Trot Infos saga : reine du stud-book

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Trot Infos saga : reine du stud-book a été créé par joyeuxrire

ELEVAGE
Trot Infos saga : Nesmile, nouvelle reine du stud-book

Nesmile, élève de Jean-Pierre Dubois, aura marqué notre stud-book avec ses fils Buvetier d’Aunou et Défi d’Aunou, mais aussi par son arrière-petit-fils Love You.

Nesmile naquit en Normandie en 1979 chez Jean-Pierre Dubois. Elle était le quatrième produit d’Amours du Mesnil 1’20’’, une fille de L’As du Mesnil 1’21'' (Atus II) que Jean-Pierre Dubois avait acquise sur le tard : « Je l’avais achetée pour un client canadien. Mais la jument s’était révélée positive à la piroplasmose et ne pouvait donc plus ètre exportée là-bas. Alors je l’avais gardée. On l’avait courue avant de la faire entrer au haras ». La lignée maternelle directe d'Amours du Mesnil remonte à l’américaine Miladi Volo 1’23’’ (fille du grand sire Peter Volo), sa quatrième mère, une jument alezane importée en Belgique en 1925. Amours du Mesnil disputa pas moins de…102 courses lors de sa carrière (pour onze victoires et dixneuf places), comptant trois succès en province à 3, 5 et 6 ans (à Caen, Vichy et Cagnes-sur-Mer) et se plaçant à Vincennes en bonne compagnie (4ème des Prix Ehphrem Houel et Kairos). Mais Jean-Pierre Dubois l’avait repérée quand elle avait 2 ans : « Un jour, Ali Hawas qui l’entraînait alors, était venu la travailler chez moi, avec Amyot. Tous deux avaient 2 ans et avaient perdu en route des 3 ans de mon écurie ! ». Il s’en était souvenu quand la jument fut à vendre plus tard.
Après un « G » (par Saint Malo), qui ne courut pas, Amours du Mesnil devait produire Labio 1’19’’ (mâle de Caprior) et Mucha 1’21’’ (femelle de Vasco) qui gagnèrent dans le Sud (à Cagnes et Marseille), avant de donner deux autres femelles, Nesmile 1’17’’ (Caprior) et Orée d’Aunou 1’17’’ (Valmont). Jean-Pierre Dubois dira : « J’avais dû vendre Labio dans le Midi. Mucha était plus moyenne, puis vint Nesmile et Orée d’Aunou, la plus douée mais qui devait mourir jeune avant de pouvoir reproduire ». Orée d’Aunou remporta le Prix de Genève à Enghien, gagna à Vincennes à 2, 3 et 4 ans, et surtout elle était assurée de la deuxième place derrière Ogorek dans le Critérium Continental quand elle s’enleva à la fin (Ourasi terminait cinquième). Le professionnel ajoutera : « J’avais ensuite vendu Nesmile avec d’autres chevaux en Allemagne à la fin de sa carrière de courses. Mais, arrivée là-bas, l’acheteur avait voulu baisser le prix de la jument. J’avais refusé et Nesmile était donc revenue à la maison ! ». À quoi tient l’histoire…
Sur le croisement de Nesmile avec Caprior 1’19’’ (Feu Follet X et Ninia), un propre frère du champion Tabriz 1’15’’ (Prix de Cornulier x 2, Prix du Président de la République et Prix de Normandie, 3ème du Prix d’Amérique, 2ème du Critérium des 3 Ans), Jean-Pierre Dubois explique : « L’écurie Olry Roederer m’avait vendu Caprior à condition qu’il ne coure plus, uniquement comme étalon donc. Le cheval avait peu couru avec Jean Riaud, gagnant presque à chaque fois à Vincennes. Il me plaisait même si c’était un grand cheval avec la tète busquée et de mauvais jarrets, il n'était pas élégant. Mario Capovilla qui l’avait vu avec moi m’avait toutefois dit qu’il ressemblait beaucoup à son grand-père paternel, Ogaden, qu’il avait drivé ». Ce dernier avait débuté tardivement sa carrière de courses (à 4 ans) et courut peu, gagnant le Prix de Paris et terminant 4ème du Prix d’Amérique. Fils de l’américain The Great Mc Kinney et de la championne Uranie (Prix d’Amérique x 3), Ogaden 1’25’’ devint ensuite un bon étalon et un bon père de mères. Caprior devait en faire de même, surpassant nettement son propre frère, Tabriz, au haras. Jean-Pierre Dubois avait eu le feeling pour cet achat et fut recompensé. ll présenta de nombreuses poulinières à Caprior, celles-ci donnant notamment Jezabel d’Ouches 1’16’’ (2ème du Prix de Cornulier, 3ème du Critérium des 5 Ans), Jalno 1’19’’, Kerostigue 1’18’’, etc., et une autre fille de Caprior engendra Rainbow Runner 1’14’’avec lequel Jean-Pierre Dubois remporta le Critérium des 3 Ans et son fils, Jean-Philippe, le Prix de l’Étoile.
Caprior ne fit la monte que sept ans, mais il produisit aussi les classiques Jalys du Roncey 1’18’’ (Critérium des Jeunes) et Néric Barbès 1’14’’ (Prix de Paris), sans oublier La Bavarde 1’19’' (m), Nanette de Rozoy 1’16’’, Opior 1’14’’, etc., et comme père de mères, outre Rainbow Runner et les produits de Nesmile, dont Buvetier d’Aunou 1’14’’ et Défi d’Aunou 1’11’’, on lui doit les Autour d’Aunou 1’13’’, Urane Sautonne 1’13’’, Capital 1’12’’, Daisy Chain 1’15’', Dream of Gold 1’15’’, Joker de Rozoy 1’13’’, Hooper 1’13’’, Harlotta 1’16’’, Extreme 1’15’’, Annette de Rozoy 1’15’’, etc.
Nesmile en compétition
Après sa carrière de courses, Jean-Pierre Dubois envoya Nesmile aux États-Unis accompagnée d’une autre fille de Caprior, nommée Nevadara 1’18’’. Le protocole d’ouverture de notre stud-book (pour cinq ans) avec les USA venant d’être accepté par la SECF, il sauta sur l’occasion. Il explique : « J’avais déjà été courir aux États-Unis (avec Iris de Vandel notamment) et je m’étais aperçu qu’ils avaient de drôles de trotteurs parmi leurs jeunes chevaux. Nesmile et Nevadara étaient alors les deux seules juments qui allaient un peu chez moi. Je les ai donc envoyées quand elle étaient encore jeunes ». Auparavant, Nevadara avait gagné quatre courses à Vincennes au monté à 3 et 4 ans, avec Jean-Philippe Dubois, et terminé 5ème du Prix de Vincennes. Nesmile, elle, avait brillé à l’attelage, s’imposant par deux fois à Vincennes et une fois à Enghien à 3 ans, après avoir débuté par une deuxième place à 2 ans au Croisé-Laroche. Mais, en fin d’année, elle devait franchir un palier, s’intercalant entre les deux meilleurs mâles de sa promotion, Noble Atout et Nodesso, dans le Prix Abel Bassigny avant de jouer de malheur dans le Critérium des 3 Ans. Yves Boireau qui la drivait alors raconte : « Dans le Critérium, je venais de déboîter du sillage du futur vainqueur, Noble Atout, avant l’entrée de la ligne droite quand la jument, gênée involontairement par une cravache, s’enleva. Sans cela, elle aurait lutté pour la victoire. Nesmile s’était améliorée en courant tout au long de l’année. Elle avait gagné en allant devant mais, contre les meilleurs, je la cachais un peu. Elle avait de la tenue. Toutefois, elle n’était pas vraiment précoce et avait eu un peu de mal à se déclencher jeune ».
Jean-Pierre Dubois, qui l’entraînait et la driva également, se souvient : « Nesmile était assez importante, comme son père, Caprior, avec une tête busquée comme lui. Elle devait mesurer 1,65 m., mais n’avait pas de grandes allures. Mais, sans doute, à l’époque, on ne la ferrait comme il aurait fallu. Elle avait des moyens, mais avait sûrement des douleurs ». Nesmile avait donc fait mieux que figurer parmi l’élite de sa génération à 3 ans. À 4 ans, elle dut se contenter d’accessits et de places (4ème du Prix Louis Dubu), terminant sa carrière de courses au début de sa cinquième année (non placée à Vincennes), avant d’entrer jeune au haras suite à l’épisode de la vente ratée en Allemagne. Jean-Pierre Dubois l’a souvent répété, il aime faire entrer ses bonnes juments au haras jeunes, quand elles ne sont pas usées par la compétition. Il peut voir en outre ainsi plus rapidement si elles produisent ou non. À une période de sa vie, il avait dû choisir entre vendre une ferme ou ces deux juments : « Avec mon fils, Jean-Philippe, on s’était dits que des fermes on en retrouverait partout, mais pas des juments comme Nesmile et Nevadara. Alors, on avait choisi de les garder ».
Amour d’Aunou et Love You
Nesmile et Nevadara arrivées aux États-Unis, restait à choisir les étalons. Or, Jean-Pierre Dubois a toujours estimé que « le croisement est très important ». Pour se faire, il se déplaça donc dans les haras pour examiner les étalons qui l’intéressaient : « Les deux étalons tête de liste à l'époque étaient Speedy Crown et Super Bowl. Mais je les trouvais trop gros, trop importants pour des juments plutôt importantes elles aussi comme Nesmile et Nevadara. Ils étaient aussi trop chers pour ma bourse, faisant la monte à 50 000 $ la saillie (N.D.L.R. : le dollar était à neuf francs en 1985, ce qui correspondrait à une saillie à 118 460 € aujourd’hui !). Speedy Somolli et Royal Prestige, eux, étaient à 20 000 $ la saillie et convenaient bien à mes juments. Ils étaient petits. Speedy Somolli mesurait 1,55 m., mais il avait un "gaz" terrible et se servait bien de ses jarrets. Royal Prestige, petit et ventru, était moins impressionnant. Mais je les ai utilisés tous les deux ainsi que Baltic Speed, un petit cheval aussi, et Ambro Goal, bien né mais qui laissait un peu traîner ses jarrets ». Avec Speedy Somolli 1’11’’5, Nevadara allait mettre bas de la championne Autour d’Aunou 1’13’’(Championnat Européen des 3 Ans, Prix de Sélection et Kalmia, 2ème du Prix de France) et Nesmile donna jour à deux femelles alezanes, Unispeed 1’13’’ et Amour d’Aunou 1’15’’, puis avec Royal Prestige à deux mâles bais, Buvetier d’Aunou et Fool Me Not (ce dernier au Canada).
Speedy Somolli 1’11’’5 , vainqueur de l’Hambletonian et du Yonkers Trot, avait détenu le record du monde de vitesse des 2 ans en 1974 (1’12’’9 - 1 609 mètres autostart) avant de devenir un grand étalon. Son entraîneur, Howard Beissinger, avait dit : « Speedy Somolli était certainement plus rapide que son père, Speedy Crown, à 2 ans. Il avait toutes les caractéristiques qui, je pense, font les bons étalons : une grande attitude et le désir de vaincre, une superbe allure et une bonne conformation. Speedy Somolli a couru avec pratiquement toujours la même ferrure depuis le premier jour où il a été entraîné. Ce fut un des trotteurs les plus naturels qu’on ait vu sur une piste et il n’a jamais eu besoin de poids. Certes, il faisait parfois des fautes, mais c’est parce qu’il était très anxieux. Il voulait devancer les autres chevaux dès le départ, il ne voulait pas attendre la fin de la course pour cela ! ».
Unispeed fut donc le premier produit de Nesmile avec Speedy Somolli. Elle fut le plus souvent drivée par Jean-Étienne Dubois et montra dira le père de ce dernier « beaucoup de vitesse ». Elle se fit remarquer avec l’élite de sa promotion, s’imposant à Vincennes à quatre reprises, se classant 2ème des Prix Roederer (d’Ultra Ducal, précédant Ugh, Unique James et Ukir de Jemma), Marcel Laurent (de Verdict Gédé), Albert Demarcq, Ovide Moulinet et 3ème du Prix Louis Jariel.
Au haras, elle produisit quelques gagnants (dont Litchi 1’13’’ six fois vainqueur à Paris), mais ne peut être comparée à sa propre soeur, Amour d’Aunou 1’15’’, « cette belle jument alezane aurait pu faire une autre carrière si je ne l'avais pas faite saillir de bonne heure. Mais, comme on n’avait pas trop de poulinières à l’époque, j’ai préféré la rentrer tôt au haras ». Auparavant, Amour d’Aunou avait gagné à Vincennes et à Enghien, comptant cinq victoires et huit places en 24 sorties. Mais elle devait faire mieux comme reproductrice, engendrant In Love With You 1’15’’ (Prix Jacques de Vaulogé, 2ème du Criterium des 3 Ans), « un bon cheval, brave, costaud, qui a fait quelques chevaux durs (N.D.L.R. : Oyonnax 1’10’’ Prix d’Amérique et Nina Madrik 1’12’’ Prix du Président de la République) ». Plus tard, Amour d’Aunou donna Private Love 1’11’’ (Prix de Paris, 3ème du Prix de Cornulier), « une bonne jument qui trottait sans poids, d’ailleurs Fabrice Souloy qui l’a bien exploitée, la courait déferrée des quatre pieds parfois ». Amour d’Aunou produisit également Guilty of Love 1’17’’, gagnante à Vincennes à 3 et 4 ans, « qui trottait comme son père, And Arifant, la "patte raide". Sur le tard, on ne pouvait plus l’exploiter, car elle était devenue méchante. Je l’avais alors mise poulinière. Cédric Herserant s’en était très bien occupée dans sa jeunesse, passant beaucoup de temps avec elle. » Guilty Of Love (And Arifant) allait se surpasser au haras, en engendrant les trois propres frères (par Coktail Jet) Love You 1’11’’ (Critérium Continental), Nice Love 1’11’’ (Prix de Sélection) et Repeat Love 1’13’’ (Prix Jules Thibault et Gaston Brunet) outre la petite My Lovely Girl 1’18’’ (mère de So Lovely Girl 1’13’’ Prix Kalmia, 3ème du Critérium des Jeunes) et l’Italien In Dix Huit 1’12’’ (1er Prix de Rome).
Jean-Pierre Dubois dira : « Love You ressemble à sa grand-mère maternelle, Amour d’Aunou, qui avait une grande allure comme lui, alors que son père, Coktail Jet, moulinait. De plus, il est alezan comme Amour d’Aunou et aussi comme Infante d’Aunou (N.D.L.R. : mère d’And Arifant, le grand-père maternel de Love You), une jument d’un tempérament terrible, increvable, qui a ramené de la force dans cette famille. Love You avait de la classe jeune, était brave mais pas trop précoce, ayant besoin d’un peu de poids à 2 ans. J’avais fait une erreur en le courant à 2 ans. Je l’avais déférré des quatre pieds une fois à Caen pour le Prix des Ducs de Normandie qu’il avait gagné. Je l’avais fait aussi deux fois à 3 ans dans une préparatoire et dans le Critérium des 3 Ans, mais je n’aurais pas dû. C’était trop tôt. Aujourd’hui, il est interdit de les déferrer à 2 et 3 ans, et c’est mieux. Love You donne des chevaux faciles comme lui. Il convient bien aux petites juments dures. Son propre frère, Nice Love, ne lui ressemble pas du tout. Il ressemble surtout à son père, Coktail Jet. Il était bon de bonne heure et brave. Il a été bien exploité par Jean-Michel Bazire. Quant à Repeat Love, c’était celui des trois qui avait le plus de classe jeune, mais il avait échappé un jour, et par la suite on n’a plus retrouvé le cheval ».
