Le Trot - L'Amérique dans le viseur : les confidences de Daniel Redén
Révélation de la précédente saison des EpiqE Series, l’entraîneur scandinave est de retour à Vincennes Hippodrome de Paris cet hiver avec un objectif avoué : battre Bold Eagle dans le Grand Prix d’Amérique. L’ancien bras droit de Stefan Melander peut compter sur deux redoutables trotteurs pour atteindre son objectif : Propulsion, recordhorse sur le mile en Europe (1’08’’1) et Lionel, troisième du dernier championnat du monde des trotteurs. Entretien vérité.
Daniel Redén avait terminé deuxième meilleur entraîneur lors de la saison 1 des EpiqE Series derrière Sébastien Guarato © APRH
A l’image de sa carrure imposante, Daniel Redén aspire à devenir un géant d’Europe. Celui qui préside à la destinée de la Stall Zet, propriété du milliardaire Bengt Agerup, est un homme pressé, encore plus depuis qu’il s’est fixé pour objectif le championnat du monde des trotteurs. Actuellement à Harrisburg aux Etats-Unis, l’entraîneur trentenaire prend le temps de nous répondre et joue cartes sur table. Interview sur un ton enjoué - et avec un second degré dont il a le secret - d’un homme déterminé.
Daniel, Propulsion a été impressionnant au printemps et à l’été. Est-il capable d’enchaîner cet hiver à Vincennes Hippodrome de Paris ?
DR : « Laissez-moi vous dire une chose : vous n’avez pas encore vu le vrai Propulsion. Ce cheval s’améliore au fil de ses sorties et il sait tout faire. Il m’a même surpris tant ses moyens sont énormes. C’est bien simple, je n’ai jamais entraîné un cheval aussi complet. »
Dans les précédents volets de « L'Amérique dans le viseur », Jerry Riordan et Thomas Bernereau ont estimé que Lionel était votre meilleure chance dans le championnat du monde des trotteurs car Propulsion ne serait pas capable de hausser son niveau. Qu’en pensez-vous ?
DR : « Eh bien ils se trompent car Propulsion a toutes les qualités requises pour remporter le Prix d’Amérique. Je ne dis pas que Lionel n’en a pas le potentiel. Il vient d’ailleurs de bien courir pour sa rentrée (NDLR : le 28 octobre à Jägersro où il s’est classé 4ème) et s’avère être en très grande forme. Tout le monde sait qu’il a déjà battu Bold Eagle et c’est un cheval dur, très dur même. Mais comme je l’ai dit précédemment, Propulsion a un répertoire plus complet. »
Dans l’Hugo Abergs Memorial, Propulsion a battu le record d’Europe du mile, détenu jusqu’alors par Bold Eagle. Est-ce que c’est selon vous sa plus belle course à ce jour ?
DR : « Non. Sa plus belle course, ce sera dans le Prix d’Amérique 2018. (Il reste silencieux avant d’éclater de rire). Bien sûr, l’Hugo Abergs Memorial fait partie de ses plus belles victoires mais sa course dans le dernier Prix d’Amérique n’était pas mal non plus. Objectivement : il a été malade pendant six semaines l’hiver dernier, au pire moment, ce qui a fortement contrarié sa préparation. Je ne l’ai presque pas travaillé et, malgré tout, Propulsion termine quatrième du Prix d’Amérique, juste derrière Lionel, en ayant été de surcroît très malchanceux durant le parcours. »
Qu’est-ce qui a changé pour vous cette année ?
DR : « L’an passé, je n’avais pas imaginé pouvoir qualifier quatre chevaux dans le Prix d’Amérique. C’était au-delà de mes espérances. Mais je n’avais rien préparé et n’ai pas arrêté de faire la navette entre mon centre d’entraînement à Örsundsbro et Grosbois. En Suède, il a fallu faire face à de fortes intempéries et j’ai eu des chevaux blessés ou malades… Mais cette année, je sais où je vais et ce dont sont capables Propulsion, Lionel, Call Me Keeper et Wild Honey à Vincennes. J’ai un plan d’attaque pour ce meeting d’hiver et ça change tout. »
L’ordre dans lequel vous citez vos pensionnaires reflète-il votre ordre de préférence dans l'optique du Grand Prix d'Amérique ?
