiser à titre principal des courses de trot, et des activités annexes comprenant l’exploitation d’un ou plusieurs restaurants et bars, d’espaces d’agriculture urbaine, l’ouverture du site à la promenade publique, et des activités autour du bien-être équin.
• En raison de l’activité principale de la concession, consistant en l’organisation de courses de trot, le candidat individuel ou le mandataire du groupement candidat doit être une société de courses, constituée dans les conditions prévues par le décret n°97-456 du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel.
• La durée du contrat est de 360 mois (30 ans) à partir de la date de la mise à disposition des biens, prévue au plus tôt le 1er janvier 2025.
• Il ne s’agit pas d’un marché renouvelable.
Olivier de Seyssel, ancien vice-président du Trot : “Le sujet a été un peu mis de côté”
Après l'annonce de Jean-Pierre Barjon, l'ancien vice-président du Trot, Olivier de Seyssel, livre sa réaction. “Signer un bail qui reviendrait à dépenser plus de 300 millions d’euros, en 30 ans, sur un site qui ne nous appartient pas, est inconcevable. Je regrette que la société soit désormais mise au pied du mur et qu'à ce stade, nous n'ayons pas de projet concret pour négocier avec la ville qui est pourtant attachée à l'hippodrome international de Vincennes et souhaite le maintien de l'activité du trot sur le plateau de Gravelle (relire le texte de l'appel d’offres publié dans notre édition du 24 juillet). C'est un dossier très important que nous avions travaillé avec la mairie en fin de mandature de Dominique de Bellaigue. Malheureusement, ce sujet a été un peu mis de côté et la société se retrouve en face d'une sacrée problématique.”
Edito de Sébastien Piazza, rédacteur en chef de ParisTurf : “Une partie assez serrée”
Entouré de ses hommes de confiance - de l’administrateur Patrick David au très influent Jocelyn Robert (ex Equistratis) en passant par ses fidèles, les professionnels Franck Pellerot, Pierre Levesque et Thierry Duvaldestin sans oublier Frédéric Ferraz, dont on pourrait imaginer un rôle plus important dans l’organigramme de la société mère s’il venait à être réélu en fin d’année - l’ancien patron de la marque de boisson Lorina n’a pas fait que dresser le bilan de son action, lundi, en conférence de presse. À Thémis, entité regroupant LeTrot, France Galop et le PMU, le candidat sortant a imaginé les défis de demain. Parmi les thèmes évoqués dans les bureaux du XVIIe arrondissement de Paris (consolidation du modèle économique, modernisation de la vie associative, maintien du système français des courses), le point sur les enjeux de société (réchauffement climatique, pénurie d’eau) a fait rejaillir, en parallèle, le sujet de l’avenir de l’hippodrome de Vincennes.
Si la rupture avec ce qu’il a souvent considéré comme “l’ancien monde” aura marqué une grande partie de ses quatre premières années à la tête du Trot, dans un contexte difficile mais excitant (Covid, inflation liée à la guerre en Ukraine, réchauffement climatique), Jean-Pierre Barjon, dont la démarche entrepreneuriale n’est techniquement pas toujours conciliable avec la vie associative, peut raisonnablement tabler sur un deuxième mandat moins turbulent. Mais est-ce, au fond, ce qu’il recherche ?
Disposant d’une image clivante, il trouve encore l’occasion de faire bouger les lignes. Après avoir réussi à clarifier le système de qualification des grandes courses de la discipline, dépoussiéré l’image du trot monté et (aussi) cassé certains codes d’usage (partenariat avec ZETurf) en faisant grincer des dents (PMU) avant d’échouer dans sa quête d’ouverture du stud book et d’introduction des hongres dans le Prix d’Amérique, il devra (s’il est élu) jouer une partie assez serrée avec la mairie de Paris même si, au final, leurs intérêts convergent.
Dossier réalisé par Sébastien Piazza et Sylvain Copier