Numéro un des étalons en France (2012, 2013 et 2015) et même en Europe (2011, 2012, 2013 et 2015), on doit à Love You les Qualita Bourbon 1’12’’ (Critérium des Jeunes et Continental), Quaker Jet 1’09’’ (Prix de l’Atlantique), Queen’s Glory 1’10’’ (Criterium des 5 Ans), Royal Dream 1’10’’ (Prix d’Amérique), Scala Bourbon 1’10’’ (Prix Queila Gédé), Ulysse 1’11’’ (Prix de Normandie), Village Mystic 1’11’’ (Prix de Sélection), Un Amour d’Aufor 1’10’’ (2ème Critérium des 3 Ans), Booster Winner 1’11’’ (Prix des Élites et des Centaures), Boléro Love 1’10’’ (Prix de Sélection), Belina Josselyn 1’11’’ (Grand Prix d'Amérique), Sanity 1’10’’ (Prix de l’Union Européenne), Nahar 1’09’’ (Elitloppet), etc. Comme père de mères, c’est déjà celui de Bold Eagle 1’10’’ (Prix d’Amérique et de France), Cylée Nevele 1’12’’ (Prix Paul Leguerney) ou Demonia Roma 1’11’’ (Grand Critérium).
Buvetier d’Aunou : tête de liste des étalons
Après Unispeed et Amour d’Aunou, Nesmile fut présentée à Royal Prestige. De leur union naquit Buvetier d’Aunou. « "Buvetier" est le nom que l’on donnait aux bistrots en Auvergne », expliquera Jean-Pierre Dubois. Royal Prestige était un fils de Speedy Crown 1’12’’7, comme Speedy Somolli, et il était bien né, sa mère, Rosemary 1’13’’ (Nevele Pride), ayant remporté le Merrie Annabelle, l’une des plus grandes épreuves pour femelles de 2 ans. Moins doué que Speedy Somolli, même s’il avait du talent, Royal Prestige était un petit cheval bai brun avec une liste en tête. Son entraineur, Jan Johnson, se souvient : « Quand je l’ai vu yearling, ce n’était pas un gros poulain. Mais il avait une bonne tète, un bon oeil, était bien musclé et avait un modèle parfait. Quand il trottait dans son paddock, il avait un bon mouvement. Plus tard, il fut facile à driver et avait un gros coeur ». Après avoir fait le record des ventes de yearlings, Royal Prestige montra vite sa classe à 2 ans (Horseman Futurity) et à 3 ans. Seule une course tactique lui coûta la victoire dans l’Hambletonian où, longtemps enfermé, il finit fort deuxième à une encolure de Nuclear Kosmos, avec lequel le fameux driver norvégien Ulf Thoresen avait bloqué la course. Son fils, Buvetier d’Aunou, « tenait plus de sa mère, Nesmile, et de Caprior que de son père, Royal Prestige. Il ressemblait aussi au père de celui-ci, Speedy Crown. Il était costaud et trottait un peu du genou comme ce dernier. À l’entraînement, Buvetier d’Aunou a presque toujours eu des oeillères plates. Speedy Crown en avait aussi au début m’avait dit Howard Beissinger, son entraîneur, ajoutant qu'il ne se foulait pas. Je l’avais laissé tranquille plusieurs mois à 3 ans pour qu’il fasse sa croissance. Mais Buvetier d’Aunou a pratiquement toujours couru boiteux. Plus tard, il s’est bien reproduit et ses filles aussi produisent bien », dixit Jean-Pierre Dubois.
Buvetier d’Aunou avait été débourré par Roger Burnel qui dira : « J’avais débourré tous les bons chevaux de l’écurie Dubois à l’époque. Et je peux dire que le meilleur était Buvetier d’Aunou ». En compétition, il remporta les Critériums des 3 et des 4 Ans ainsi que le Prix de Sélection, avec Jean-Pierre Dubois, allant devant à chaque fois. Il termina aussi deuxième d’Ina Scot dans la finale du Grand Prix de l’U.E.T., précédant Blue Dream. Étalon numéro un en France en 2000, on lui doit les Ganymède 1’11’’ (Prix de l’Atlantique et Grand Prix d’Oslo), numéro un à son tour des étalons en 2008 et 2014, Gobernador 1’11’’ (Prix de France et de Paris), Hello Jo 1’14’’ (Critérium des Jeunes), Hermès du Buisson 1’14’’ (Critérium Continental), Install 1’13’’ (Critérium des 3 Ans), Juliano Star 1’12’’ (Critérium des Jeunes, père de Commander Crowe 1’08’’9 Elitloppet), Oasis Gédé 1’12’’ (2ème Prix de Paris), Onyx du Goutier 1’13’’ (Prix de l’Étoile), Renommée d’Obret 1’09’’ (Championnat Européen), Up and Quick 1’09’’ (Prix d’Amérique et Critérium des 5 Ans), etc. Comme père de mères, il est celui des Royal Dream 1’10’’ (Prix d’Amérique et de France), Singalo 1’11’’ (Prix de Cornulier), Un Mec d’Héripré 1’09’' (Critérium Continental), Prodigious 1’11’’ (Critérium Continental), Brillantissime 1’11’’ (Prix d’Europe), etc. Ce que l’on sait moins est que Buvetier d’Aunou eut un propre frère nommé Fool Me Not qui fit la monte au Canada. Jean-Pierre Dubois raconte : « La période des échanges franco-américains était finie (elle dura cinq ans), mais j’avais fait saillir Nesmile une sixième année à Royal Prestige. Ce produit ne pouvait donc être inscrit au stud-book du Trotteur Français. Il s’appelait Fool Me Not. C’était un grand cheval qui ressemblait à son frère, Buvetier d’Aunou, mais lui ne courut pas, s’étant accidenté au paddock jeune. De ce fait, il a peu sailli, et pour la plupart, des juments de troisième catégorie. Or, la jumenterie compte beaucoup pour un étalon. Malgré cela, il a donné une ou deux bonnes juments au Canada ».
Défi d’Aunou : un « compas » exceptionnel
Frère cadet de Buvetier d’Aunou, Défi d’Aunou 1’11'', lui, devait réussir une plus grande carrière de courses. Alezan crins lavés, il ne ressemble à aucun autre de sa famille maternelle. Son père, Armbro Goal 1’11’’(Hambletonian et World Trotting Derby), était un fils de Speedy Crown, bai de bonne taille (1,62 m.) et d'Armbro Flight 1’13’’ (Kentucky Futurity) qui avait battu Roquépine dans un Championnat du Monde des trotteurs à New York. Helicopter 1’13’’, mère d’Armbro Flight, avait, elle, gagné l’Hambletonian. Jean-Pierre Dubois dira un jour en plaisantant : « Je ne sais pas à qui Défi d’Aunou ressemble. J’espère qu’ils n’ont pas fait saillir Nesmile par le souffleur ! ». Après avoir terminé troisième du Prix d’Amérique de Moni Maker au sulky de Défi d’Aunou, il eut ce mot : « Ce n’est pas difficile de faire l’arrivée avec lui, il suffit juste de ne pas tomber de sulky ! ». Il est vrai que Défi d’Aunou faisait figure de machine à trotter et impressionna beaucoup de monde, avec ses grandes allures, son « compas » exceptionnel. Cela dit, il avait son caractère. Jean-Pierre Dubois estime qu'« il avait un côté mâle prononcé et aurait fait encore une meilleure carrière s’il avait été hongre ».
Entraîné et drivé par Jean-Étienne Dubois durant la majorité du temps, Défi d’Aunou gagna à Paris à 3 ans et termina troisième du Critérium des 3 Ans, mais se révéla vraiment à 4 et 5 ans, remportant alors le Critérium des 4 Ans (devant Dahir de Prélong), puis le Critérium des 5 Ans, le Prix de l’Étoile, le Championnat Européen des 5 Ans, les Prix de l’Atlantique, René Ballière et de Paris, terminant deux fois 3ème du Prix d’Amérique, 2ème du Prix de France (par deux fois), s’imposant également en Allemagne, Italie, Finlande, Suède, etc., et totalisant plus de 2 300 000 € de gains à 8 ans. Toutefois, à la fin de la carrière de ce champion, Jean-Étienne Dubois avait dit : « Défi d’Aunou était désavantagé avec sa grande action dans la montée de Vincennes. Si je l’avais couru plus souvent à l’étranger, sur les pistes plates, il aurait encore mieux fait, notamment en allant devant ».
Si, chez nous, Armbro Goal est aussi connu comme père du classique devenu un bon reproducteur Cezio Josselyn 1’13’’, Défi d’Aunou comme étalon a su donner des chevaux de la qualité de Mahana 1’13’’ (Critérium des Jeunes, 3ème du Critérium des 3 Ans), Kelle Emotion 1’12’’ (4ème du Critérium des 4 Ans), Kourgana 1’13’' (Prix de Croix), Nelson de Vandel 1’14’’ (Criterium des Jeunes, 2ème du Prix de Vincennes), Not Disturb 1’11’’ (Prix Pierre Plazen, 2ème du Prix Kalmia), Nuage de Lait 1’11’’ (Prix Louis Jariel, 4ème du Critérium des 4 Ans), Nouvelle Aventure 1’12’’, Opium 1’11’’ (Prix Doynel de Saint-Quentin), Or de Bruges 1’12’’ (m) (2ème des Prix des Élites et de Normandie), Pretty Jet 1’11’’ (Prix du Plateau de Gravelle), Alesia d’Atout 1’11’’ (Prix Ozo, 3ème du Criterium des 3 Ans), etc. Par ailleurs, il est déjà le père de mères de Villeroi 1’11’’, Vulcain de Vandel 1’11’’, Tina du Citrus 1’12’’, Tequila Cocktail 1’12’’, Tabby Point 1’12’’, Clarabelle 1’12’’, Capone Face 1’12’’, etc.
Avec Baltic Speed
Enfin, croisée avec Baltic Speed 1’12’’ (en 1984) (Speedy Somolli), Nesmile devait produire un mâle, Extrême Aunou, et une femelle, Comtesse d’Aunou. Aux États-Unis, Baltic Speed, excellent à 2 ans, remporta la Breeders Crown des 3 ans, le Yonkers Trot et World Trotting Derby, entraîné par Soren Nordin et drivé par son fils, Jan, lequel avait dit : « Baltic Speed a été une surprise pour nous. Il était petit (1,54 m.) et ne montrait rien d’exceptionnel au travail au début. Mais, dès qu’il a couru, il a révélé un grand désir de vaincre et s’est beaucoup amélioré. Il avait beaucoup de vitesse, de volonté et une bonne allure ». Lors de sa première année de monte, il produisit deux grands champions : Peace Corps 1’10’’ (Merrie Annabelle, World Trotting Derby, Kentucky Futurity, Breeders Crown à 2, 3, 4 et 6 ans, Elitloppet, Yonkers International) et Valley Victory 1’11’’ (Breeders Crown des 2 ans, Yonkers Trot), un trotteur aux allures d’une pureté exceptionnelle devenu un chef de race. Mais curieusement, Baltic Speed ne devait plus donner de champions après cette première année de monte ! Comme quoi, il ne faut pas juger trop vite un étalon, en bien comme en mal.
En France, son fils Extrême Aunou 1’14’’ fit partie du peloton de tête de sa génération à 2 et 3 ans, gagnant à Vincennes et Enghien, terminant 3ème du Prix Paul Viel à 3 ans, puis 2ème d’Echo, précédant Elvis de Rossignol à 5 ans dans le Prix Henri Levesque. Jean-Pierre Dubois rappelle : « Il était plus précoce que ses frères. C’était aussi surtout un cheval de vitesse, mais il est tombé malade et on ne l’a pas retrouvé vraiment à 4 et 5 ans ». Au haras, Extrême Aunou devait donner Miska des Rondes 1’13’’ (Prix Ozo, Gélinotte et Une de Mai, 2ème du Critérium des Jeunes) et Mon Premier Céhère 1’13’’ (5ème du Critérium des 4 Ans, 2ème du Prix Phaëton), devenu le père de Sun Céravin 1’12’’ (Critérium des 3 Ans, Prix Abel Bassigny et Henri Levesque). Plus tard, il produisit Canari Match 1’12'’ (2ème du Critérium des Jeunes et du Prix Kalmia).
Comtesse d’Aunou (Baltic Speed - Nesmile), elle, ne vit jamais un hippodrome. « C’était une petite jument alezane de 1,56 m. environ. Elle était longue. Mais je ne me rappelle plus pourquoi elle n’a pas couru », confie Jean-Pierre Dubois. Elle se rattrapa au haras, en engendrant New York 1’12’’ (a) 1’18’’ (m) (In Love With You) qui montra de la qualité. En effet, New York se plaça face aux meilleurs de sa promotion, terminant 2ème du Prix Henri Cravoisier, 3ème du Prix Masina, 4ème des Prix Ozo et Uranie. D’une origine très consanguine (inbred 3x2 sur Nesmile et 3x3 sur Speedy Somolli), New York se révéla ensuite comme une poulinière de qualité, donnant jour coup sur coup à Texas Style 1’13’' (Prix Roquépine, Gélinotte et Guy Deloison), Uflora 1’14’’ (gagnante à Vincennes de trois courses à 2 et 3 ans), Best Life 1’14’’ (gagnante à Vincennes à 2 et 3 ans), toutes trois par Goetmals Wood. Puis, elle produisit Combattante 1’12’’ (Prix Reine du Corta et Gaston de Wazières, 2ème du Prix Annick Dreux, 3ème du Critérium des 3 Ans) avec Sam Bourbon. Louis Baudron, qui exploite les produits de New York, explique : « New York avait beaucoup d’influx, de vitesse. C’est une alezane pas si petite que cela. Sa fille, Texas Style, très vite à 2 ans, a presque tout gagné à cet âge. Dans le Critérium des Jeunes (N.D.L.R. : disqualifiée à la fin alors qu'elle luttait pour la victoire), je l’avais mal drivée, sans quoi elle aurait pu gagner. Combattante, pour sa part, est surtout une jument de vitesse, meilleure piste plate ou sur 2 100 mètres à Vincennes (petite piste) que sur les 2 700 mètres de la grande piste. Mais la meilleure de toutes à mon sens était Uflora, la plus facile aussi. C’est une belle jument qui savait aller très vite quand elle sortait d’un dos. Malheureusement, elle a souffert d’un boulet derrière, ce qui a écourté sa carrière ».
On se rend compte que les descendants de Nesmile ne sont pas près d’arrêter de faire parler d’eux, tant en lignée mâle que femelle, ce qui est rarissime. Le maître d’oeuvre de cette lignée restera Jean-Pierre Dubois lorsqu’il décida de présenter la fille de Caprior aux étalons américains. Le mélange des sangs avait souvent réussi dans les races de chevaux, chez les pur-sang comme chez les trotteurs (voir chez nous avec les Kairos, Ogaden, Carioca II, Gélinotte, Florestan, etc.). Il le savait bien sûr et y croyait. De fait, c’est en grande partie grâce à lui et à ses croisements franco-américains que la race du Trotteur Français a progressé ces dernières années.
Par Jacques Pauc
Merci pour ce message de la part de : Gribouille29, ivct, iroisebleue, Odyssee, nezan, boheme, TorontoPat, REVEDUDON
Dernière édition: 28 Avr 2020 09:36 par joyeuxrire.
15 Avr 2020 09:11 #1
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Réponse de joyeuxrire sur le sujet Trot Infos saga : reine du stud-book