DR : « Oui. Propulsion est le meilleur de mes trotteurs, devant Lionel, Call Me Keeper et Wild Honey. J’aime beaucoup In Vain Sund aussi et je vais essayer de le qualifier. »
Avez-vous déterminé leur agenda pour cet hiver ?
DR : « Rien n'est encore arrêté définitivement, même si je suis à peu près certain que Propulsion effectuera son retour en France dans le Grand Prix du Bourbonnais (NDLR : la deuxième étape du Circuit Trot des EpiqE Series, programmée le dimanche 10 décembre). »
Intéressons-nous à l’opposition dans le prochain Grand Prix d’Amérique. Qui craignez-vous ?
DR : « Personne. (Nouveau silence suivi d’un rire). Bien sûr, Bold Eagle est un super cheval et il sera le favori logique. Vincennes, c’est sa piste. Mais si vous voulez mon avis, je pense qu’il est prenable cette année. Il prend de l’âge et ne peut plus gagner de bout en bout comme il le faisait auparavant. On l’a tous vu dans la Finale European Trotting Masters (Prix d’Eté) où il a été battu par Aubrion du Gers. »
Qu’avez-vous pensé de la victoire de Twister Bi dans l’International Trot ?
DR : « C’était Impressionnant ! Mais attention, il ne faut pas confondre Yonkers et Vincennes : ce sont deux pistes très très différentes. Selon moi, même si c’est un très bon cheval, je ne pense pas que Twister Bi soit aussi fort sur les 2700 mètres de la grande piste. Je peux me tromper mais je ne pense pas qu’il gagnera le Prix d’Amérique. »
Qui d’autre alors peut gagner le Prix d’Amérique ?
DR : « Dans la génération des 5 ans français, je me méfie beaucoup de Carat Williams (NDRL : récent lauréat du Prix Marcel Laurent, sa sixième victoire d’affilée) qui me semble très dangereux. Et puis il y a Bélina Josselyn. (Il observe un temps de réflexion avant de reprendre). On va avoir le droit à un Prix d’Amérique d’enfer car plusieurs chevaux peuvent l’emporter. Ce sont les drivers qui vont faire la différence et quand je vois la réussite actuelle de Jean-Michel Bazire, je me dis que Bélina Josselyn a beaucoup de chance de l’avoir à son sulky ! »
En parlant de drivers justement, avez-vous arrêté votre choix concernant Propulsion et Lionel ?
DR : « Propulsion sera drivé par Örjan (Kihlström). Il connait le cheval par coeur et je dois vous avouer que lorsque vous avez « Ice Man » à vos côtés, c’est un gros plus. Örjan a déjà gagné le Prix d’Amérique avec Maharajah et pour moi, c’est un peu l’équivalent de Franck Nivard. Il ne perd jamais son sang-froid et c’est très important à un tel niveau de compétition. Quant à Lionel, je voudrais qu’il soit drivé par Björn (Goop). Je n’ai rien contre Matthieu (NDLR : Abrivard, 3ème du dernier Grand Prix d’Amérique avec Lionel) mais nous sommes très amis avec Björn et les années précédentes, il était retenu pour piloter Timoko. Or à présent, je peux faire appel à ses services… On verra en temps voulu car de toute façon, c’est Göran Antonsen, le propriétaire de Lionel, qui aura le dernier mot. »
Qu’est-ce qu’il vous faudra cette année pour briller qui vous a fait défaut l’an passé ?
DR : « J’ai appris une chose depuis que je viens courir en France : il est extrêmement difficile de gagner à Vincennes. Il faut que votre cheval et votre driver soient au top de leur forme et en parfaite symbiose. Mais même si ces deux facteurs sont réunis, ce n’est pas suffisant pas gagner le Prix d’Amérique. Il faut en plus espérer avoir un bon parcours et, de manière générale, que la chance soit avec vous. C’est ce qui fait que cette course reste à part et qu’on rêve tous de la gagner. »