ELEVAGE
Trot Infos saga : Kidea, la reine mère

Kidéa est la mère du crack et remarquable étalon Ready Cash, et également génitrice de la classique Upper Class et de la semi-classique Suricate. Kidéa compte évidemment beaucoup dans le potentiel génétique de Ready Cash.


Kidéa 1'18'' naquit en 1998 dans l’Orne chez Pierre et Francine Tébirent. Elle provenait du croisement du classique Extreme Dream 1’13’’ (Critérium des 4 Ans, 2ème du Critérium des 3 Ans) et de la semi-classique Docéanide du Lilas 1’16’’, une fille de l’américain Workaholic 1’11’’ (Breeders' Crown des 2 Ans). De petite taille, Kidéa montra vite de la qualité en compétition, à l’image de sa mère. Extreme Dream, son père, était très « steppeur jeune mais très dur » a souvent rappelé son propriétaire-entraîneur Jean-Pierre Dubois qui l’avait placé durant une période sa carrière chez Anders Lindqvist (celui-ci le courant parfois déférré des quatre pieds), qui affirmera : « C’est le cheval le plus dur que j’ai entraîné ». Fils du champion Quito de Talonay 1’13’’ (Critérium des 3 Ans et Prix de l’Étoile, 2ème du Critérium des 5 Ans), un fils de Florestan de grande classe « qui avait de la rate » (dixit Jean-Pierre Dubois qui l’a drivé en deux occasions), Extreme Dream avait pour mère la grande poulinière Tahitienne (Kimberland). Il devait notamment produire Kiss Melody 1’11’’ (Grand Prix de l’U.E.T. et Prix Kalmia), Kaisy Dream 1’12’’ (Prix d’Europe, 2ème des Critériums des Jeunes et des 3 Ans), Nijinski Blue 1’11’’ (Critérium Continental), Priscilla Blue 1’10’’ (Prix de l’Ile-de-France), Quido du Goutier 1’12’’ (Prix de l’Étoile), Quarla 1’11’’ (2ème du Critérium des 5 Ans), etc. En tant que père de mères, outre Ready Cash 1’10’’ et Upper Class 1’11’’, on retrouve Extreme Dream comme grand-père maternel de The Lovely Gwen 1’12’’ (Prix de l’Étoile, 2ème du Critérium des 3 Ans), Union d’Urzy 1’12’’ (Prix de l’Étoile), Ulysse 1’11’’(m) (Prix de Normandie), Alizéa du Kastel 1’10’’ (Prix Roquépine), Be My Girl 1’13’’ (Prix Gélinotte), etc.
Quant à Docéanide du Lilas, qui était minuscule, elle fut l’une des meilleures de sa génération dès l’âge de 2 ans, gagnant alors trois courses à Vincennes dont le Prix Marcel Dejean et terminant 2ème du Prix Une de Mai, confirmant à 3 ans au plus haut niveau (2ème des Prix Roquépine, Gélinotte et Masina), toujours menée par son entraîneur Philippe Allaire. Celui-ci se souvient : « Le jour de sa qualification à 2 ans, à Caen, elle avait impressionné. D’ailleurs, Albert Viel était venu la voir ensuite aux balances. Elle avait beaucoup de vitesse même si elle était vraiment petite, mesurant 1,56 mètre-1,57 mètre. Mes copains rigolaient quand j’ai commencé à la courir à Paris. Mais elle a fait une belle carrière contre les meilleures de sa promotion à 2 et 3 ans ». Et Pierre Tébirent de raconter : « Philippe avait gagné un jour à Vincennes avec Océanide et elle lui avait plu. Aussi, quand une de ses filles a été inscrite à la vente de yearlings plus tard, j’avais coché son nom en souvenir. En plus, elle était fille de Workaholic. Le jour de la vente, je vais donc la voir dans son box. Or, elle était toute petite, devant mesurer 1,45 mètre ! Elle passe aux enchères et son éleveur la retire faute d’enchère. Je lui ai alors dit : "Attendez quinze jours, Philippe Allaire va venir la voir. Si elle lui plaît, je l’achète". Philippe y a été, l’a trouvée vraiment petite mais, quand il l’a vue se déplacer au paddock, elle lui a plu. On a donc fait un chèque à son éleveur et celui-ci nous a dit : "Je ne mets pas le chèque à l’encaissement. Si elle ne vous convient pas, je le déchire et vous me la rendez !". C'était une "crevette", mais elle était gentille et bien dans sa tête. Sa fille, Kidéa, était plus grande, avec un peu de caractère ».
Kidéa, opérée d’un genou
On le sait, la classe d’un cheval ne se mesure pas en centimètres. Docéanide du Lilas en reste un bon exemple. Philippe Allaire précise : « Durant l’hiver, je la fis sortir au monté par une jeune lad comme une galopeuse. Et plus tard, elle a montré sa vitesse, se qualifiant bien. J’avais gagné avec sa mère Océanide, une belle jument bai brune ». Docéanide du Lilas était en plus une fille de l’américain Workaholic (Speedy Crown et Ah So), un cheval doué dès son jeune âge, bien né, qui fut sacré en France tête de liste des étalons en 1996 et ensuite cinq fois tête de liste des pères de mères.
Quant à la souche maternelle de Kidéa, sa cinquième mère Vertueuse (Kozyr), génitrice de la bonne gagnante à Vincennes (de 4 à 8 ans) Sibelle J 1’18’’ (Prix de la Marne et 5ème du Prix de Paris), donna également Glory (quatrième mère de Kidéa), qui engendra le brillant Sydney D 1’18’’(Prix Jean Cabrol, 2ème du Prix de la Société des Steeple-Chases de France) outre Tornese Glory 1’30’’, deux fois lauréate en province et mère d’Océanide 1’18’’ (Eole Grandchamp). On peut ajouter que Vertueuse avait pour grand-mère Isménide qui fut aussi la troisième mère de Civette II 1’22’’(Paléo), lauréate à Cagnes et placée à Vincennes, qui engendra le classique et bon étalon Podosis 1’16’’(Prix de Cornulier, de Vincennes et du Président de la République).
Fille donc d’Extreme Dream et Docéanide du Lilas, Kidéa, comme sa mère, montra donc de la classe dès son jeune âge, alors que son père ne s’était vraiment « déclenché » qu'en fin d'année de 3 ans-début d'année de 4 ans. Entraînée par Philippe Allaire, elle gagna à Enghien en août de ses 2 ans (1’18’’2 - 2 150 m. - autostart) avec Pierre Vercruysse après s’être qualifiée à Grosbois en juin en 1’20’’5 (1 500 m.). Puis, elle termina 2ème près de Kiss Melody, précédant Kelle Ile, à Vincennes en nocturne (1’19’’3 - 2 200 m. - GPP), avant de n’être battue que tout à la fin par sa compagne d’entraînement, Kéfie Perle, sur cette même piste. Or, on sait que Kiss Melody devint ensuite une championne et Kelle Ile une jument classique. Cela situe le niveau de Kidéa à cet âge. Philippe Allaire en fait le portrait suivant : « C’était ma meilleure pouliche cette année-là. Elle trottait sans poids même si elle était un peu "steppeuse". Malheureusement, elle dut être opérée d’un kyste à un genou à 3 ans et l’opération ne réussit pas. Elle a recouru sans succès trois fois à 3 ans, puis entra au haras à 4 ans ». Ce fut peut-être un mal pour un bien car ainsi Kidéa ne s’usa pas en compétition, n’ayant couru que neuf fois. Or, Philippe Allaire aime faire entrer tôt au haras ses bonnes pouliches.
Son frère utérin Obrillant 1’12’’ (Gai Brillant) était un petit cheval qui ga-gna à 2 ans à Vincennes et termina 2ème du Prix Emmanuel Margoutty, confirmant à 3 ans (Prix Émile Wendling, 3ème du Prix Abel Bassigny d'Orlando Vici et Offshore Dream), à 4 ans (3ème du Prix de Genève) et à 5 ans (3ème du Prix Ovide Moulinet, 4ème du Prix Marcel Laurent). Philippe Allaire en dira : « Dans le Critérium des Jeunes, il finissait bien à la 2ème place mais il s’était un peu trompé dans ses allures et avait été disqualifié. C’était un bon cheval qui avait un peu de caractère jeune ». Au haras, Obrillant a notamment produit Up Market 1’13’’(m) (Saint-Léger des Trotteurs et Prix Camille de Wazières).
Une énergie terrible
Devenue poulinière à 4 ans, Kidéa sera tout d’abord présentée au champion monté Gai Brillant 1’13’’ (Podosis), un grand cheval qui avait beaucoup d’envergure, puis à Jet Fortuna 1’16’’ (Coktail Jet). De ces unions naquirent deux femelles, Pensée Magique, qui ne courut pas tout en engendrant Albator 1’16’’ (vainqueur en province), et Quick Legs 1’15’’, lauréate en province et devenue mère du petit Cagliostro 1’17’’ (Pomerol de Laumac), vainqueur en province et placé à Vincennes à 2 ans. Pierre Tébirent en dira : « Quick Legs était brave et avait un peu de qualité. J’avais quitté l’Orne pour m’installer en Mayenne, près de La Chapelle Rainsouin. Non loin de chez moi, le Haras de Vaiges faisait une opération portes ouvertes, avec une présentation d’étalons. J’y suis donc allé et je vois Indy de Vive, un beau cheval bai brun, avec des tissus magnifiques et de bons jarrets, un fils de Viking’s Way issu d’une fille de Morgaflore. Il m’a beaucoup plu et j’ai alors décidé de lui présenter Kidéa. De cette union naîtra Ready Cash ». À ce sujet, on peut rappeler qu’Indy de Vive faillit…ne pas naître, comme le rappelle Christophe Toulorge, homme de confiance de Philippe Allaire : « M. Girard avait emmené sa jument Tekiflore à la saillie de Viking’s Way. Mais, quand il a vu le cheval qui était très handicapé à la suite d’une fourbure, il m’avait dit : "Je ne vais pas mettre ma jument à ce cheval-là !". "Essayez un saut, si elle est vide, vous changerez d’étalon après", lui avais-je répondu. Mais Tekiflore avait été testée pleine du premier coup et l’année suivante naissait Indy de Vive ! ».
Ainsi un an plus tard naissait Ready Cash de l’union d’Indy de Vive et Kidéa. Il fut élevé en Mayenne chez Pierre Tébirent. Celui-ci raconte : « C’était mon seul mâle cette année-là. À sa naissance, il était déjà plein de vie, très beau et s’était levé tout de suite après la mise-bas. Foal, il couchait les oreilles et n’avait peur de rien. Plus tard, après le sevrage, je l’avais mis avec un poney, mais il lui faisait des misères. Il le mordait. Pour le "mettre aux ordres", je l’ai ensuite mis avec une vieille jument, Nera, qui devait mourir à 36 ans, alors qu’il était yearling, quatre mois avant qu’il ne parte au débourrage chez Philippe Allaire. Il a donc fini d’être élevé avec Nera dans un grand herbage de quatre ou cinq hectares. Quand je leur portais la nourriture, Ready Cash faisait trois ou quatre fois le tour du champ à fond, trottant ou galopant la tête entre les jambes. Il nous faisait peur à mon épouse et à moi ! On se disait : "Il va tomber et se faire mal". Mais non, lui n’avait peur de rien. Il avait une énergie terrible ». On peut mette en parallèle cette énergie débordante avec ce qu’avait dit Jean-Pierre Dubois du champion et grand étalon américain Speedy Somolli 1’11’’ (Hambletonian) après l’avoir vu au haras alors qu’il était étalon: « Il avait de la folie, de la bonne folie, de l’énergie. Il fallait deux hommes pour le rentrer de son paddock le soir. Vous ne pouviez pas vous en aller sans retenir une saillie ». Ensuite, cette « folie », cette énergie, il faut arriver à la canaliser pour la compétition. Philippe Allaire se souvient qu’au débourrage Ready Cash « avait vite montré qu’il était bon même si je pensais au début qu’il allait être "steppeur". Mais il était gentil, pas caractériel. Le jour de sa première présentation aux qualifications à Grosbois, il était passé en 1’18''5, mais il avait été disqualifié pour avoir galopé au départ. J'avais préféré ne pas le repasser dans la matinée et attendre quinze jours. Je l’avais alors qualifié en 1’21'' en tirant dessus. Un matin, je l’avais mis derrière l’autostart, il volait. Je n’avais jamais vu cela ».
Parmi les autres produits d’Indy de Vive 1’13’’ (bon gagnant à Vincennes dès l’âge de 3 ans, 2ème du Prix du Luxembourg, 4ème du Prix Doynel de Saint-Quentin, 7ème Prix de France, 8ème Critérium des 5 Ans), on doit noter Quartz de Vindecy 1’14’’, Riglorieux du Bois 1’11’’(m) (Prix Georges Dreux), exporté, Sibelle d’Ostal 1’14’’, Tabriz du Theillet 1’12’’, Tiva de la Frette 1’12’’, Uriel Speed 1’13’’ (Prix Phaëton) ou Ursule du Bouffey 1’12’’. À propos d’Indy de Vive, son driver-entraîneur Guy Verva dira : « C’était un cheval qui avait du sang, un demi-ambleur, qui avait besoin de poids. Après sa mort, à l’autopsie, on s’était aperçus qu’il avait une tumeur au pancréas. Bien sûr, il en avait souffert avant car, lorsqu’il était à l’entraînement, il maigrissait parfois d’un seul coup sans explication ».
Mort après six ans de monte, Indy de Vive sera donc resté dans l’histoire grâce à Ready Cash, un peu à l’image de Baltic Speed aux États-Unis qui engendra le chef de race Valley Victory, alors que lui-même ne fut pas un grand reproducteur. Mais Indy de Vive et Baltic Speed étaient eux-mêmes des fils des grands étalons Viking’s Way et Speedy Somolli. Il arrive ainsi parfois dans une grande lignée mâle que le meilleur continuateur ne soit pas le plus attendu (voir en France Quouky Williams, père de Coktail Jet, pour Fakir du Vivier).
Parti chez Thierry Duvaldestin
Le destin de Ready Cash fut donc placé à ses débuts entre les mains de Philippe Allaire (son co-propriétaire), comme la presque totalité des trotteurs de Pierre Tébirent. Philippe Allaire devait d’ailleurs le driver lors de ses débuts, à 2 ans, le 1er septembre 2007 à Reims mais « souffrant d’un mal de dos, je m’étais fait remplacé le soir même par Bernard Piton, avec qui Ready Cash gagna d’entrée de jeu. Le soir en rentrant de Reims, Bernard m’avait téléphoné me disant : "Dis donc qu’est-ce que c’est que ce poulain que tu m’as fait driver !" ». Déjà, Ready Cash était impressionnant. Avec Bernard Piton, il devait remporter 16 de ses 21 premières sorties à 2, 3 et 4 ans, dont le Critérium des Jeunes et le Critérium des 3 Ans, à chaque fois pratiquement en allant devant, un exploit et un signe de sa grande dureté. Bernard Piton se souvient : « Il était énergique mais pas fautif en course même s’il avait un peu deux allures, pouvant partir en "steppant" et tomber "léger" pour finir. Il avait toutes les qualités : vitesse, tenue et maniabilité. Il n’a jamais tiré en course sauf le jour du Prix de l’Atlantique à 4 ans à Enghien. Déjà au heat, il était difficile à tenir mais il avait commencé à faire la monte et cela avait dû jouer sur son mental ».
Au milieu de sa troisième année, ses propriétaires Pierre Tébirent, Philippe Allaire et Pascal Berthou (à qui Pierre Tébirent avait vendu pas mal de ses chevaux à l’époque) reçurent une grosse proposition d’achat uniquement pour la future carrière d’étalon de Ready Cash. Ils la refusèrent. Ready Cash devait être syndiqué durant l’été sur la base de 37 500 € la part. Puis, Ready Cash changea de driver à 4 ans, Franck Nivard s’imposant alors à cinq reprises avec lui. Le pilote manchois étant associé à Quarla pour le meeting d’hiver 2009-2010, le cheval passa sous la drive de Jos Verbeeck, avec lequel il gagna le Prix Ovide Moulinet mais fut disqualifié dans le Prix d’Amérique (gagné par Oyonnax) où pour la seule fois de sa vie il se présenta déferré des quatre pieds, ce qui ne lui convint pas.
Le cheval fit encore des siennes durant l’été de ses 5 ans, ratant le Critérium notamment (disqualifié en plaine). Philippe Allaire décida alors de le placer à l’entraînement chez un collègue qu’il appréciait, Thierry Duvaldestin, un cas de figure pratiquement unique dans l’histoire du trot pour un trotteur de cet âge et de cette valeur. On se souvient que, par le passé, Marcel Perlbarg avait fait mettre Gélinotte chez son collègue et ami Charley Mills mais la jument, très fautive, n’avait que 3 ans. Thierry Duvaldestin le prit donc en main, se remémorant : « Quand Philippe Allaire l’a envoyé chez moi, je lui ai demandé s’il voulait que sa lad Constanza Flores l’accompagne. Il m’a dit non, ajoutant : "Je te laisse carte blanche" (N.D.L.R.: Tristan de Genouillac, puis David Javelle furent ensuite ses lads). Chez moi, à la campagne, le cheval état au box le jour mais couchait dehors la nuit dans son paddock. D’ailleurs, une nuit où il avait gelé, un glaçon s’était formé sous un de ses pieds où j’avais mis de la mousse sous une plaque de cuir et il avait été boiteux deux jours à cause de cela. Au début, au bout d’une quinzaine de jours je l’avais testé à côté de Qualmio de Vandel, un cheval classique (N.D.L.R. : Prix Albert Viel, 2ème du Critérium Continental, 3ème Critérium des 3 Ans) leur faisant faire plusieurs lignes droites. Et Ready Cash l’avait perdu en route dans la dernière ligne droite ! Ce "moteur" exceptionnel était la grande qualité de Ready Cash. Maintenant, si Philippe Allaire qui entraînait alors à Grosbois, avait eu un établissement à la campagne à l’époque, il aurait fait aussi bien que moi avec le cheval ». La suite est connue. Ready Cash retrouva Franck Nivard en course et gagna le Prix d’Amérique à 6 et 7 ans, mais aussi les Prix de France, de Paris, d’Été, etc.
Imprenable au démarrage
Muni d’un lasso pour l’empêcher de tirer et toujours ferré assez lourdement des antérieurs (souvent 250 grammes) car il avait besoin de poids pour être bien équilibré, Ready Cash s’affirma comme un crack. Franck Nivard commente : « Il était imprenable au démarrage quand je le voulais. Et lorsqu’ il sortait d’un dos, il avait 200 mètres exceptionnels, comme son fils Bold Eagle aujourd’hui. À la fin, il souffrait des boulets et ne put montrer son vrai visage ». Comme souvenirs marquants de Ready Cash, on peut rappeler son accélération foudroyante dans le dernier tournant du Prix d’Amérique 2011 où il laissa sur place le champion suédois Maharajah (futur vainqueur de l'épreuve en 2014) après avoir monté la côte à son extérieur le nez au vent (gagnant en 1’12’’1 - 2 700 m. - GP). Le Prix de Paris 2013 (« où il n’était pas au top » selon Thierry Duvaldestin) aussi où, encore dernier dans l'ultime virage, il termina à toute allure le long des grilles pour coiffer Tiégo d’Etang ! On peut également citer ses victoires dans les Prix d’Été 2012 où il surclassa le lot (1’12’’- 2 850 m. - GP) malgré un tour de piste le nez au vent, ou celle d’Angers dans le Grand Prix Anjou-Maine 2011 où il vint battre Rolling d’Héripré après avoir tiré tout au long des 3 000 mètres du parcours ! Or, tous ces succès furent obtenus en restant ferré assez lourdement des antérieurs face souvent à rivaux déferrés des quatre pieds, avec donc un net désavantage (30 mètres environ).
Aujourd’hui, Ready Cash est devenu un grand étalon, le seul de l’histoire à avoir produit chaque année depuis ses débuts au haras un vainqueur de Critérium, soit Avila (Critérium des Jeunes), Bold Eagle (Critériums des 3 et 5 Ans, Continental), Bird Parker (Critérium des 4 Ans), Charly du Noyer (Critérium des 3 et 4 Ans) et Django Riff (Critérium des Jeunes), outre les Axelle Dark (Prix Kalmia), Brillantissime (Prix d’Europe), Dawana (3ème Critérium des 3 Ans) ou le suédois Readly Express (Grand Prix d'Amérique, Grand Prix de l’U.E.T., Critérium des 3 Ans, Derby des 4 Ans) et l’italien Traders (Prix de Cornulier). Difficile de faire mieux même si beaucoup de ses produits sont souvent tendus comme lui, notamment au départ. Son fidèle Christophe Toulorge est son ange gardien au Haras de Bouttemont (propriété de Philippe et Gitte Allaire) où Ready Cash vit entouré de la sollicitude de tous. Il raconte : « Je le sors tous les jours attelé environ trois quarts d’heure par n’importe quel temps, dimanches et jours de fête compris. C’est un cheval dominant. Quand il revient dans son box après la promenade, les autres étalons placés non loin de lui rentrent leur tête. Il adore quand je lui frotte la tête avec un linge après sa promenade. Il voit tout aussi. Un jour, le un tas de sable devant lequel il passe tous les matins était plus haut que d’habitude. Il l’a vu et s’est arrêté. Bien sûr, il va aussi très souvent au paddock. Je dis toujours ce n’est pas un cheval, c’est une oeuvre d’art… et n’oublions pas que la Joconde n’a été peinte qu’une fois ».
Upper Class et Suricate
Outre Ready Cash (son premier mâle), Kidéa a aussi produit Suricate et surtout Upper Class qui firent partie du peloton de tête de leur promotion, la première nommée sous la selle et la seconde à l’attelage. Suricate 1’14’’(m - 2 175 m - GP) (Ludo de Castelle) s’imposa à trois reprises au monté à Vincennes à 3 ans, avant de terminer 4ème du Saint-Léger des Trotteurs à Caen et de remporter le Prix Pierre Gamare (1’16’’3 - 2 700 m. - GP), battant Shucca avec Romain Derieux. Philippe Allaire se souvient : « C’était un jument légère, "steppeuse", que j’avais mise au monté. Elle fut de valeur semi-classique mais, devant affronter des "pointures" comme Scipion du Goutier ou Surabaya Jiel, elle dut souvent se contenter de places derrière eux. On a donc préféré la faire entrer au haras jeune. Elle a déjà produit Breath Money 1’16’’(m) (Sam Bourbon), gagnante à Caen au montée, et Epatante 1’13’’(m) (Village Mystic), deuxième du Prix d'Essai ». Quant à Romain Derieux, jockey de Suricate, il pense : « Suricate était fautive au début au monté, puis elle s’était amendée et avait gagné deux ou trois courses à Vincennes, dont un se-mi-classique. Elle avait plus de tenue que de vitesse ». Tireless (Hermès Perrine et Kidéa), elle, fut qualifiée à 2 ans mais, après une opération qui n’a pas réussi, ne put courir. « À 2 ans, c’était pourtant la plus vite des filles Vincennes de Kidéa », précise Philippe Allaire.
Vint ensuite Upper Class, femelle d’Indy de Vive et donc propre soeur de Ready Cash. Celle-ci devait atteindre le niveau classique, gagnant à Vincennes à 2 ans, puis au début de sa troisième année dans le Prix Gélinotte (1’16’’2 - 2 700 m. - GP). On la retrouva ensuite 6ème du Critérium des Jeunes, puis 2ème d’Uniclove dans le Prix Henri Cravoisier à Enghien (1’12’’7 - 1 609 m - autostart), 3ème du Prix Annick Dreux et 4ème du Critérium des 3 ans d’Unique Quick, toujours drivée par Johanna Lindqvist. Ensuite, lors de ses débuts sous la selle, elle termina 2ème d’Utoky dans le Prix de Vincennes (1’15’’1 - 2 700 m - GP) avec Yoann Lebourgeois, se plaçant aussi 4ème du Prix de Sélection en fin d’hiver. Son entraîneur, Philippe Allaire, évoque ainsi Upper Class 1’11''7 (a - 2 100 m. - autostart - GP) : « J’avais gagné avec elle lors de ses débuts à La Capelle à 2 ans. Elle m’avait plu, terminant fort. C’était une bonne pouliche, épaisse, dure, trottant un peu du genou. Comme c’était la propre soeur de Ready Cash, quand celui-ci s’est annoncé bon, j’avais conseillé à Pierre Tébirent de remettre Kidéa à Indy de Vive. Upper Class était courageuse, ayant aussi fini 2ème du Prix de Vincennes, alors que ce n’était pas la vraie jument monté. Elle est morte de coliques en 2016 alors qu’était pleine de Love You après avoir fait deux produits : Evolution 1’14’’(Love You), gagnante à Vincennes, une bonne pouliche, assez dure, et un "F" (Love You) qui n'a pas pu courir car atteint du mal de chien ». Pierre Tébirent précise : « Chaque année, je fais des échanges de saillies avec Jean-Pierre Dubois, Ready Cash contre Love You ou Goetmals Wood ou un autre, poulain contre poulain ».
Ensuite, Kidéa fit deux mâles avec Coktail Jet, Acedece 1’14’’ et Before You 1’16’’ qui ont gagné à l'attelé en province, mais « le croisement avec Coktail Jet n’a pas vraiment fonctionné » pense Philippe Allaire. Vint après Cottie Cash 1’14’’ (Sam Bourbon), femelle bai lauréate à Vincennes (deux fois) à 3 ans sur la petite piste, montrant certains moyens mais n’étant pas à l’aise déférrée des quatre pieds. Elle est rentrée au haras pour être promise en 2017 à Love You. Meilleure fut ensuite Ere Nouvelle 1’13’’ (Love You), une pouliche bai gagnante du Prix Masina, « brave, très trotteuse », juge Philippe Allaire. Présentée deux fois à Love You en 2015, Kidéa a produit Fesnière, non qualifiée, et un mâle (bai) nommé Grand Chelem, qualifié mais qui n'a pas encore couru en compétition.
À ce jour, Kidéa a déjà donné douze produits dont dix en âge de courir. Parmi eux, deux classiques (Ready Cash et Upper Class), une semi-classique (Suricate), huit gagnants dont cinq à Vincennes (les trois précités plus Cottie Cash et Ere Nouvelle). Le meilleur de tous, Ready Cash, est bien sûr déjà entré dans la légende du trot comme cheval de course. Il l'est aussi comme étalon en France, en Europe ou aux États-Unis où son premier produit américain Victor Gio 1’11’’ a fait partie de l’élite de sa génération, sans compter l’Australie où il est déjà père de jeunes poulains.
Par Jacques Pauc
Merci pour ce message de la part de : ivct, titiduc, iroisebleue, Odyssee, nezan, boheme, TorontoPat
Dernière édition: 28 Avr 2020 09:39 par joyeuxrire.
28 Avr 2020 09:37 #2
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Réponse de joyeuxrire sur le sujet Trot Infos saga : reine du stud-book

ELEVAGE
Trot Infos saga : Encombevineuse, un coup de trois unique

Encombevineuse est la seule jument du stud-book français à avoir produit, trois vainqueurs différents de Critériums : Kinder Jet (Critérium des Jeunes), Quaro (Critériums des 3 et 4 Ans) et Avila (Critérium des Jeunes). Gros plan.


Encombevineuse naquit en 1992 en Haute-Vienne, Jean-Claude Lassince et Bernard Dumeirain étant ses éleveurs. C’était une fille de Workaholic et Ugorella 1’21’’, une alezane qui gagna en débutant à 2 ans à Bordeaux avant de se placer en province à cet âge, puis à 3 ans. Entrée au haras à 4 ans, Ugorella ne devait donner qu’un seul produit, Encombevineuse 1’24’’8, lauréate d’une seule épreuve à 3 ans en province. Cette Ugorella était une fille de Gipsy d’Hudson 1’18’’ (Séduisant M), bon lauréat à Vincennes que Yvon Martin, puis Joël Hallais entraînèrent pour Alfred Lefèvre. Joël Hallais le décrit ainsi : « Je l’ai eu en fin de carrière. C’était un bon cheval, gentil, généreux, facile, un peu entre deux allures ». Qualis Gloria, la mère d’Ugorella, était, elle, issue du champion monté Valmont 1’18'' (m), un fils de Fandango qui avait remporté les Prix de Normandie et des Élites avec Louis Sauvé, lequel rappelle : « C’était un cheval de grande classe, avec une grande action, mais à qui il fallait 250 grammes devant ». Outre Ugorella, Qualis Gloria a aussi donné Beau Gaillard 1’20’’ (Mon Ouiton), placé dans le Sud-Ouest à 3 ans. Mère de Qualis Gloria, Gloria Dei 1’22’’ (Quioco et In Aeternum) a produit également Modestine 1’22’’ (m), lauréate à Vincennes à 4 ans et devenue mère de Valdemosa 1’17’’, bonne gagnante à Paris. On remonte ainsi à In Aeternum 1’27’’ (Varus et Raramémé), génitrice de la gagnante à Vincennes Vox Dei 1’19'', d’où Laudeamus 1’18’’ et Manus Dei 1’18’’, deux bons lauréats à Paris.
Cette souche maternelle qui remonte à la fameuse Fa Mi Sol et dont descendent notamment Ovidius Naso 1’22’’(Prix d’Amérique) ou Clissa 1’14’’ (Critérium des 3 Ans) est donc aussi celle de Rarameme, mère d'Ameles 1’20’’ (Kozyr), Eumolpis 1’22’’ (Kozyr) et Creuse 1’24’’ (Kozyr), cette dernière devant engendrer Qalabcheh 1’20’’ (m) (Atus II).
Achetée par Georges Dreux, Qalabcheh, gagnante du Prix de Londres, 3ème du Prix de Normandie (derrière Quito P et Quovaria, et devant Quérido II) devait produire Champenoise 1’18’’ (Pacha Grandchamp), lauréate des Prix du Président de la République et des Élites, Daginière (Queyja) qui engendra Kagino 1’19’’ (Prix Hervé Céran-Maillard et Pontavice du Heussey), devenu le père de Verdict Gédé 1’15’’ (Prix d’Amérique et Critérium des 4 Ans). Qalabcheh (Atus II et Creuse) donna ensuite Inneité 1’20’’(m) (Seddouk), une jument difficile qui ne courut qu’au monté et devint la mère de Virstly Gédé 1’13’’ (Prix Kalmia et Hémine, 2ème du Criterium des 4 Ans), la grand-mère de Nina Madrik 1’13’’ (Prix du Président de la République, 2ème du Critérium des Jeunes) et la troisième mère de The Best Madrik 1’10’’ (Critérium des Jeunes et des 5 Ans, 3ème du Prix d’Amérique). Pour sa part, Champenoise est également devenue l’arrière-grand-mère de Prince Gédé 1’11’’ (Prix de Paris et de Normandie).
Fille de Georges Dreux, Marie-Annick Dreux-Sassier se souvient : « Mon père avait acheté Qalabcheh en cours de carrière de courses, car il voulait acquérir des juments de grande souche (Céran-Maillard en l’occasion), sélectionnées depuis longtemps, en vue de leur carrière de poulinières. Cela lui faisait gagner cinquante ans en fin de compte. Ensuite, il les croisait avec des étalons d’un sang différent, ici Pacha Grandchamp (Fandango), avec qui Qalabcheh produisit Champenoise. Cette dernière était une belle jument alezane, brave, plus une jument d’attelage, qui brilla d’ailleurs avec les meilleurs dans cette spécialité. Champenoise débuta au monté dans le Prix du Président de la République qu’elle gagna avec Pierre Giffard . Mon père lui avait dit : "Raccourcis tes étriers et ne redescend pas dans la selle". Il était en avance sur son temps. Pierre Giffard la fit gagner ainsi, en la montant "en suspension" un peu comme aujourd’hui. Prince Gédé descend aussi de cette souche maternelle. C’était un cheval peureux au début mais très gentil, qui "produit" gentil d’ailleurs. Cette souche est restée vivante on le voit ».
Fille de Workaholic
Mais Encombevineuse pouvait aussi bien sûr s’enorgueillir d’être une fille de l’américain Workaholic 1’11’’ (Speedy Crown et Ah So) qui fut sacré tête de liste des étalons en France en 1996 et aussi cinq fois tête de liste des pères de mères. Sacré meilleur 2 ans de sa génération aux États-Unis après sa victoire dans la Breeders' Crown, Workaholic dut se contenter d’être un des dauphins de Prakas à 3 ans. Importé en France, il ne tarda pas à s’imposer comme étalon avec les Cygnus d’Odyssée 1’13’’(Critérium des 4 Ans), Carpe Diem 1’14’’ (Critérium des 3 Ans), Classe de Tillard 1’12’’ (Critérium Continental), tous issus de sa première année de monte, suivis notamment par les Corot 1’12’’, Hermès de Péricard 1’12’’ (2ème Prix de l’Étoile), Lejacque d’Houlbec 1’11’’ (3ème du Critérium Continental), Lara du Goutier 1’13’’ (2ème du Critérium des Jeunes), Noora de l’Iton 1’13’’ (m) (Prix Hémine), Première Steed 1’10’’ (Prix René Ballière), etc; Workaholic a fait encore mieux comme père de mères avec Daguet Rapide 1’11’’ (Derby Italien et Prix d’Europe), Orlando Vici 1’12’’ (Critérium des 3 et 4 Ans), L’Amiral Mauzun 1’10’’ (Elitloppet), Popinée de Timbia 1’10’’ (2ème du Critérium des 3 Ans), Risque Tout 1’11’’ (m), Rancho Gédé 1’12’’ (3ème du Critérium des Jeunes), Rieussec 1’12’’ (2ème du Critérium des 4 Ans), Olimède 1’11’’, Ouragan de Celland 1’12’’, Obrillant 1’12’’, Quamelara 1’11’’, Quatre Juillet 1’13’’, Quarlos 1’12’’, Showtime Bourbon 1’12’’ (Prix Hémine), Uniclove 1’10’’ (Prix Abel Bassigny), Talina Madrik 1’12’’ (m), etc. et bien entendu Kinder Jet 1’13’’ (Critérium des Jeunes), Quaro 1’13’’ (Critérium des 3 et 4 Ans), Avila 1’12’’ (Critérium des Jeunes et Prix de l'Étoile), les trois classiques engendrés par Encombevineuse.
On ne peut non plus oublier que la grand-mère maternelle du champion et grand étalon Ready Cash 1’10’’ (Critérium des Jeunes et des 3 Ans, Prix d’Amérique x 2) est une fille de Workaholic nommée Docéanide du Lilas 1’16’’ (2ème Prix Une de Mai, Gélinotte, Roquépine et Masina). Quant à l'actuel numéro un, Bold Eagle, 1’10’’ (double vainqueur du Grand Prix d’Amérique), il est inbred 4x3 sur Workaholic. Avant d’entraîner Avila, Thierry Duvaldestin a également été le propriétaire et l'entraîneur de Pearl Queen 1’11’’ (Critérium des Jeunes et des 3 Ans, Championnat Européen des 3 Ans), invaincue à 3 ans au plus haut niveau et petite-fille de Workaholic par son père Carpe Diem. « Tous les descendants de Workaholic que j’ai entraînés ont montré beaucoup de facilité à trotter, révélant vite leur qualité », juge-t-il. « Ce sont souvent des chevaux avec le rein long, demi-ambleurs, des chevaux de vitesse. »
Workaholic est mort à presque 31 ans, en 2013, mais ses descendants continuent de bien faire. C’était un cheval long, bon tout de suite, facile d’allures et bien né, car fils du champion et chef de race Speedy Crown 1’12’’ (Hambletonian) et de la bonne poulinière Ah So 1’15’’ (Speedy Count), mère aussi de Working Gal 1’12’’ (Hambletonian Oaks), Rule the Wind 1’11’’ (3ème Hambletonian) et At Risk 1’13’’, exporté au Danemark (17 victoires à 3 ans).
Encombevineuse : inexploitable en course
Comme parfois, la meilleure fille au haras d’un grand étalon ne fut pas une des meilleures en compétition, voir Ua Uka issue de Kerjacques et qui était loin de valoir ses demi-soeurs Cette Histoire, Feinte ou Gamélia sans parler bien sûr d’Une de Mai. En réussissant l’exploit de donner trois gagnants de Critériums différents au haras, Encombevineuse s’est montrée supérieure aux autres filles de Workaholic. Pourtant, après s’être qualifiée début novembre de ses 2 ans en 1’19’’8 à Grosbois, elle ne gagna qu’une petite épreuve à Mamers à 3 ans en neuf tentatives à 2 et 3 ans (ayant été six fois disqualifiée et une fois arrêtée), son record de 1’24’’8 ayant été obtenu à Mauquenchy à 2 ans où elle termina sixième et dernière d’un prix de série. Son entraîneur, Jean-Étienne Dubois, explique : « Encombevineuse était tellement nerveuse qu’elle se révéla inexploitable en courses. Alors qu’au contraire, ses produits furent tous braves et très trotteurs ! ». Serge Bernereau, qui acheta Encombevineuse yearling avant d’en vendre la moitié à JeanÉtienne Dubois, confirme : « Je l’avais achetée, car je trouvais qu’elle ressemblait beaucoup à Speedy Crown son grand-père paternel. Elle était très belle, épaisse, avec du cadre. Au départ, je l’avais achetée pour un client, mais celui-ci n’en avait plus voulu, car il lui avait trouvé une jarde. Mais elle me plaisait et je l’avais gardée pour moi. Ensuite, à l’entraînement, Jean-Étienne Dubois, vu sa vitesse de base, avait voulu m’en acheter la moitié. Mais elle se révéla très nerveuse et surtout très peureuse en courses et entra vite au haras. On a ainsi exploité ses produits chacun son tour, un an sur deux ». Le jour de son unique victoire à Mamers, sur l’herbe donc, en mai 1995, ce fut Roger Burnel qui la driva. Il raconte : « J’étais parti en dehors je m’en rappelle encore, Jean-Pierre Dubois était dans la course, il m’avait crié : "Avance, qu’est ce tu fais !". Et j’avais gagné nettement. Elle était "folle" mais avait des moyens et de la vitesse ». Il valait donc mieux ne pas insister avec Encombevineuse. Après une courte carrière de courses, elle entra au haras et son premier rejeton naquit en 1998, provenant de son union avec Full Account 1’13’’ (Prix de Sélection, 3ème du Critérium des Jeunes) (Passionnant). Il se nommait Kinder Jet.
Kinder Jet brille a 3 ans
Kinder Jet débuta à l’àge de 2 ans, s’imposant à Vincennes en décembre (1’18’’8 - 2 175m. - GP) avec son entraîneur, Jean-Étienne Dubois, après avoir couru cinq fois. Cet hiver-là, le fils de Full Account devait regagner en février (1’14’’9 -2 175m. - GP) devant Kart de Baudrairie juste avant le Critérium des Jeunes. Il ne partait pas favori dans ce classique (position partagée entre Korean et Ksar d’Algot), mais il allait réussir à s’imposer (1’16’’9 - 2 700m. - GP) sûrement après avoir figuré en bon rang, venant battre Kaisy Dream (revenu de loin après un mauvais départ), alors que Kopaulo prenait la troisième place. Jean-Étienne Dubois le définit ainsi : « Kinder Jet était très précoce, avec de la classe et de la vitesse, brave aussi. Il s’est affirmé très tôt en compétition ». Mais, tout en continuant à faire bonne figure face à l’élite de sa promotion, Kinder Jet ne put se maintenir à la première place, briguée par Kiss Melody, puis par Kaisy Dream et Késaco Phédo. Après avoir été gagner en Finlande, fin avril, il termina troisième de Kiss Melody et Kaisy Dream dans le Prix Capucine (devançant Korean), puis réussit à s’imposer durant l’été de ses 3 ans dans le Prix Pierre Plazen devant Kiss Français (1’14’’7 - 2 175m. - GP). Il ne put plus tard se classer dans le Critérium des 3 Ans remporté par Késaco Phédo devant Kaisy Dream. Jean-Étienne Dubois continua de l’avoir sous sa coupe jusqu’au printemps. « Il fut vendu à Henri Pellerin et passa sous l’entrainement de Michel Lenoir », explique Serge Bernereau.
Michel Lenoir ne tarda pas à l’essayer au monté (3ème du Prix Jacques Olry de Kérido du Donjon), avant de triompher de Krac Spécial et Kaiser Sozé dans le Prix Ovide Moulinet à l’attelage. Puis, Kinder Jet brilla durant l’été dans les classiques sous la selle, à savoir le Prix de Normandie derrière Kesaco Phédo et Koppa de Montfort et des Élites, devançé par Mara Bourbon et Kepler. En la circonstance, il était déférré des quatre pieds. Michel Lenoir se souvient : « C’était un brave cheval. Après avoir gagné un Groupe II à l'attelé, je le trouvais un peu barré dans cette spécialité face aux meilleurs, alors je l’ai couru au monté. Il s’y est fort bien défendu, bien que ce ne soit pas le "vrai" cheval monté, car il pouvait "tomber léger" ». Enfin, à 6 ans, Kinder Jet émigra dans le Midi chez Émile Gout (gagnant à Cagnes-sur-Mer avec lui), puis, à 7 ans, il termina troisième de L’Amiral Mauzun dans le Grand Prix de la Cote d’Azur alors entrainé par Éric Prudhon. Comme étalon, on lui doit notamment la bonne gagnante à Paris et en province (Grand National du Trot) Rivière Espérance 1’11’’.
Quaro : double lauréat de Critérium
Après Kinder Jet, Encombevineuse donna jour à quatre autres rejetons, dont Pocono Jet 1’13’’ (Extreme Dream) gagnant à Vincennes), avant Quaro un màle bai brun de Kiwi 1’11’’ (Prix de Sélection, Finlandia Ajo) né en 2004. Débutant victorieusement sous l’entraînement de Fabrice Souloy en mars de ses 3 ans à Lisieux (devant Quatre Juillet), il réédita ce succès en avril à Caen puis, après une disqualification, il aligna cinq victoires de suite, dont le semi-classique Prix Abel Bassigny (1’14’’ - 2 175m. - GP) devant Qualmio de Vandel et Quick de la Loge.
Vint ensuite le Critérium des 3 Ans où Quaro se présentait pour la première fois déférré des quatre pieds face à la favorite Qualita Bourbon, qui alignait les succès depuis ses débuts. Après que celle-ci eut bataillé avec Quido du Goutier dans la descente, elle ne put endiguer le retour de Quaro, patiemment drivé par Jean- Michel Bazire qui vint la toiser dans les dernières battues (1’14’’- 2 700m. - GP). Revenant d’assez loin, Qualmio de Vandel terminait ensuite devant Quel Amour Dudel et Quilea Jiel. Jean-Michel Bazire dira après l’arrivée : « À la fin, j’ai tenté le tout pour le tout, soulevant même la queue de Quaro et celui-ci a bien répondu ». On ne devait plus le revoir de l’hiver.
Puis, Quaro effectua sa rentrée à 4 ans dans le Prix Phaëton (3ème de Quaker Jet et Quatre Juillet), avant de prendre sa revanche sur Quaker Jet dans le Prix Gaston Brunet (1’13’’ - 2 100m.). Ce fut ensuite le plus beau succès de sa carrière, dans le Critérium des 4 Ans où, toujours avec Jean-Michel Bazire, il domina sans partage, prenant la tête assez tôt pour gagner brillamment (1’13’’3 - 2 850m. - GP) devant Quel Amour Dudel, Qualita Bourbon et Quaker Jet. Quaro faisait alors figure de leader de sa génération. Mais il allait disparaître des pistes pendant plusieurs mois, réaparaissant en fin d’année à Laval (3ème) avant d'être disqualifié deux fois. De nouveau éloigné des pistes, il ne devait jamais retrouver sa superbe, même s’il gagna encore une fois à Vincennes à 6 ans (Prix du Languedoc). Son copropriétaire, avec Manuel Garcia, Jacky Grisanti, Michel Grisanti et Henri Pellerin, Serge Bernereau commente : « C’était vraiment un cheval de classe, doué de suite, même s'il n’était pas très précoce. Peut-être l’a-t-on exploité un peu trop tôt... Mais, à 4 ans il a souffert d’un problème, il avait un "coup de patte" et personne n’a jamais trouvé d’où cela venait ! ». Quaro changea d’entraînement sur le tard, passant chez Franck Leblanc, mais ne put retrouver son ancienne valeur. Entré au haras, on lui doit notamment Véloce du Banney 1’11’’ (m) et Captain Crazy 1’12’’ (Prix Kalmia).
Avila : un exploit dans le Critérium des Jeunes
Troisième produit d’Encombevineuse à avoir brillé dans les classiques, Avila (Ready Cash) a été élevée par Serge Bernereau (« elle était très ambleuse yearling ») et achetée aux ventes de yearlings de Deauville par Thierry Duvaldestin et Cyril Lelarge pour 52 000 €. C’était le douzième rejeton de sa mère et sa quatrième femelle. Parfois, les grandes poulinières produisent mieux en mâles qu’en femelles ou inversement. Prenons l'exemple d'Arlette III qui donna Kerjacques 1’19’’ (Critérium des 5 Ans), Quito 1’19’’, Rabelais 1’20’’ (m) et Seddouk 1’18’’ (Critérium Continental, Prix du Président de la République), mais de moins bonnes femelles. Mais ce ne fut pas le cas d’Encombevineuse qui a donné deux mâles (Kinder Jet et Quaro) et une femelle Avila) classiques, outre les deux bons vainqueurs Very Well Jet 1’13’’ et Ulzhane 1’13’’.
Avila montra vite des moyens en compétition, s’imposant à Vincennes (deux fois) et terminant troisième du Prix Une de Mai à 2 ans. Au début de sa troisième année, elle devait réussir un exploit dans le Critérium des Jeunes où, fautive au départ, elle perdit bien quarante mètres, avant de revenir finir fort pour dominer à la fin Akim du Cap Vert et Artiste de Joudes (1’14’’8 - 2 700m. - GP). Courant le plus souvent déférrée des postérieurs - ce qui a un effet minime sur la performance au contraire du déférrage des quatre pieds - Avila avait montré là sa classe, sa tenue et son courage. Elle devait confirmer sa qualité, en triomphant plus tard dans les Prix Masina et Guy Deloison (1’12’’7 - 2 175m. - GP, son record, en battant Axelle Dark). À l’époque, Thierry Duvaldestin disait : « Avila a tout de suite montré des moyens. C’est une pouliche de 1,58 m, dure, aussi à l’aise sur 2 100 que sur 2 700 mètres. Elle est férrée assez lourd. D’ailleurs, je lui mets la même ferrure que son père Ready Cash des plaques avec des alus stars devant et elle est déférrée derrière ». Durant l’été de ses 3 ans, Avila devait signer une deuxième victoire classique dans le Prix de l’Étoile où, après un premier kilomètre relativement lent (les chevaux du second échelon ayant rejoint les 3 ans en plaine), elle repartit à la fin pour gagner sûrement devant Anastasia Fella et Atlas de Joudes (1’14’’7 - 2 150m. - GP). Elle était drivée, comme d’habitude, par son entraîneur et copropriétaire Thierry Duvaldestin. Malheureusement, ce devait être un peu son chant du cygne… Car, l’hiver suivant, elle ne put montrer son vrai visage (disqualifiée dans le Critérium des 3 Ans) et entra au haras à 4 ans. Thierry Duvaldestin explique : « Elle était moins bien durant l’hiver de 3 à 4 ans. Aussi a-t-on voulu la préserver en vue de sa carrière de poulinière, la faisant entrer tôt au haras ». Aujourd’hui, elle a déjà produit Fortaleza d’Aurcy, une femelle bai par Coktail Jet, Goldavilla, femelle alezane par Love You, et surtout Havana d'Aurcy (Royal Dream), récente lauréate du Critérium des Jeunes.
Avila provient de la première année de monte du grand étalon Ready Cash (Prix d’Amérique x 2, de France, de Paris, Critérium des Jeunes et des 3 Ans), tout comme Axelle Dark 1‘11’’, Altesse du Mirel 1’11’’, Arlington Dream 1’12’’, Atlas de Joudes 1’12’’, Alto de Viette 1’12’’, etc. On ne reviendra pas sur la suite de sa production, connue de tous, avec en chefs de file Bold Eagle 1’10’’, Readly Express 1'08'' et Face Time Bourbon 1'10', tous trois vainqueurs du Grand Prix d’Amérique. Au passage, on rappelera qu’Avila, comme Bold Eagle, possède un inbreding sur Workaholic 1’11’’ (4x2) contre 4x3 à son cadet. Pour ce qui est de la précocité et de la vitesse, cela peut aider…
Un cas unique
En tout cas, Encombevineuse (morte à 24 ans durant l’été 2016) est à ce jour un cas unique, en étant la seule jument du stud-book français à avoir produit trois vainqueurs différents de Critériums classiques (sauf oubli de notre part), avec trois étalons différents qui plus est. Elle a donc fait mieux par exemple que des poulinières réputées ayant engendré deux vainqueurs de Critériums, notamment les Arlette III 1’22’’, d’où Kerjacques (Critérium des 5 Ans) et Seddouk (Critérium Continental), Ua Uka 1’26’’, d’où Fakir du Vivier (Critériums des 3 et 4 Ans et Continental), et Hadol du Vivier (Critériums des 3 et 4 Ans et Continental), Tornade IV 1’20’’, d’où Mon Tourbillon (Critérium Continental), et Feinte (Critérium des 5 Ans), Neresse 1’20’’, d’où Fleuron Perrine 1’13’’ (Critériums des 3, 4 et 5 Ans) et Hermès Perrine 1’14’’ (Critérium des 4 Ans), ou Nesmile 1’19’’, d’où Buvetier d’Aunou (Critériums des 3 et 4 Ans) et Défi d’Aunou (Critériums des 4 et 5 Ans). Cela précisé en notant simplement le nombre de gagnants de Critériums produits par chaque jument et non en cherchant à comparer la qualité de leurs productions complétes et de leur impact dans notre studbook. On peut aussi remarquer qu’Encombevineuse n’a pratiquement donné que des trotteurs avec des étalons différents. Parmi ses autres produits de qualité, on citera Very Well Jet 1’13’’ (mâle de Love You), bon lauréat à Vincennes et Enghien, aujourd’hui étalon, dont Jean-Étienne Dubois, qui l’entraîna, dit qu'il « était aussi bon que Kinder Jet mais moins précoce. Il a, par ailleurs, connu des petits problèmes de santé qui l’ont empêché de faire une autre carrière ». Mathieu Mottier qui l’a exploité en fin de carrière (gagnant avec lui) confirme : « Il était très brave, vite. C’était d'ailleurs plus un cheval de vitesse. Mais il a été souvent malade et a dû arrêter sa carrière ». Ulzhane 1’13’’ (femelle d’Offshore Dream) fit aussi honneur à Encombevineuse en compétition, gagnant à Vincennes à 4 ans notamment. Son entraîneur Alexandre Buisson rappelle : « C’est une belle jument avec du cadre, une jument de classe qui vit sa carrière perturbée par des ennuis de santé. J’ai entraîné aussi sa soeur utérine Soraya (Ganymède) en fin de carrière. Elle était plus petite, trappue et a peu couru (neuf fois) ». C'est le cas aussi de Busy Bee Jet 1’17’’ (femelle de Quaker Jet), gagnante d’une course à Cabourg en sept sorties, au sujet de laquelle Jean-Étienne Dubois rappelle : « Elle était précoce mais très fragile, sujette aux coups de sang, pas facile à exploiter à cause de tous ses ennuis de santé ».
Propriétaire et éleveur d’Ulzhane, Serge Bernereau précise : « Avec Pierre Pilarski, je partage la propriété d’Emotion, une très belle fille de Prodigious et Encombevineuse. On peut aussi ajouter qu’Encombevineuse a produit Master Jet, un mâle de Ganymède qui s’annonçait bon chez Jean-Étienne Dubois avant de devoir arrêter sa carrière après voir gagné à 3 et 4 ans, et Luchadora, un fille de Dahir de Prélong qui gagna à 3 ans avant de mourir prématurement à cet âge ». La roue continue donc de tourner et il faudra désormais attendre quelques années pour savoir si Encombevineuse aura continué de tracer au haras au travers de ses descendants.
Par Jacques Pauc
Merci pour ce message de la part de : ivct, iroisebleue, nezan, boheme, TorontoPat
Dernière édition: 28 Avr 2020 10:30 par joyeuxrire.
28 Avr 2020 10:26 #3
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Réponse de joyeuxrire sur le sujet Trot Infos saga : reine du stud-book

ELEVAGE
Trot Infos saga : Ua Uka et le label du Vivier

Si elle ne fut pas de pointure classique sur les hippodromes, Ua Uka doit être considérée comme une matrone hors-série qui a marqué durablement le stud-book par ses descendants. L’influence de Ua Uka continue donc de se faire sentir aujourd’hui encore.


Fille du grand étalon Kerjacques 1’19’’ (Quinio-Arlette III), Ua Uka naquit en 1964 chez Henri Trillot dans le Maine-et-Loire. Loin de valoir Une de Mai en compétition, autre fille de Kerjacques devenue championne du monde des trotteurs, Ua Uka devait la surpasser au haras ainsi que toutes ses autres demi-soeurs. Ua Uka fut achetée jeune par Pierre-Désiré Allaire qui, toutefois, ne devait pas la conserver longtemps. Il raconte : « Je l’avais achetée pouliche à M. Trillot qui ne voulait pas d’ailleurs la vendre au départ. J’aimais et je recherchais alors les produits de Kerjacques, ayant déjà acheté Toscan et Talisca auparavant. Ua Uka était une petite pouliche alezane d’environ 1,57-1,58 m. Elle avait une belle tête, de beaux tissus. On aurait dit une anglo-arabe. Oui, elle était un peu faite comme cela. Elle avait un corps musclé, avec des jambes fines, des petites allures qu’elle répétait ».
Si Kerjacques avait déjà produit Ruy Blas IV 1’15’’, Rose d’Aubier 1’19’’ ou Toscan 1’15’’, qui s’annonçait comme un crack à 2 ans chez Pierre-Désiré Allaire, celui-ci savait aussi que l’origine maternelle de Flicka (Ibarra-Va Sylva) était vraisemblablement fausse. En effet, M. Buquet, son ami, ayant été un moment l’étalonnier du grand sire Kairos, lui avait confié avoir dépassé le nombre de saillies autorisées à l’époque pour cet étalon et utilisé une carte du cheval (que lui avait donné le propriétaire de Kairos) avec une belle jument alezane qu’il venait d’acheter. La pouliche de cette union clandestine naquit donc sans papiers et courut plus tard sous l’identité de Flicka. À cette époque, les prises de sang n’existaient pas et il y avait déjà eu des cas célèbres de fausses origines (voir la mère d’Intermède qui était par Phaëton et non Echo, ou Quiroga II ou Quiproquo II, fils de l’américain Calumet Delco et non de Gael). Or, Kairos était un grand étalon avant de devenir un remarquable père de mères. Comme Kerjacques fut un chef de race et un excellent père de poulinières.
Car si, en production direct, on lui est redevable des Toscan 1’15’’ (Prix d’Amérique, Critériums des Jeunes, des 3 et 4 Ans), Une de Mai 1’13’’ (Critérium des 3 Ans, Championnat du Monde x 2), Cette Histoire 1’17’’ (Prix de Cornulier), Eléazar 1’13’’ (Prix d’Amérique, de France, Elitloppet), Jorky 1’13’’ (Critériums des 3, 4 et 5 Ans, Elitloppet), etc., Kerjacques devint aussi le père de mères de Minou du Donjon 1’11’’, Elpenor 1’19’’(monté), King Black 1’16’’, Indiscret d’Ax 1’18’’, Olaf de Brion 1’14’’, As du Clos 1’14’’, Turquetil 1’14’’, Quellou 1’12’’, Arcadia 1’14’’, etc., sans oublier bien sûr les Fakir du Vivier 1’14’’, Hadol du Vivier 1’13’’ et Jet du Vivier 1’18’’ dont nous allons parler ci-après.
Sujets aux coups de sang, les produits de Kerjacques étaient justement réputés pour leur grand courage à la lutte. Mais Pierre-Désiré Allaire estime : « Peut-être étaient-ils raidillards de notre faute. Car, si ses descendants avaient été entraînés en heats comme aujourd’hui, cela leur aurait été vraisemblablement bénéfique. En tout cas, Kerjacques était un bon cheval, que j’ai vu battre au travail de sacrés trotteurs au Tremblay. Il faut dire que lui venait de Joinville-le-Pont par la route en étant attelé et les autres en camion. En fin de compte c’était comme s’il avait déjà fait un échauffement avant de travailler ! ».
Jean Yves Lécuyer, lui, se souvient : « Kerjacques n’était pas très grand et n’avait pas de bons pieds. Il moulinait en trottant, n’ayant pas de grandes allures et trottait un peu du genou. Oui, il trottait économique ». Et Roger Baudron de rappeller : « Kerjacques avait de mauvais pieds et courait avec des fers à planche. Mais, il avait de la vitesse et un gros pouvoir d’accélération ».
Quant à Ua Uka qu’il entraîna, Jean-Yves Lécuyer en dit : « Elle n’était pas grande, devant mesurer un "petit" 1,60 m., soit 1,58-1,59 m. à l’âge adulte. Elle était très distinguée, musclée, avec beaucoup d’influx nerveux, bien faite mais pas très forte, avec de belles allures, ni grandes, ni petites. Au box, elle était gentille ».
Flicka 1’25’’ (femelle bai), mère d’Ua Uka, avait fait une carrière de courses honorable avant de bien produire. En effet, elle gagna en province à 3 ans, se plaçant troisième à Vincennes et Enghien. À 4 ans, elle courut à réclamer (3ème à Vincennes). Henri Trillot l’achetant alors. Pour lui, elle remporta onze courses (attelé-monté) en province dont le Grand Prix des Sulkies à Craon. Puis, elle entra au haras après avoir pris deux places et couru cinq fois non placée à Vincennes à 5 ans.
Outre Ua Uka, Flicka devait donner quatre femelles, dont Mataia 1’21’’ (Feu Follet X), deux fois gagnante à 2 ans, lauréate à Vincennes à 3 ans (mère d’Aladin IV 1’19’’ gagnant à Vincennes en amateurs à 6 ans et vainqueur en province de 4 à 7 ans), Ophélia II 1’21’’ (Atus II), lauréate à Vincennes à 4 ans (sept victoires à cet âge) et Quam Potest 1’20’’(5) (Feu Follet X), gagnante en province à 2 et 3 ans. Plus tard, Ophélia II 1’21’’ donna jour à Dianthus 1’18’’ (bon gagnant à Vincennes), devenu le père des classiques Malouin 1’16’’ (Prix de Paris, 3ème du Critérium des 4 Ans) et Ruanito d’Arc 1’14’’ (Critérium des Jeunes, des 4 Ans, 2ème du Critérium des 3 Ans). Ophélia II produisit aussi la bonne lauréate à Paris Banialouka 1’17’’ (Pacha Grandchamp), lauréate du Prix de New York à deux reprises, qui engendra Ludhiana 1’18’’ (gagnante à Vincennes à 4, 5, 6 et 7 ans), Origan Noir 1’14’’ (gagnant à Vincennes, 2ème du Prix de la Société des Steeple-Chases de France), Pontianak 1’18’’ (4 victoires à 4 ans - vainqueur à Vincennes à 4, 5 et 7 ans) et Ubis Royal 1’14’’ (gagnant à Vincennes, 4ème du Prix Jamin).
Flicka 1’25’’, elle, devait également produire six mâles, le meilleur étant Périclès II 1’18’’ (Volontaire), lauréat de nombreuses courses à Vincennes et à Enghien et en province de 3 à 7 ans, outre Nemo II 1’22’’(Atus II), vainqueur en province à 4, 5 et 6 ans et 2ème à Vincennes, Rusticanus 1’25'' (Gutemberg A), lauréat en province à 4 ans, Septimus (Hermès D), qui a couru deux fois sans succès à 3 ans, Takéon 1’24’’(m) (Kerjacques), gagnant à Enghien (monté) à 4 ans (« un énorme cheval qui était le contraire de sa propre soeur, Ua Uka, petite et "cobée" », dira Pierre-Désiré Allaire), et Alto VI 1’22’’ (Narvick DJ), gagnant en province.
Ua Uka en compétition
Pierre-Désiré Allaire ayant vendu Ua Uka à Mme Jean-Pierre Delarue, la pouliche courut (non placée deux fois à 2 ans en province) pour elle sous l’entraînement de Jean-Yves Lécuyer, celui-ci devant l’acquérir à 3 ans. À cet âge, Ua Uka fut présentée uniquement au monté, s’imposant à une seule reprise (le 13 février 1967) à Vincennes sous la selle de Louis Hanse (1’26’’9 - 2 275 m. - GP). Puis, elle se classa une autre fois quatrième à Vincennes à 3 ans (2 625 m. - GP), terminant onze fois non placée à cet âge et mettant un terme à sa carrière de course le 8 avril de ses 4 ans (non placée en province). Jean-Yves Lécuyer explique : « Avec Ua Uka, on n’y arrivait pas. Elle était très nerveuse. Louis Hanse qui la montait avait dit : "Elle trotte mais elle est compliquée". La travailler à l’attelage était un peu comme conduire une Mercedes avec des pneus lisses sur la neige avec la direction dévissée ! Je n’ai donc pas hésité à la faire saillir jeune. Elle était trotteuse cela dit, pas ambleuse, ni steppeuse. Elle courait avec quatre petits fers, n’ayant pas besoin de poids ».
Très souvent en course, Ua Uka partait au galop, perdant un terrain considérable. Voir notamment le jour de sa victoire à Vincennes où Alain Roussel se souvient : « À cette occasion, Ua Uka n’avait perdu que soixante-dix mètres au départ, alors qu’elle perdait cent à cent cinquante d’habitude. Je m’en rappelle bien, car j’avais Unxia dans la course qui s’était classée deuxième derrière elle ».
Ua Uka devait donner jour d’entrée à une femelle de Quarzou qui mourut assez jeune, sans courir, puis à Eva du Vivier (femelle alezane de Prince des Veys) qui « était une jolie jument, plus grande que sa mère, mais ne put être entraînée, car elle avait eu le voile du palais distendu ». Mais, son troisième produit (et premier mâle) se nommait Fakir du Vivier (Sabi Pas). L’histoire était en marche. De Fakir du Vivier foal, Jean-Yves Lécuyer dira qu’il « était un petit poulain bai, plat, avec l’encolure fausse ». Son père, Sabi Pas 1’17’’ (Carioca II-Infante II, par Hernani III et Sa Bourbonnaise), qui a terminé 2ème du Critérium des 5 Ans (à un nez de Seigneur) et 2ème du Prix de Sélection, était un grand cheval bai brun. Jean-Yves Lécuyer l’avait choisi pour Ua Uka, car « la jument était tellement difficile que j’ai pris ce cheval froid, très facile, avec un grand papier. Il rassemblait donc le tempérament et le physique fait pour elle ».
Fakir du Vivier : « un phénomène »
Bien lui en a pris, car Fakir du Vivier montra vite beaucoup de vitesse. Ainsi, un jour que le journaliste Pierre Massieu avait été chez Jean-Yves Lécuyer, celui-ci lui montra Fakir du Vivier au box, lui disant qu’il s’annonçait bon. Pierre Massieu racontera plus tard : « Je vis un petit cheval plat, pas impressionnant du tout dans son box. Mais, juste après sur la piste à l’exercice, il allait déjà vraiment très vite ». Un peu plus tard, Jean-Yves Lécuyer fit qualifier Fakir du Vivier par Michel Roussel à Argentan. À ce sujet, il rappelle : « On avait le droit à l’époque de passer le poteau au galop à la qualification. Et c’est ce qui arriva ! "Fakir" se qualifia facilement, mais il prit le galop juste sur le poteau ».
Fakir du Vivier avait 2 ans et devait débuter victorieusement en octobre à Carentan, avec Jean-Yves Lécuyer à son sulky. Après un échec à Vincennes (le 7 décembre), ils gagnèrent sur cette piste le 19 décembre 1977 (1’24’’9 - 1 850 m.- PP - autostart), dominant à la fin après avoir attendu. Le deuxième se nommait Fimbria et appartenait à Pierre-Désiré Allaire, lequel raconte : « Fimbria était un cheval moyen, mais Fakir du Vivier m’avait impressionné. Le soir même, en rentrant chez moi à Joinville-le-Pont, j’avais dit à mon épouse : "Je vais acheter Fakir du Vivier". Jean-Yves Lécuyer venait assez souvent chez moi en effet, et le lendemain, je lui avais acheté le poulain, cher, croyez-moi. Je connaissais sa mère pour l’avoir eu au début à l’entraînement et j’aimais la descendance de Kerjacques. Fakir du Vivier répétait beaucoup ses battues comme Ua Uka et comme beaucoup de "Kerjacques" à l’époque. Il moulinait. Il me plaisait, Pourtant, il était tout petit à 2 ans (1,54 m. environ) et, dans les grands boxes de mon établissement de Joinville, on avait du mal à le voir dans la paille ! Il ne pouvait même pas passer sa tête par-dessus la porte de son box. Très vite, au travail, il montra de grands moyens. Il était très trotteur, pas ambleur et allait sans poids. Songez qu’au début de son année de 3 ans, il battait au travail à Vincennes sur une pointe mon pensionnaire Chablis, un des meilleurs chevaux du moment (N.D.L.R. : vainqueur du Prix de l’Atlantique). C’était un phénomène. Mais "Fakir" était très nerveux, comme souvent les grands chevaux, et je passais des heures à le sortir attelé en marchant à ses côtés. Son point faible fut ses pieds, des petits pieds. C’était un peu le défaut de cette famille ».
Fakir du Vivier devait vite regagner à Vincennes et s’affirmer comme le numéro un de sa génération, remportant le Critérium des 3 Ans, puis le Critérium des 4 Ans, le Prix d’Europe à Milan et le Critérium Continental avec Michel Gougeon, qui, impressionné par sa vitesse, disait en plaisantant : « Celui qui attacherait son sandwich à la queue de Fakir du Vivier n’est pas près de manger tous les jours ! ». Parmi ses plus grandes courses, notons sa victoire devant ses aînés, Bellino II et Equiléo, dans le Championnat Européen à Vincennes (ex-Prix René Ballière) et ses places dans le Prix d’Amérique (2ème de son compagnon d’écurie, Grandpré, en 1978, 3ème de High Echelon et Idéal du Gazeau en 1979). À 5 ans, il rendit aussi… cinquante mètres aux meilleurs de sa promotion (dont Feinte et Feu Violet) dans le Prix Jean Le Gonidec à Vincennes (2 600 m. - GP) et gagna le Prix de Sélection devant Eléazar. Cela dit, Fakir du Vivier 1’14’’ garda jusqu’au bout une certaine susceptibilité et rata quelques sorties. Mais, dans ses grands jours, il réussit des exploits étonnants, comme en janvier 1978, où, dans le Prix du Béarn (ex-Prix de Belgique), il traversa littéralement le peloton dans la montée de Vincennes, surclassant Ejakval et Grandpré leur rendant 25 mètres (2 600 m. - GP). Michel Gougeon, qui le driva le plus souvent, disait régulièrement : « Avec lui, il ne fallait pas bouger avant la plaine. On était un peu sur du verglas avant. Mais il possédait une vitesse digne des plus grands champions et on pouvait attaquer de loin, en montant. Il était dur ». À ce sujet, Pierre-Désiré Allaire soulignera : « Avec "Fakir", je faisais des kilomètres au travail, des heats, je le travaillais dur. Lui et Toscan sont les chevaux que j’ai entraînés le plus durement. Michel Gougeon s’en servait bien, il avait une très bonne main. Lui et son frère, Jean-René, étaient deux grands professionnels. Jean-René n’aimait que les filets brisés, alors que Michel préférait les mors droits. Il mettait les chevaux aux ordres ».
La production de Fakir du Vivier (devenu tête de liste des étalons, puis des pères de mères) est bien connue, de Vourasie 1’12’’ (Prix de France, de Paris x 3, 2ème du Prix d’Amérique x 2 fois) à Dahir de Prélong 1’13’’ (Prix de Sélection, 2ème des Critériums des 3 et 4 Ans) en passant par Rainbow Runner 1’13’’ (Critérium des 3 Ans, 2ème du Critérium des 4 Ans), Ukir de Jemma 1’13’’ (2ème du Prix d’Amérique, 3ème du Critérium des 4 Ans) ou Arnaqueur 1’13’’ (Prix d’Europe, 3ème du Prix d’Amérique). Fakir du Vivier peut également s’enorgueillir d’être le grand-père maternel du champion suédois Victory Tilly 1’08’’7 (Elitloppet, Nat Ray), de Don Paulo 1’13’’, Full Account 1’13’’, Idéal de l’Iton 1’12’’, Quarry Bay 1’11’’(m), etc.
Aujourd’hui, on le retrouve dans les pedigrees de beaucoup de chevaux de tête, surtout par son petit-fils Coktail Jet 1’10’’ (Quouky Williams), lauréat du Prix d’Amérique, de l’Elitloppet, du Critérium des 5 Ans, sept fois tête de liste des étalons, père lui-même de Love You 1’10’’ (Critérium Continental) ayant été également tête de liste des étalons à plusieurs reprises.
Hadol du Vivier : « une allure rasante fabuleuse »
Après Fakir du Vivier, son troisième rejeton, Ua Uka fut présentée à Mitsouko 1’22’’ (Quiroga II) par Jean-Yves Lécuyer. Il explique ce croisement : « Là encore, vu la nervosité de la jument, j’ai recherché pour elle un cheval calme, pas fautif. Or, Mitsouko était très calme et produisait facile même s’il avait un modèle assez commun. En plus, je savais qu’il descendait en lignée mâle directe de l’américain Calumet Delco et non de Gael, comme il était indiqué officiellement ». Mitsouko avait été bon jeune, remportant à 2 ans le Prix Cavey Ainé même s’il courut à réclamer sur le tard. Il devint un étalon correct car, outre Hadol du Vivier 1'13’’, il engendra aussi le champion Casdar 1’15’’ (Critérium des 4 Ans, 3ème du Prix d’Amérique), Major de Brion 1’14’’ (4ème du Prix d’Amérique), Detos 1’18’’ (Critérium des Jeunes), etc. Mitsouko produisit également Grillon du Vivier 1’18’’, le frère ainé d’Hadol du Vivier. Or, si Grillon du Vivier n’atteignit pas le niveau de son frère, il fut un trotteur de qualité sous l’entraînement de Jean-Yves Lécuyer. « Grillon du Vivier était très bon et avait beaucoup de tenue, juge-t-il, mais il était plus difficile qu’Hadol du Vivier. Aussi l’avais-je fait castrer assez jeune et je le courais avec une petite TSF. Il a gagné à Vincennes dans de bons lots. Je me souviens d’ailleurs avoir battu dans un tiercé Grande Source, menée par Gerhard Kruger. Sur le tard, je l’avais vendu au Canada où il réussit une belle carrière. »
Cinquième produit de Ua Uka donc, Hadol du Vivier avait été acheté foal par Henri Levesque à Jean-Yves Lécuyer. « Il était venu chez moi pour m’acheter une poulinière, une fille de Quadia me semble-t-il. Hadol du Vivier était là, sous la mère, dans mes champs et je lui ai vendu dans un lot. Hadol du Vivier était plus rond que son frère, Fakir du Vivier. Il trottait bien derrière sa mère, était plaisant. Maintenant, beaucoup de poulains trottent bien à cet âge. »
Cela dit, Hadol du Vivier avait tapé dans l’oeil de ce grand homme de cheval que fut Henri Levesque. Et son fils, Henry-Louis Levesque, précise : « On avait reçu Hadol du Vivier au sevrage. Il était adorable et ne savait que trotter. Mon père allait souvent le voir dans les champs et il était époustouflé de le voir trotter ainsi. Mais, au début à l’entraînement, Hadol du Vivier ne pensait qu’à foncer. Il tirait, il s’usait. À l’époque, l’interval-training n’était pas utilisé et cheval n’a sans doute pas eu le coeur fabriqué comme il aurait fallu ». Hadol du Vivier entama sa carrière de courses par trois succès à Vincennes au début de sa troisième année avec Gerhard Kruger (qui lui mettait un lasso en chaîne) et fit vite figure de phénomène de vitesse. S’il n’avait été battu dans le Prix Kalmia (il revint finir fort 2ème après une grosse faute au départ où il fut gêné), il se serait présenté invaincu dans le Prix d’Amérique 1978 ! Entre temps, il avait dominé de loin ceux de sa génération, remportant les Critériums des 3 et 4 Ans, le Critérium Continental, le Prix d’Europe à Milan, mais aussi les Prix de l’Étoile (devant Girl Blanche et Grandpré), de Sélection avec Jean-René Gougeon. S’il rata sa course à 5 ans dans le Prix d’Amérique (4ème de Grandpré, Fakir du Vivier et Eléazar) où il ne se présenta pas au top, car il avait toussé dans la semaine, il sut plus tard gagner encore l’Elitloppet, les Prix de France et de l’Atlantique (devant Grandpré et Eléazar). Toutefois, après sa défaite dans le Prix d’Amérique, il ne fut plus tout à fait le même, connaissant des problèmes pulmonaires.
Henri Levesque estimait beaucoup Hadol du Vivier et dira même : « C’est le meilleur trotteur que j’ai eu de ma vie. Il a un "dribble", un jeu de jambes exceptionnel. Regardez-le trotter, il est léger comme un papillon ». Jean-René Gougeon, son driver, portait lui aussi une grande estime à Hadol du Vivier : « Il avait une allure rasante fabuleuse. C’est le cheval le plus vite que j’ai mené sur une pointe ». Or, on sait que Jean-René Gougeon (huit Prix d’Amérique) fut le partenaire d’Ourasi, Une de Mai, Bellino II ou Roquépine !
Mais, on trouvait chez Hadol du Vivier (ayant déçu au haras), comme chez Fakir du Vivier, « ce jeu de jambes hors du commun que n’avaient pas les autres. C’était la marque des bons produits d'Ua Uka », répète souvent Jean-Yves Lécuyer.
De Jet du Vivier à… Roxane Griff
Si Fakir du Vivier et Hadol du Vivier furent sans contexte les meilleurs produits d’Ua Uka, on doit aussi citer Jet du Vivier 1’18’’ et Qlorest du Vivier 1’17’’ dans sa production, de même que ses petits-fils, Kronos du Vivier 1’18’’(m), Nicos du Vivier 1’18’’(m) et Cèdre du Vivier 1’13’’, sans oublier beaucoup d’autres de ses descendants directs en lignée maternelle, les Joyau d’Amour, Roxane Griff, Ustinof du Vivier, etc. Sans avoir la classe pure de son propre frère, Fakir du Vivier, Jet du Vivier 1’18’’ (Sabi Pas) fit une honorable carrière de courses, gagnant à Vincennes avec Jean-Yves Lécuyer. « C’était un bon et brave cheval, facile, agréable, mais qui n’avait pas de bons pieds, fait remarquer ce dernier. Il manquait un peu de tenue. Or, il a produit des chevaux de tenue ! »
Au haras, Jet du Vivier allait faire beaucoup mieux qu’en compétition, devenant tête de liste des étalons, puis des pères de mères comme son frère, Fakir du Vivier ! Il produisit ainsi le champion Insert Gédé 1’12’’ (Prix de Paris, 2ème et 3ème du Prix d’Amérique), mais aussi Ingen 1’11’’, Bassano 1’14’’, Quoglaise 1’16’’, Rastel Bihan 1’13’’, Hirosaka 1’13’’, Jaminska 1'12’’, Chaillot 1’13’’, etc. Il est le père de mères de Scipion du Goutier 1’11’’ (Prix de Vincennes et du Président de la République), Scoop d’Yvel 1’11’’ (Critérium des 5 Ans), Paola de Lou 1’10’’(m) (2ème du Prix de Cornulier), etc.
Dernier rejeton d’Ua Uka, Qlorest du Vivier 1’17’’ (Florestan), lui, gagna à Vincennes et à Enghien, avec son entraîneur, Jean-Claude Hallais, qui l'avait fait acheter lors d’une vente de yearlings. « Il était minuscule et ne devait pas mesurer plus de 1,52 m. ! Mais, c’était un cheval fier, très dur, qui a bien produit ensuite ». Qlorest du Vivier donna, il est vrai, Echo 1’11’’ qui fut battu d’un rien dans le Prix d’Amérique par Dryade des Bois et remporta le Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur (devant General November et Moni Maker). Qlorest du Vivier devint aussi le père de mère de la championne Pearl Queen 1’11’’ (Critérium des Jeunes et des 3 Ans, Prix de l’Étoile et de Sélection).
Ua Uka a produit également If du Vivier (Ura), « un alezan énorme, avec de mauvais jarrets, pas bon » dixit Pierre-Désiré Allaire qui l’avait acheté jeune. Elle donna deux autres mâles vainqueurs à Paris (parmi ses douze rejetons), Nisko du Vivier 1’18’’ (Mitsouko), « un cheval très peureux, souvent fautif au départ » selon Alain Roussel qui l’entraîna et Ok du Vivier 1’17’’(Mitsouko). Mais, surtout, ses filles ont su la continuer. Parmi elles, Eva du Vivier (Prince des Veys) et Maja du Vivier 1’23’’(m) (Mitsouko), « une alezane, celle qui ressemblait le plus à Ua Uka. En course, elle avait "bricolé" (N.D.L.R. : gagnante en province, 2ème à Vincennes au monté) », dira Jean-Yves Lécuyer. Maja du Vivier devait d’abord donner Taja du Vivier 1’16’’ (Hymour), mère de Joyau d’Amour 1’11’’ (Prix de Cornulier) et grand-mère de Laura d’Amour 1’11’’. Mais Maja du Vivier produira ensuite Butin du Vivier 1’19’’(m) (Lutin d’Isigny) (Prix Hémine), Mah Jong du Vivier 1’11’’(a) 1’12’’(m) (And Arifant), gagnant de près de 500 000 €, et le meilleur de tous Cèdre du Vivier 1’13’’(Hêtre Vert) (Prix Marcel Laurent et de Croix, 2ème du Critérium des 4 Ans en étant battu d’un nez, 2ème du Prix de Paris, 4ème du Prix d’Amérique à 5 ans derrière Ina Scot, Vourasie et Abo Volo). « Cèdre du Vivier s’était fait poursuivre par des chiens dans les champs quand il était yearling. Il s’était abimé les boulets et a connu des ennuis de santé toute sa carrière », rappelle son propriétaire-éleveur, alors que son driver, Jean-Pierre Thomain, explique : « C’était un cheval facile, qui était dur et avait beaucoup de tenue. Il valait d’ailleurs mieux durcir la course avec lui, aller devant. Il fut handicapé par un problème à la rotule durant sa carrière ». Comme étalon, Cèdre du Vivier déçut même s’il produisit Jirella 1’13’’(m) (Prix de Normandie et des Élites) ou Taormina d’Em 1’13’’ (4àme du Prix de Paris) avant de devenir un père de mères honorable, avec les Ustinof du Vivier 1’11’’ (Prix de l’Union Européenne), Uaukir 1’12’' (Critérium des Jeunes), Vaquero du Mont 1’12’’ (3ème du Prix du Président de la République), etc.
Dans une autre branche, parmi les descendants d’Eva du Vivier, on doit citer ses petits-fils Kronos du Vivier 1’18''(m) (Sabi Pas) et Nicos du Vivier 1’18’’(m), qui se distinguèrent sous la selle au haut niveau, le premier se classant deuxième du Prix de Cornulier de Kaiser Trot à 5 ans. « C’était un cheval fougueux, mais pas peureux comme Nicos du Vivier (1er Prix Jacques Olry). Il avait beaucoup de tenue. "Nicos", lui, avait un gros moteur et de la tenue, mais était "voyant" », dira leur jockey, Jean-Pierre Thomain.
Plus tard, Kronos du Vivier engendra Vivier de Montfort 1’14’’ (Prix du Président de la République et de Paris, Criterium des 5 Ans), père du classique et bon étalon Jasmin de Flore 1’13'' (Critériums des 4 et 5 Ans), et Nicos du Vivier devint le grand-père maternel de Jag de Bellouet 1’09’’ (Prix d’Amérique) et Jeanbat du Vivier 1’10’’. Aujourd’hui, Jean-Yves Lécuyer estime beaucoup une petite-fille d’Eva du Vivier nommée Idea du Vivier 1’16’’(m) (Tarass Boulba), quatre fois lauréate à Vincennes au monté : « C’est ma "petite" Ua Uka . Elle ne donne pratiquement que des chevaux de classe, les Roxane du Vivier 1’14''(m) (2ème Prix de Normandie), Tigresse du Vivier 1’11’’(m) (Prix Hervé Céran Maillard), Vulcain du Vivier 1’12''(m) (Prix Xavier de Saint Palais) ». Enfin, une autre fille d’Eva du Vivier, Tobole du Vivier 1’23’’ (Buffet II), qui « trottait très bien », est devenue l’arrière-grand-mère de la championne d’une grande dureté, « signée Kerjacques » dans son modèle, Roxane Griff 1’10’’ (Prix de Cornulier x 2, Prix d’Europe x 2, Prix de Paris, 2ème Prix d’Amérique). « Bien qualifiée à 3 ans, Roxane Griff avait franchi un palier à 4 ans et n’a cessé de briller jusqu’à 10 ans. Elle tient sans doute plus du côté Tenor de Baune de son origine que de sa mère qui était moyenne », explique Mme Bertrand, sa propriétaire-éleveur.
On le voit le nom d’Ua Uka n’est pas près de disparaître du stud-book. Jean-Yves Lécuyer peut conclure : « Je crois pourtant plus à l’étalon qu’à la jument en génétique. Car un grand étalon fait souvent de bons chevaux avec des juments très moyennes, alors qu’un mauvais étalon ne produit pas même en saillissant d’excellentes juments (voir entre autres Jamin, Toscan, Tidalium Pélo ou Tabriz tous des champions devenus des échecs au haras). Mais une poulinière comme Ua Uka qui a su tracer depuis cinquante ans, aussi bien par ses fils que par ses filles, est vraiment exceptionnelle. C’est la poulinière du siècle.»
Par Jacques Pauc
Merci pour ce message de la part de : iroisebleue, UaUka1, boheme, TorontoPat
28 Avr 2020 10:32 #4
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Réponse de joyeuxrire sur le sujet Trot Infos saga : reine du stud-book

ELEVAGE
Trot Infos saga : Sa Bourbonnaise, la petite grande dame du Trot Français

Sa Bourbonnaise aura réussi l’exploit d’être aussi performante sur les hippodromes qu’au haras. Petite par la taille (1,55 mètre), elle devint une grande matrone qui a donné pas moins de cinq trotteurs parmi les meilleurs de leur génération.


Sa Bourbonnaise naquit en 1940 chez Marius Malot dans l’Allier, qui n’est pas vraiment la région la plus réputée pour l’élevage des trotteurs. Elle était le deuxième produit de Beresina II 1’29’’ (par Nenni 1’27’’), une gagnante en province qui engendra seulement quatre femelles, dont Veilleuse Bourbonnaise (d’où Gars Bourbonnais 1’21’’, honorable vainqueur).
Même en examinant sa lignée maternelle un peu plus avant, on ne peut pas dire que l’on est en présence d’une souche de grands vainqueurs, Sa Bourbonnaise 1’23’’ ressortant nettement du lot. Il faut en effet remonter à sa cinquième mère, Gloriette (née en 1884), mère de quatre étalons, pour trouver de la qualité. De son côté, Karoly II 1’24’’, père de Sa Bourbonnaise, montra de la qualité, en remportant les Prix Jacques de Vaulogé et Charles Tiercelin à l’attelage et terminant aussi cinquième du Critérium des 4 Ans (de Kozyr) après avoir fini troisième au monté derrière Karnac dans le Prix de Vincennes. Il participa également sans succès au Prix d’Amérique 1936.
Mort après cinq ans de monte, Karoly II était bien né, car issu de Trianon 1’24’’ qui était un fils du grand étalon Intermède 1’26’’et de la bonne reproductrice Braila 1’30’’. Celle-ci donna aussi le jour à Jakow 1’24’’ et à Riga 1’24’’ (Critérium des 3 Ans) outre Cartacalla 1’32’’ (mère de Jocrisse 1’20’’, 3ème du Prix d’Amérique). Braila était elle-même une soeur de l’excellente poulinière Tradition 1’28’’ (d’où Quel Veinard 1’24’’, bon étalon exporté aux États-Unis, Messidor 1’18’’, lauréat du Prix des Matadors et exporté en Allemagne, etc.) de qui descend le champion Tony M 1’15’’(Prix René Ballière, de France et de Paris, 2ème x 3 du Prix d’Amérique). De cette souche maternelle (Plume au Vent) provient aussi le crack Bellino II 1’13’’ (Prix d’Amérique x 3, Prix de Cornulier x 3).
Un coup de quatre unique.
Sa Bourbonnaise était une petite jument (1,55 mètre environ) qui débuta sa carrière le 13 juin de ses 3 ans sous les couleurs de Paul Périchon. Susceptible au départ, elle montra néanmoins vite de la classe. Paul Périchon avait d’ailleurs confié à Jean-Pierre Dubois qu’à 2 ans il avait essayé Sa Bourbonnaise en 1’28’’ sur un kilomètre sur la piste en herbe de Moulins, alors qu’à l’époque les 2 ans étaient en 1’40’’. Aimé Gauvin, qui a bien connu Paul Périchon, rappelle : « C’était un type formidable, une "pointure". Il était marchand de bestiaux et avait fait fortune en s’occupant d’emmener et de vendre les vaches des châtelains du pays dans les foires et il y avait beaucoup de châtelains dans le Centre… Mais il entraînait et drivait aussi ses chevaux, notamment Sa Bourbonnaise qu’il avait achetée pouliche dans l’Allier. Il a toujours eu de bons chevaux, voir New Hat vers la fin ».
Au sujet de l’achat de Sa Bourbonnaise, Jean-Pierre Dubois raconte : « On m’a expliqué plus tard que Paul Périchon voulait acheter une pouliche dans l’Allier, mais la veuve de l’éleveur de la pouliche en avait deux cette année-là et lui avait dit : "Il faut prendre les deux ou rien". La seconde était Sa Bourbonnaise ».
Raoul Busset connut également fort bien Paul Périchon et Sa Bourbonnaise, car, dira-t-il, « j’allais monter pour lui à l’entraînement. À l’époque, j’étais jeune (15 ans), mais Sa Bourbonnaise était là, je m’en souviens. Elle ne devait pas mesurer plus de 1,54 m. ou 1,55 m. Elle était déjà bonne et courut ensuite à Enghien, Vincennes ayant été fermé pendant la guerre. Paul Périchon était le crack de la région. Il aimait aller acheter des chevaux chez Albert Veslard, voir Chambon (N.D.L.R. : l’un des meilleurs de sa génération à 3 ans sous la conduite de Paul Périchon) qu’il revendit très cher ensuite à René Michel, un client de Charley Mills (trente-cinq millions de francs de l’époque, ce qui correspond environ à un million d’euros de nos jours !). Je me rappelle que Mills était venu essayer Chambon chez Paul Périchon ».
À 3 ans, Sa Bourbonnaise courut sept fois pour cinq victoires (quatre en province et une à Vincennes), une deuxième place et une troisième place. Elle battit notamment Sammy dans le Grand Prix des 3 Ans à Vichy. Paul Périchon devait ensuite la céder à Guy Deloison. « Cela se passa lors d’un repas le jour d’une partie de chasse, raconte Pierre-Désiré Allaire. Ce jour-là, le notaire leur apprit que le bois au milieu de leur chasse où se réfugiait tout le gibier était enfin à vendre. Alors, Guy Deloison dit à Paul Périchon : "J’achète le bois et tu me cède la petite pouliche le prix du bois". » Michel Deloison, cousin de Guy Deloison (agriculteur en Seine-et-Marne), précise : « Guy l’a achetée à la fin de sa troisième année sur les conseils de son entraîneur, Pierre Forcinal, avec qui il était très ami ».
À 4 ans, Sa Bourbonnaise devait s’affirmer comme une championne, remportant le Critérium des 4 Ans drivée par Jonel Chyriacos qui l’entraîna aussi et battit Souarus dans le Prix du Président de la République (montée par Aimable Forcinal) qui s’appelait alors Prix de France et se disputait à Enghien. Elle s’imposa aussi dans les Prix de Sélection et Charles Tiercelin. En neuf sorties, elle signa cinq victoires et trois deuxièmes places. Puis, elle réussit à garder sa suprématie sur ses contemporains en s’imposant dans le Critérium des 5 Ans (avec Pierre Forcinal), le Prix de Normandie (montée par Aimable Forcinal) et le Prix des Centaures. Cette année-là, elle devait également triompher pour la deuxième fois dans le Prix de Sélection et terminer deuxième du Prix de l’Étoile. À ce jour, Sa Boubonnaise reste le seul trotteur français à avoir réussi le coup de quatre dans les classiques attelés et montés : Critérium des 4 Ans - Prix du Président de la République - Critérium des 5 Ans - Prix de Normandie.
À 6 ans, elle dut se contenter d’accessits dans les Prix d’Été (3ème), de Sélection (3ème) et des Centaures (3ème) et devait effectuer sa dernière année de compétition à 7 ans, se classant troisième de Mistero et Quick Star dans le Prix d’Amérique 1947 à Enghien.
Championne sur les pistes, Sa Bourbonnaise n’allait pas tarder à entrer au haras où elle s’affirmera comme une poulinière hors norme, engendrant quatre classiques ayant fait l’arrivée des Critériums (Hermès D, Infante II, Jalna IV et Le Postillon) et une semi-classique (Glamour II).
D’abord Glamour II et Hermès D
En 1947, Sa Bourbonnaise fut présentée à son contemporain Sammy 1’21’’, un cheval très vite « mais manquant un peu de "stamina" (coeur au ventre) », avait dit Charley Mills. Sammy détint le record du kilomètre lancé en France (1’16’’9 en 1946). En 1948 naquit de leur union une femelle alezane nommée Eprunes qui devait trotter 1’40’’ à 2 ans. Cette Eprunes engendra ensuite le classique Lieuvin 1’18’’ (mâle bai d’Uriel), excellent à 2 ans (quatre victoires en cinq sorties dont les Prix Emmanuel Margoutty et Cavey Ainé), puis lauréat à 3 ans du Prix Abel Bassigny avant de terminer troisième de Jokai et Jalna IV dans le Critérium des Jeunes, deuxième des Prix Kalmia et Capucine. Il fut ensuite exporté en Allemagne. Henri Bourrée, qui travailla avec les frères Gougeon chez qui était Lieuvin, se souvient : « C’était un cheval assez petit, plein de sang, fait pour la vitesse, mais qui n’avait pas trop de tenue. C’est Robert Bouisson qui s’en occupait dans l’écurie ».
Puis vint Glamour II 1’20 ’’ (femelle bai foncé), issue de son croisement avec le grand étalon franco-américain Kairos 1’23’’ (The Great Mc Kinney - Uranie). Peu demandé à ses débuts au haras, Kairos avait couru jusqu’à 9 ans, ayant de nombreuses interruptions de carrière, car il souffrait d’un pied (encastelure d’un sabot). « C’était un petit cheval de valeur moyenne », en dira Roger Baudron. Kairos devint néanmoins six fois tête de liste des étalons (engendrant notamment Gélinotte 1’16’’) et un remarquable père de poulinières.
Contemporaine de la fameuse Gélinotte 1’16’’ (Prix d’Amérique x 2), Glamour II révéla de bons moyens à 3 ans, s’imposant à cinq reprises à cet âge à Vincennes, notamment dans le semi-classique Prix Abel Bassigny devant Gutemberg A (handicapé de 25 mètres). Plus tard, à 5 ans, elle gagna de nouveau à Vincennes, avant de donner jour à Palermo 1’23’’, étalon, puis elle fut vendue en Italie. Après elle, Sa Bourbonnaise produisit Hermès D 1’20’’ toujours avec le concours de Kairos.
Alezan avec une liste en tête, Hermès D ne ressemblait pas à sa soeur physiquement. Mais il démontra lui aussi rapidement sa qualité, en s’imposant dans le Prix Kalmia et en terminant troisième du Prix Capucine, avant de jouer de malheur dans le Critérium des 3 Ans. Ce jour-là, drivé par Giulio Bottoni, il s’était en effet imposé, mais fut rétrogradé après enquête à la deuxième place derrière Hérodiade III pour avoir gêné sa rivale dans le dernier tournant !
« Hermès D était un cheval très vite, qui alla gagner en Italie », rappelait Albert Viel. Il remporta aussi le Prix Ariste Hémard et se classa quatrième de Hortansia VII dans le Critérium des 4 Ans, troisième du Critérium Continental derrière le champion italien Oriolo et Hortansia VII, et deuxième du Prix Phaëton. Après cette belle carrière classique, Hermès D devait être acheté par les Haras Nationaux. Il s’affirma comme un excellent sire. On lui doit notamment les Pluvier III 1’16’’ (Prix d’Europe, Championnat du Monde aux USA), exporté en Suède, Parguerrière D 1’17’’ (2ème du Critérium des Jeunes), Quibus V 1’17’’ et Apaty 1’18’’(2ème du Critérium des Jeunes), sans oublier les Oncos 1’19’’, Obéron 1’20’’, Oddi 1’19’’, Panipa 1’17’’, Reza Grandchamp 1’18’’, Ramsès II 1’19’’, Royal Boy V T 1’16’’(exporté en Italie), Rosé d’Anjou 1’17’’(exporté aux États-Unis), Vauclair V 1’18’’, etc.
Mais Hermès D s’est surtout continué en lignée mâle par Nonant le Pin 1’19’’ qui engendra le crack Buffet II 1’14’’ (Prix de l’Atlantique, René Ballière x 2 et Critérium Continental, 2ème du Critérium des 4 Ans), lui-même auteur du champion Ultra Ducal 1’12’’ (Critériums des 3 et 5 Ans, Prix de France, 2ème du Prix d’Amérique). Nonant le Pin produisit aussi l’excellent Hymour 1’15’’ (Prix d’Amérique et de France) et Chablis 1’17’’ (Prix de l’Atlantique). Hermès D sut également briller comme père de mères, avec les Féroé 1’17’’ (2ème du Critérium des 4 Ans), Ephèse 1’17’’, File Droit 1’18’’, Horse Born 1’17’’ (2ème du Critérium des 3 Ans), Querfeu 1’17’’ (Prix de Vincennes), Laudanum 1’20’’(m), L’As d’Atout 1’19’’, Djerba 1’18’’, Dis Lui 1’19’', Damiette P 1’19’’, Ernioco 1’18’’, Infix 1’17’’, etc.
Jalna IV et Glamour II achetées par Henri Levesque
Présentée une nouvelle fois à Kairos en 1952, Sa Bourbonnaise devait mettre bas d’une petite pouliche bai l’année suivante. Elle fut nommée Jalna IV. Précoce, elle montra vite de la classe, s’appropriant le record de France des 2 ans (1’24’’8), gagnant à Enghien et terminant deuxième du Prix Emmanuel Margoutty et troisième du Prix Désiré Cavey à cet âge. À 3 ans, elle confirma sa valeur en remportant le Prix Capucine et en terminant deuxième de Jokai dans le Critérium des Jeunes mais aussi deuxième des Prix Victor Régis et Maurice de Gheest. Plus tard, Jalna IV et sa propre soeur, Glamour II, furent achetées comme poulinières par Henri Levesque.
Son fils cadet, Henry-Louis Levesque, explique : « Jalna IV était une petite jument d’environ 1,56 mètre qui avait de mauvais pieds. D’ailleurs, elle restait ferrée même quand elle était devenue poulinière. Pierre Forcinal, leur entraîneur, avait dit à mon père de garder Jalna IV plutôt que Glamour II s’il voulait se séparer de l’une des deux juments. Plus tard, mon père revendit Glamour II à M. Grassetto qui lui avait déjà acheté Icare IV. Il savait que celui-ci aimait les belles juments et se doutait qu’il préférerait Glamour II à Jalna IV. Glamour II était en effet très belle et beaucoup plus grande (1,63 m.) que sa soeur. Plus tard, Jalna IV produira Roquépine ».
Fils ainé de Henri Levesque, Jean Levesque a lui aussi souvent raconté cette histoire : « Mon père avait acheté les deux juments pour dix millions d’anciens francs, un gros prix à l’époque pour des poulinières (N.D.L.R. : cela correspondrait à 200 000 € aujourd’hui avec l’inflation). Le jour où l’affaire s’était faite, M. Deloison ne semblait toutefois plus trop vendeur. Sentant alors qu’il ne devait pas les laisser passer, mon père avait alors dit banco ».
Jalna IV 1’21’’ - « une demi ambleuse », rappelle Roger Baudron - devait se révéler ensuite elle aussi une grande poulinière, engendrant la fameuse Roquépine 1’15’’ et Ussania 1’18’’ (4ème du Critérium des 5 Ans), « une jument qui mit du temps à bien s’équilibrer, à se cadencer », dixit Henry-Louis Levesque. Ussania (Harold D III) devint la grand-mère de Tak Tak 1’14’’ (3ème du Critérium des 5 Ans), la quatrième mère de Pad d’Urzy 1’12’’ (2ème du Prix de l’Étoile) et la cinquième mère de Volcan d’Urzy 1’13’’ (2ème du Critérium des 4 Ans). Puis sur le tard, Jalna IV donna Eralda 1’22’’(Mario), quatrième mère de Perlando 1’10’’ (Prix de La Haye et de Buenos Aires) et Floresta 1’19’’ (Tidalium Pélo), gagnante à Paris, « une jument spéciale, tournant difficilement à droite comme à gauche ! Il fallait Gerhard Kruger pour s’en servir ! », selon Henry-Louis Levesque.
Mais avant elles, Jalna IV avait donc pouliné de Roquépine 1’15’’ (Atus II), femelle bai de taille moyenne, qui, si elle montra du caractère dans sa jeunesse, se révéla comme une championne exceptionnelle à partir de sa quatrième année, remportant trois fois le Prix d’Amérique, deux fois le Championnat du Monde des Trotteurs aux États-Unis, l’Elitloppet (deux fois), le Grand Prix de la Loterie, outre trois Critériums en France (des 4 et 5 Ans et Continental). « Roquépine a toujours eu besoin de poids (220 grammes aux antérieurs), mais c’était une vraie trotteuse, courageuse, avec un grand mental. Elle s’adaptait à tout », précisa Henry-Louis Levesque. Outre ce palmarès éblouissant, Roquépine sut aussi marquer l’histoire du trotting français en engendrant Florestan 1’15’’ (Prix Kalmann Hunyady, Greyhound Rennen) avec le concours du chef de race américain Star’s Pride 1’12’’. « Florestan ne ressemblait ni à son père, ni à sa mère. C’était un bon cheval mais un peu spécial. Il valait mieux attendre et venir pour finir avec lui », commenta Gerhard Kruger, son entraîneur-driver. Henri Levesque aimait en effet les trotteurs américains et fut un précurseur en envoyant Roquépine outre-Atlantique pour être saillie par Star’s Pride (d’où Florestan) et Ayres 1’13’’ (d’où Granit 1’14’’, « un petit cheval très ambleur », dixit Gerhard Kruger), vainqueur du Prix de la Flèche d’Europe. Acheté par les Haras Nationaux (115 000 €), Florestan devait ensuite réussir comme étalon (Podosis, Passionnant, Quito de Talonay, etc.) et père de mères (Qualita Bourbon, Meaulnes du Corta, Tipouf, Arnaqueur, Leda d’Occagnes, etc.), ayant été six fois tête de liste dans cette catégorie.
Enfin, avec le concours du grand sire Kerjacques, Roquépine donna Hague 1’15’’ (Prix Marcel Laurent, 3ème du Prix de l’Étoile), « une bonne jument qui trottait sans poids », selon Henry-Louis Levesque, elle-même mère de Formose 1’13’’ (5ème du Critérium des 5 Ans) d’où Opium 1’11’’ (Prix Doynel de Saint-Quentin), son seul rejeton. Quant à Ile Marie 1’18’’(Fandango), dernier produit de Roquépine (morte à 13 ans en avortant de Kerjacques), la moins douée des quatre, elle est devenue la grandmère de Jasette 1’12’’.
Infante II son meilleur produit
En 1951, Guy Deloison avait choisi de présenter Sa Bourbonnaise à Hernani III 1’24’’ (Critériums des 3 et 4 Ans, 2ème du Prix de Cornulier), un étalon de grande qualité. Ce grand cheval bai brun aux allures coulantes, réputé pour son courage à la lutte, avait déjà donné les classiques Quinio, Souarus et Atus II. Avec Sa Bourbonnaise, il devait produire une magnifique pouliche bai brune nommée Infante II.
Cette Infante II 1’14’’ fit l’admiration de tous ceux l’ayant vu courir, effectuant une longue et fructueuse carrière de courses dans les deux spécialités, de 2 à 8 ans, montrant comme son père un courage remarquable. Deuxième à Vincennes à 2 ans au monté, Infante II s’imposa rapidement au haut niveau dans cette spécialité, remportant les Prix Ernest Le Comte, de Basly et Louis Tillaye, et terminant deuxième des Prix Hémine et des Élites, et troisième du Prix de Vincennes à 3 ans. Confirmant sa classe à 4 et 5 ans, elle brilla alors particulièrement à l’attelage, gagnant les Prix Ariste Hémard et Pierre Plazen, se classant troisième du Critérium des 4 Ans d’Idumée, puis deuxième du Critérium des 5 Ans d’Icare IV, deuxième des Prix de Croix et Doynel de Saint-Quentin, troisième du Prix du Bourbonnais. À 6 ans, elle défit les meilleurs trotteurs du moment dans le Prix de Bourgogne, terminant troisième de Jamin dans le Prix d’Amérique et deuxième du Prix de France, toujours derrière Jamin, deuxième aussi des Prix de Paris et de Sélection et troisième du Grand Prix d’Été.
L’année suivante, elle alterna attelé et monté, se classant deuxième des Prix de Cornulier et de l’Ile-de-France, quatrième du Prix d’Amérique, troisième du Prix de France et quatrième du Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur. Alors qu’à 8 ans, toujours vaillante, elle allait abaisser le record de France des femelles en réussissant 1’14’’9 à Enghien, en terminant deuxième de Jamin dans le Critérium Continental (sur 1 600 mètres… sans autostart) ! Ce fut sa dernière année de compétition.
« Dans un Prix de Cornulier, Infante II, montée par Bernard Simonard, avait vingt mètres d’avance sur le peloton quand elle glissa à cause de la neige (N.D.L.R. : elle termina deuxième). Je m’en souviens bien, car j’ai gagné ma première course pour Bernard, confie André Reine, Infante II a toujours été stationnée à Joinville-le-Pont. C’était Lemoine, le premier garçon, qui s’en occupait. À cette époque, on n’envoyait pas les chevaux à la campagne ou au paddock. Infante II m’avait marqué. » Incontestablement, Infante II fut le meilleur produit de Sa Bourbonnaise et sut briller au haras en engendrant Sabi Pas 1’17’’ (mâle bai brun de Carioca II). Devenu d’un caractère difficile, « Sabi Pas aurait bien pu "déshabiller" un homme dans ses mauvais jours », dira Henry-Louis Levesque. Acheté par Henri Levesque à la fin de son année de 4 ans, Sabi Pas devait ensuite franchir plusieurs paliers, gagnant le Prix Doynel de Saint-Quentin. Il se classa surtout deuxième, battu d’un nez, par Seigneur dans le Critérium des 5 Ans et encore deuxième, tout près de la jeune championne Une de Mai, dans le Prix de Sélection malgré un handicap de cinquante mètres. Gendre de Henri Levesque, Maurice de Folleville le driva et le définit comme « un cheval très froid, trottant sans poids. Son seul défaut était qu’il n’était pas trop lutteur pour finir, mais cela ne s’est pas vraiment retrouvé dans sa production ».
Étalon, Sabi Pas s’affirma vite avec les Eregoya 1’15’’, Epaminondas 1’20’’, Grande Source 1’16’’, Hêtre Vert 1’16’’, Jet de Prapin 1’18’, Jacques des Blaves 1’18’’ et Larabello 1’14’’ (Critérium des 3 Ans). Son meilleur produit fut toutefois le crack Fakir du Vivier 1’14’’ (Critériums des 3 et 4 Ans, Critérium Continental, Prix d’Europe, 2ème et 3ème du Prix d’Amérique). À son tour, celui-ci sut le continuer au haras et devint tête de liste des étalons et grand-père paternel du grand sire Coktail Jet 1’10’’ (Prix d’Amérique, Elitloppet et Critérium des 5 Ans), sept fois tête de liste des étalons. Le propre frère de « Fakir », Jet du Vivier 1’18’’, fut également tête de liste des étalons.
Au haras, outre Sabi Pas 1’17’’, Infante II donna Villaroche 1’19'' (femelle bai brune de Nicias Grandchamp) qui figura avec l’élite de sa promotion au monté (2ème des Prix Léon Tacquet et Auguste François, 3ème du Prix Paul Bastard), « une jument assez grande que l’on avait courue sous la selle où elle trouvait des taches plus faciles qu’à l’attelage. Mon père en avait vendu la moitié au comte Orsi Mangelli et je crois que Villaroche avait eu un produit de Short Stop en Italie », se souvint Henry-Louis Levesque.
Le Postillon et les autres
Après Glamour II, Hermès D, Jalna IV et Infante II, Sa Bourbonnaise devait donner un cinquième trotteur du niveau des meilleurs de sa génération, un mâle bai issu de Hernani III nommé Le Postillon. Celui-ci débuta tardivement, à 4 ans, en province, alignant trois victoires et une place avant de gagner à Enghien. À 5 ans, il monta cependant de plusieurs catégories, terminant deuxième de Le Roi d’Atout D dans le Critérium des 5 Ans et troisième du Prix Pierre Plazen, gagnant encore à Paris à 6 ans avant d’être acheté par les Haras Nationaux. « C’était un bon cheval mais pas un cheval de grande classe. Il avait du caractère aussi », dira Henry-Louis Levesque. Le Postillon engendra Urvick 1’18’’ et Ulster VI 1’18’’, mais surtout Axius 1’15’’ qui se révéla tardivement lui aussi, étant handicapé par des problèmes de pieds. Axius atteignit le plus haut niveau ensuite, triomphant dans le Prix de France (deux fois), n’étant battu que d’un nez dans le Prix d’Amérique 1974 gagné par Delmonica Hanover, avant de finir de nouveau deuxième de Bellino II dans le Prix d’Amérique l’année suivante.
Des autres produits de Sa Bourbonnaise, citons quatre mâles : Kano 1’25’’ (Kairos), gagnant à Vincennes à 4 ans, Reau 1’24’’ (Carioca II) et Nikao 1’25’’ (Carioca II), tous deux exportés, et Tobago 1’21’’ (Jocrisse), vainqueur à Vincennes à 4 ans, qui ne firent pas de merveilles. En revanche, parmi ses autres femelles, on doit noter la gagnante à Vincennes Majesté III 1’25’’ (une alezane par Atus II) qui devait produire Dammarie Les Lys 1’19’’ (femelle de Seddouk), morte prématurément après avoir montré de la qualité, gagnant à Vincennes à 3, 4 et 5 ans.
Majesté III donna également jour à Boza (une femelle d’Olten L), d’où le classique monté Nozablinski 1’18’’ (2ème du Prix de Vincennes) et Tonga 1’21’’ (femelle de Carioca II), devenue la grand-mère de la classique Neuilly 1’16’’ (Amyot), lauréate
du Critérium Continental, 2ème du Critérium des 3 Ans de Noble Atout. Neuilly produisit Hermès du Buisson 1’13’’ (Buvetier d’Aunou), vainqueur du Critérium Continental, et est la troisième mère d’Olitro 1’11’’ (2ème du Criterium des 4 Ans). Si Neuilly était « une jument très dure », dixit Michel Deloison, « Hermès du Buisson, son fils, était lui aussi un cheval dur, un bon cheval, mais qui ne supportait pas les projections. Je lui avais mis une sorte de masque, avec des lanières de cuir descendant sur le nez pour le Critérium Continental qu’il a gagné. Ensuite, cela avait été interdit et le cheval n’avait plus vraiment réussi », explique Jean-Pierre Dubois. Après Qui Sait III 1’20’’ (femelle bai brune de Carioca II), gagnante à Vincennes à 3, 4 et 5 ans, Sa Bourbonnaise, de son union avec Jamin, produisit Sandra 1’22’’ (femelle alezane), gagnante à Vincennes à 3 ans, avant de donner jour à la classique Natacha du Buisson 1’16’’ (Amyot), lauréate du Greyhound Rennen en Allemagne et 2ème du Critérium Continental en France, « une jument douée mais spéciale qui "tapait" », dixit Michel Deloison. Elle devint la mère de Corot 1’12’’ (3ème du Prix de Sélection, 4ème du Critérium des 3 ans) et la grand-mère de Chaillot 1’13’’ (Prix d’Europe), Mambo King 1’13’’ (Prix Ephrem Houel) et Blue Grass 1’12’’ (2ème du Prix Paul Leguerney).
Plus de soixante-quinze ans après sa naissance, Sa Bourbonnaise est, on le voit, encore présente dans les pedigrees des meilleurs trotteurs du moment. Michel Deloison précise : « Aujourd’hui, j’ai compté pas moins de quarante-deux étalons qui descendent d’elle en lignée maternelle directe ». Poulinière d’élite après avoir été une jument d’élite sur les pistes, chose rarissime, Sa Bourbonnaise était certes de taille réduite (comme les autres matrones Ua Uka et Arlette III), mais elle est bien toujours la petite grande dame du Trot Français.
Par Jacques Pauc
Merci pour ce message de la part de : titiduc, iroisebleue, nezan, UaUka1, boheme, TorontoPat, REVEDUDON
Dernière édition: 28 Avr 2020 10:43 par joyeuxrire.
28 Avr 2020 10:39 #5
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Réponse de ivct sur le sujet Trot Infos saga : reine du stud-book

...me souvenais plus de ton topic joyeuxrire !
c'est super ce que tu fais pour l'élevage trot ; aussi je ne posterai plus là dessus concernant le trot dans " des chevaux et des hommes " mais je viendrai lire ici !
merci et bonne continuation ♥
"all we are:just a dust in the wind"
Merci pour ce message de la part de : iroisebleue, joyeuxrire, TorontoPat
28 Avr 2020 15:39 #6

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Réponse de joyeuxrire sur le sujet Trot Infos saga : reine du stud-book

ivct écrit: ...me souvenais plus de ton topic joyeuxrire !
c'est super ce que tu fais pour l'élevage trot ; aussi je ne posterai plus là dessus concernant le trot dans " des chevaux et des hommes " mais je viendrai lire ici !
merci et bonne continuation ♥


Merci mais tous ceux qui le souhaite peuvent poster ici moi j'ai seulement posté les articles de J PAUC qu'il publie sur le trot ;) :D
Merci pour ce message de la part de : ivct, UaUka1, boheme, TorontoPat
Dernière édition: 28 Avr 2020 17:26 par joyeuxrire.
28 Avr 2020 17:22 #7

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Réponse de ivct sur le sujet Trot Infos saga : reine du stud-book

www.letrot.com/fr/tout-le-fil/6129-trot-...n-avec-roger-baudron

RENCONTRE
TROT INFOS SAGA : ENTRETIEN AVEC ROGER BAUDRON
Il y a trois ans, Roger Baudron avait accordé une longue interview à Trot Infos. L'occasion de revenir sur la carrière d'un professionnel incontournable.


Grand entraîneur, fin pilote (surnommé « Roger la Science »), plusieurs fois tête de liste des drivers, il compte plus de 2 000 victoires à son palmarès dont les Prix d’Amérique (Queila Gédé), de France (Quérido II x2), de Paris (Quérido II et Fleuronné), le Critérium des 3 Ans (Pinochle), le Critérium Continental (Tiki R), le Championnat Européen des 3 Ans (Pontcaral), les Prix de l’Étoile (Tiki R, Pontcaral), de Sélection (Képi Vert), d’Été (Khali de Vrie et Réussite de Rozoy), le Grand Prix de Recklinghausen (Khali de Vrie), le Prix de l’Élite des 4 Ans en Suède (Pontcaral), etc.

Trot Infos : « Vous avez gagné votre première course à 13 ans en 1945. Comment se passait l’entraînement des trotteurs en France dans ces années-là ?
Roger Baudron : À l’époque, seules les grosses écuries (Bertrin, Viel, Céran-Maillard, Forcinal) avaient leurs pistes en Normandie. Les autres entraînaient sur la route ou sur les plages. En Bretagne et dans la Manche, il y avait des hippodromes marins. Ils entraînaient sur la longueur, faisaient de la promenade et couraient le dimanche. Moi, par exemple, après la guerre de 1940, je travaillais avec mon père et n’ayant pas de piste, j’allais sur la route. Les lundi, mardi et mercredi, on faisait faire au cheval sept à huit kilomètres, puis le jeudi, vendredi et samedi dix à douze kilomètres au petit trot. Au début, avec mon père, on n’avait rien, on n’était pas éleveurs, on achetait des chevaux pour courir comme cela.

En fin de compte les chevaux s’entraînaient en course ?
Presque, car on faisait des meetings, et là on pouvait les entraîner sur l’hippodrome. Les chevaux s’amélioraient en courant.

Les gens faisaient des raids aussi ?
Oui, en Bretagne et en Normandie notamment, sur de très longues distances. Mais beaucoup de gens qui faisaient des raids étaient des hommes de chevaux. Il ne faut pas les prendre pour des « comiques ».

Qu’est ce qui a changé ensuite ?
Après la guerre, on pouvait encore aller sur les routes à pied, le cheval était un moyen de locomotion. Mais deux-trois ans plus tard, c’était fini. Il y avait des voitures et les bulldozers étaient passés pour refaire les routes. Alors, on a tous fait peu à peu des petites pistes.

Êtes-vous alors allé faire des stages chez des confrères ?
Oui, mon père m’avait envoyé chez Alphonse Sourroubille (vainqueur du Prix d’Amérique 1944 avec Profane) à Joinville-le-Pont. J’avais 17 ans et j’étais parti à Paris par le train avec quatre chevaux. Le père Sourroubille était monté du Sud-Ouest avant la guerre. C’était un homme calme et patient, un apôtre de la non-violence (rires)… Il était rare qu’il se mette en colère. Cela allait bien avec moi qui était un peu nerveux. On travaillait sur l’hippodrome de Vincennes, sur la petite piste de 1 800 mètres. Tout le monde faisait à peu près la même chose. D’abord un tour d’échauffement avec un petit bout vite. Puis, on reprenait un canter sur 2 300 mètres avec le dernier kilomètre assez vite. Il fallait 600 ou 700 mètres ensuite pour arrêter le cheval, et on rentrait à l’écurie. Cela dit, certains faisaient un tour de plus (4 000 mètres au lieu de 2 000 mètres).

Comment drivait-on sur la piste de Vincennes alors ?

À 20 ans, j’avais déjà gagné pas mal de courses en province où j’aimais courir mes chevaux sans enrênement avec une martingale et des bretelles, car je ne n’aimais pas serrer les genoux. À Vincennes, le profil de la piste faisait que si on descendait vite, on ne remontait pas ! Celui qui passait la descente à tombeau ouvert ne remontait pas. Alors, tout le monde essayait de descendre tant bien que mal pour progresser en montée à partir des 1 200 mètres. Car des 1 200 mètres à l’entrée de la ligne droite, cela montait tout le temps, avec un passage plus dur à mi-montée, et un autre de 250 mètres dans le dernier tournant, avant l’entrée de la ligne droite. Pour gagner, il fallait souvent se retrouver dans les trois premiers à l’entrée de la ligne droite (qui redescendait pour finir). Il fallait donc passer les « morts » avant le dernier tournant, ce qui explique que certains venaient tout à l’extérieur dans la montée, disant ensuite : "J’étais sur l’herbe en dehors à un moment" !

Et Charley Mills est arrivé...
Oui, à 17 ans, je vois Mills courir. Il gagnait tout. Il n’y avait que ses chevaux qui finissaient. Lui ne faisait pas un geste et ne donnait jamais un coup de cravache ! Je n’avais jamais vu cela. C’est Jonel Chyriacos qui l’avait fait venir en France pour travailler avec lui. Car quand Mills (qui était citoyen irlandais mais né en Allemagne) est revenu d’Allemagne, il passait par la France avant de partir pour les États-Unis. Et Chyriacos l’a retenu. Il l’avait connu jeune en Autriche après la guerre de 14. M. Chinot (beau-père de Michel Gougeon) était copain avec Chyriacos, et il m’avait dit que celui-ci ne parlait que de Mills.

Chyriacos a donc aidé Mills en France ?
C’est-à-dire que Chyriacos avait son propre centre d’entraînement en France, et il a employé Mills comme collaborateur et driver. À eux deux, ils ont tout gagné. Il faut dire que Chyriacos était un organisateur exceptionnel, le plus fort qu’on ait eu. Il avait 100 chevaux à l’entraînement, repartis dans des petites cours de 15 ou 20 chevaux avec un homme pour trois ou quatre chevaux et un chef de cour (premier garçon), deux maréchaux-ferrants à demeure, un manège pour sortir les chevaux. Et il faisait fabriquer ses propres sulkies, ses road-cars, tout ! C’était inimaginable.

Et Charley Mills, comment entraînait-il ?
Je ne suis pas allé faire de stage chez lui comme Ali Hawas, par exemple, mais j’allais parfois trotter des chevaux dans son centre d’entraînement à Chamant. Chez Mills (qui avait tout perdu pendant la guerre), il y avait un homme pour trois chevaux, une soixantaine de chevaux pour trente gars environ, plus Mario Capovilla, et ensuite Hans Sasse, qui drivaient aussi. Et un premier garçon autrichien qui ne voyait que par Mills, je me rappelle. Et chez lui, les chevaux étaient à l’avoine et au foin, rien d’autre, garanti. Quand un cheval ne mangeait pas, il disait « Moi, lui donner de l’appétit demain matin au travail » (rires). Mais il disait cela peut-être seulement au sujet de chevaux moyens. Sinon, il travaillait en heats, ce qui était révolutionnaire chez nous à l’époque. Parfois, il faisait un heat simple de 5 000 ou 6 000 mètres, ou alors deux fois 2 000 mètres avant de travailler le cheval qui était rentré et promené une demi- heure par son lad avec deux couvertures pour qu’il sèche. Puis, il le reprenait pour un autre heat, et rebelote, promenade en main avec deux couvertures. Ensuite venait le troisième ou quatrième heat toujours sur 2 000 mètres s’il le fallait (parfois cinq même), en principe en accélérant, de plus en plus vite.

Ce fut le travail de Pinochle avant votre victoire dans le Critérium des 3 Ans.
Oui, j’ai drivé Pinochle grâce à Marcel Perlbarg, un homme gentil qui m’aimait bien. Il avait dit à Mills de me la confier dans ce classique. Mills était son ami, pendant la guerre, il avait fait sortir Perlbarg d’un camp de prisonniers en Allemagne pour le faire travailler dans son écurie. Or, Perlbarg était juif. Mills lui avait sauvé la vie. Aussi, pour Perlbarg, Mills c’était tout. Avant ce Critérium j’étais donc allé chez Mills pour prendre contact avec la jument. J’arrive un matin à Chamant, elle avait déjà fait deux heats légers. Je la prends pour le troisième, 2 000 mètres avec les derniers 1 000 mètres assez vite. « Combien ? », me demande Mills, « 1’20’’ » je réponds et il me réplique : « Pas assez vite, je vais mettre Liva Volo à vos cotés avec Sasse, et là, vous drivez ! » C’était le quatrième heat, et là, je finis en 1’17’’. « Bien, vous content ? », me demande Mills. Je réponds oui et quelques jours plus tard, j’ai gagné le Critérium des 3 Ans avec Pinochle. Après, j’ai compris qu’il voulait que je prenne confiance avant la course, que je crois en la jument. Mais driver pour Mills était facile…Tout avait été fait avant.

Vous vous êtes inspiré de ses méthodes d’entrainement ?
Oui beaucoup. J’essayais de me rapprocher de ses méthodes en heats mais aujourd’hui je pense que j’ai plutôt trop travaillé que pas assez, avec le recul, j’ai exagéré (rires). Mais Mills fut un modèle comme entraîneur et comme driver. Il courait ses chevaux avec un enrênement flottant et une petite palette souvent. Et il avait une main en or, ne démarrait jamais vite et venait souvent en une fois pour finir. Pour la ferrure, il était très fort aussi. J’ai admiré Paul Viel également, le père d’Albert Viel, un grand driver qui travaillait déjà la vitesse en un seul heat de 2 000 mètres les mardi, jeudi et samedi.

Et vous étiez ami avec Georges Dreux.
Oui, il faisait partie de ma famille, et Georges fut aussi un grand entraîneur. Il était plus calme, plus tranquille que moi. Il aimait se concentrer sur un ou deux bons chevaux. Moi, je préférais avoir beaucoup de chevaux car je voulais avoir trois ou quatre partants à driver par jour. Georges était plus entraîneur. Lui, il faisait d’abord une promenade, puis 2 000 mètres à l’envers, et deux départs, revenant au pas à chaque fois. Après seulement, il faisait environ 2 500 mètres en accélérant pour finir au travail.

Georges Dreux a formé de nombreux champions montés (gagnant quatre fois le Prix de Cornulier), mais, vous aussi, vous avez réussi avec des chevaux montés dont Queila Gédé ou Gardon. La monte moderne en avant a-t-elle tout changé ?
Pour moi, ce sont surtout les nouvelles pistes qui ont tout changé, car ce sont elles qui ont permis que la monte en avant soit efficace. Remettez l’ancienne piste de Vincennes, avec sa descente abrupte et sa montée plus difficile, une piste souvent fouillante en plus… Et vous verrez qu’il fallait de drôles de cavaliers pour passer la descente au bout des doigts sans que le cheval ne tire. Jean Mary était un de ceux qui arrivait à faire descendre les chevaux avec très peu de poids. Mais, s’il en fallait un peu pour descendre, il en fallait un minimum aussi pour pouvoir remonter ! Jean Mary était un champion car, dans la montée, il n’était pas du tout dans la selle en plus. Or, la bonne assiette, contrairement à ce qu’on croit, ce n’est pas se taper le cul dans la selle… C’est le mouvement du jockey qui n’est pas du tout sur les reins du cheval. Jean Mary, d’ailleurs, sellait ses chevaux très en avant et sanglait peu. Il a gagné trois fois le Prix de Cornulier avec le cheval de mon père, Gardon, que j’entraînais. Sans Jean, Gardon n’aurait pas fait la même carrière. Il fallait le voir avec ce cheval, encore 50 mètres derrière les leaders dans la montée, avec son buste très avancé, le commandant juste avec ses jambes, et pour finir, il ne redescendait pas souvent dans la selle, gardant sa position jusqu’au poteau.

Michel Gougeon avait-il la même façon de monter que Jean Mary ?
Il avait la même légèreté à cheval, bien avancé sur son cheval, le buste bien placé. Mais il était un tout petit peu plus « dans la main ». Et il embouchait un peu moins dur. Avec son crack Fandango par exemple, il ne touchait pas à la main, Fandango et les autres champions qu’il monta (N.D.L.R. : remportant notamment sept Prix de Cornulier et huit Prix de Vincennes), étaient plus dominateurs dans le parcours. Ils avançaient. Oui, Michel démarrait un peu plus tôt, et les chevaux de Jean Mary venaient plutôt pour finir.

Vous avez drivé et gagné sur la nouvelle piste de Vincennes (refaite en 1993) après avoir beaucoup gagné sur les précédentes. En quoi la manière de driver a-t-elle changé ?
Vous savez, la piste de Vincennes a été refaite deux ou trois fois. En dernier lieu (en 1993), j’ai insisté pour que la montée soit dessinée en tournant toujours un peu car c’est moins difficile pour les chevaux qu’une longue ligne droite. Elle est moins brutale. Et, en plus, avant, à l’intersection des pistes, il y avait souvent des problèmes avec les drivers qui se gênaient. Mais la piste est mieux profilée aujourd’hui, plus roulante, les chevaux vont plus vite. La course se dessine plus progressivement. Vous pouvez passer presque à n’importe quel moment sur une accélération, avant non. Il n’y a plus de vrais pièges. Avant, cela se jouait surtout lors du dernier kilomètre. Aujourd’hui, à partir du dernier tournant, c’est presque plat. Et la descente est moins prononcée. Remarquez, la première fois où j’ai couru sur la nouvelle piste, je m’attendais à pouvoir venir en progression dans la montée. Or, arrivé dans le dernier tournant, j’ai eu l’impression que les gars devant moi changeaient de piste et passaient sur la petite, car je suis resté en « suspension » ! À mon avis, il vaut mieux partir à sa main (sur un 2 800 mètres par exemple), et venir en descendant, ou même en plaine, où le tournant est tellement bien tracé (ce qui n’était pas le cas avant) qu’il n’est pas trop grave de faire l’extérieur. Aujourd’hui, par contre, on ne peut plus attaquer en troisième épaisseur en montant sauf exception.

Ces chutes des records viennent surtout des pistes selon vous ?
Oui, l’amélioration des pistes a tout changé, le plus grand nombre de bons professionnels et de bons chevaux aussi, les heats, les pistes de dégagement, les départs à la cellule, etc. Et en américanisant notre race, on a surtout amélioré la précocité. Dans le temps, beaucoup de chevaux étaient mal ferrés aussi. Aujourd’hui non, ils n’ont plus de fers ! La génétique ? Je n’y crois pas. Le crack est le crack qu’il soit né aujourd’hui ou il y a 80 ans. Je suis certain que si Uranie ou Jamin revenaient aujourd’hui, ils gagneraient toujours les grandes épreuves. En parallèle, dans le vélo, les gars d’aujourd’hui ne sont pas meilleurs que Jacques Anquetil. L’entraînement, on l’a dit, a été un facteur améliorateur aussi. Mais, vous savez, du temps de Mills, Gaston Roussel, qui entraînait à l’ancienne, avait pratiquement gagné autant de courses que lui à la fin du meeting d’hiver de Vincennes. Et puis, voilà très longtemps, des gars travaillaient déjà les chevaux à la plage, en ligne droite donc.

Alors, tout part de la qualité innée du cheval ?
Bien entendu. Les bons chevaux sont comme les bons chiens de chasse. Et un bon chien de chasse a cela en lui, cet instinct. Un cheval qui a la hargne, la niaque quand il est jeune dans un troupeau, a cela en lui. D’autres non. Ils couchent les oreilles, ne veulent pas trop combattre. Mais le bon cheval a d’entrée des facilités, de bons tissus, de la solidité.

Mais peut-on changer, ou du moins, améliorer le mental d’un cheval ?
C’est tout le travail de l’entraîneur car la vitesse il l’a ou il ne l’a pas, le bon coeur et les poumons aussi. Mais le cheval a une capacité d’adaptation inimaginable. Si tu n’es pas brutal et pas maladroit avec les chevaux, ils s’habituent à tout. Le rôle de l’entraîneur est donc de donner le mental a un cheval qui a des moyens par la façon de le travailler, puis de le mener en course. Car certains chevaux ont beaucoup de puissance mais pas trop de mental. L’entraînement est surtout « psychologique » en fin de compte.

Vous qui avez entrainé et drivé tant de bons chevaux, en avez-vous un exemple ?
J’avais une très bonne jument qui s’appelait Réussite de Rozoy. C’était une sprinteuse qu’il fallait cacher absolument en course. Et ne pas faire un bout dans le parcours, sinon elle n’en faisait pas un deuxième. Ne pas non plus boucher un trou trop vite quand il y avait une accélération, sinon elle vous laissait tomber. Mais, si on arrivait sur les chevaux de tête à l’entrée de la ligne d’arrivée sans qu’elle ait fait d’efforts, attention ! D’ailleurs, je crois bien qu’elle n’a jamais été battue dans ce cas de figure !

Quel est donc le meilleur trotteur que vous ayez entraîné et drivé ?
Queila Gédé était la meilleure. Elle avait une allure plus économique que Khali de Vrie, même si celle-ci était très bonne aussi. Queila Gédé aimait dominer, aller devant. J’ai d’ailleurs remporté le Prix d’Amérique avec elle car j’avais réussi à prendre la tête sans forcer ce jour-là. Et une fois en tête, c’était une sacrée jument. Khali de Vrie était extraordinaire, mais c’était plus une jument de 2 300 mètres que de 2 700 mètres, comme la plupart des produits de Quirinus III.

Et quels autres chevaux de votre écurie vous ont marqué ?
On a parlé de Gardon auparavant. Je me souviens de Fleuronné, avec lequel j’avais gagné le Prix de Paris en faisant un faux train, raccourcissant la distance en fin de compte, car c’était un fils de Quirinus III donc, surtout un cheval de 2 000/2 300 mètres. Or, ce jour-là, c’était sa dernière course. Avant, je l’avais fait mener par mon fils Gilles et mon beau-frère Paul Essartial car le cheval ne voulait plus me voir. Il faisait le service minimum… Mais là, je l’avais repris en main pour la dernière course, et cela avait marché. Je peux aussi citer Képi Vert avec qui j’ai gagné le Prix de Sélection. C’était un cheval de grande classe avec un petit défaut. Il était très autoritaire et j’avais du mal à le « régler ». Ainsi, le jour du Critérium des 4 Ans, j’ai senti aux tribunes qu’il allait « brancher », alors j’ai avancé. Et on a été battus par Kapulco à la fin. Cela dit, Képi Vert était sans doute un petit peu plus brillant que tenace.

Et parmi ceux d’autres entraînements avec lesquels vous avez remporté de grandes épreuves ?
Outre Pinochle qui aimait dominer, je citerais Tiki R, un cheval phénoménal qui, pourtant, n’a pas produit. Tiki R avait battu Toscan dans le Prix de l’Étoile à 4 ans et le record de la piste de Vincennes. Aujourd’hui, il aurait trotté 1’09’’. Mais les courses sont surprenantes parfois car le jour du Prix de l’Etoile, je voulais prendre Toscan de vitesse au départ. Toscan était un cheval de train, dur. En attendant, je ne pensais pas pouvoir le remonter pour finir. Or, au canter (à l’époque il n’y avait pas de heats), j’ai voulu mettre Tiki R « sur la patte » pour démarrer vite et le cheval s’est mis à aller à une vitesse folle. « Quel imbécile », me suis-je dit alors. « Tu lui as fait mal ». Après, je ne pouvais plus démarrer vite et je suis parti… trop doucement, me retrouvant derrière Toscan avec les 3 ans 50 mètres devant nous. Arrivé en plaine, j’ai alors décidé de prendre Toscan de vitesse, de le passer. Et on a gagné. Comme quoi, il y a toujours beaucoup d’improvisation en course. Rien n’est jamais écrit d’avance. Quérido II que j’ai entraîné avec Georges Dreux, lui, était très fainéant. Il fallait le « trainer » tout le temps. En sortant du « Cornulier » qu’il avait gagné en 1967, on s’était imposé dans le Prix de Paris, la course montée l’avait ouvert en quelque sorte. Plus tard, j’ai mené Pontcaral entraîné par Ali Hawas. Il avait une vitesse pure exceptionnelle et m’avait beaucoup impressionné. Cela dit, pour gagner, il fallait qu’il domine, aller tête et corde. Quand j’ai attendu avec lui, on n’a pas gagné. Je dois citer aussi Roquépine et Tidalium Pélo. Mais Henri Levesque ne m’avait confié Roquépine que sur le tard. Elle avait 7 ans et était vieillissante. C’était une championne mais là, elle m’avait fait l’impression d’une jument ordinaire, au contraire de son compagnon d’écurie Vaccarès II que j’ai dû mener deux fois. Or, comme disait Georges Dreux, « il n’y a rien qui ressemble plus à un cheval moyen qu’un bon qui ne veut plus trop ». Jean Mary, lui, m’avait fait mener une fois Tidalium Pélo. On rendait 50 mètres, et le cheval m’avait énormément impressionné. Même si Jean le courait alors surtout monté et cherchait encore son embouchure. Mais quand il l’a trouvée, ils ont gagné deux Prix d’Amérique ! Vous savez, driver pour de grands professionnels était un plaisir. Je me souviens avoir gagné le Prix de Croix avec Quirinus III pour Maurice Sagot, mais j’avais également drivé son propre frère Nautilus G à l’entraînement. Et il m’avait fait une impression formidable. Il était allé gagner le Prix d’Europe à Milan avec Maurice et fut vendu aux Italiens juste après. Sa propriétaire leur avait fait un prix énorme, croyant qu’ils ne suivraient pas, mais les Italiens avaient dit oui ! Comme quoi, les champions, on croit les vendre cher, et en fin de compte on les donne ! Nautilus G revint ensuite en France gagner le Critérium des 4 Ans, mais il devait mourir peu après.

Et quel est le cheval que vous ayez vu qui vous a fait la plus forte impression ?
Je n’ai pas connu Uranie mais les anciens l’ayant vue courir n’avaient que son nom à la bouche. Moi, ce serait Buffet II, incontestablement. C’était un phénomène mais fragile, il ne courait que sur sa classe. Un jour, j’arrive trop tard à Vincennes pour le voir courir, mon père discutait à la sortie avec Henri Hellard. Je les entends dire : « On n’a pas vu cela depuis Uranie ». Car Buffet II venait de laisser Une de Mai à 25 mètres dans le Prix René Ballière ! Varenne m’a aussi beaucoup impressionné. Maintenant, à la fin, comme il n’avait plus rien à prouver, ils ont voulu battre des records avec lui. Or, courir contre le chronomètre, c’est le plus dur. Et pour finir, le cheval a été battu au Canada car il n’était plus lui-même.

Aujourd’hui, vous avez 84 ans (NDLR : 87 ans aujourd'hui) et toujours la passion, c’est beau. Cela ne vous manque plus de ne plus driver ?
Quand j’ai dû arrêter à 70 ans, cela m’a fait mal. Mais après, comme ma vue a beaucoup baissé, je me suis dit qu’en fin de compte, ils m’avaient rendu service. En arrêtant, j’ai pu aussi plus suivre mes petits-enfants. Aujourd’hui, ils ont changé le règlement, Jean-Pierre Dubois peut encore driver. Et il est toujours performant. Il ne faut surtout pas qu’il arrête ! Moi, je me soigne en gardant quelques chevaux à l’entraînement. Je suis devenu « un bien portant imaginaire » car si je reste chez moi, j’ai mal partout. »

Propos recueillis par Jacques Pauc

Charley Mills : « La ferrure est la chose la plus importante avec le trotteur »
Charley Mills ayant été un exemple pour Roger Baudron et pour beaucoup d’autres professionnels (Jean René Gougeon, Jean Riaud, Marcel Perlbarg, Georges Dreux, Henri Levesque, Ali Hawas, Louis Boulard, Johannes Frömming, Kurt Hormann, Hans Sasse, etc…), on citera pour finir des extraits sur l’entraînement du livre qu’il avait commencé à écrire avant de mourir en 1972.

Charley Mills, dont Georges Dreux avait dit « c’est le meilleur entraîneur du monde, on peut le copier mais pas l’égaler. Et tout ce dont il se sert se trouve dans une sellerie. (…) Il a d’abord entrainé en Allemagne, et les trotteurs allemands sont devenus très bons. Même chose ensuite en Autriche, puis, plus tard, en France, ayant été partout tête de liste. Demain, si Charley Mills allait s’installer au Kamtchatka, le Kamtchatka aurait les meilleurs trotteurs du monde ».

Charley Mills avait donc écrit en 1965 : « Chaque athlète est entrainé au maximum de ses possibilités, c’est la même chose avec les chevaux (…) La ferrure est la chose la plus importante avec le trotteur. Il y a de très bons maréchaux-ferrants en France, certains sont de véritables artistes, mais pas un ne pourra ferrer un cheval convenablement si l’entraîneur n’est pas capable de lui expliquer la ferrure qu’il désire, comment couper les pieds, etc…Tous les trotteurs se touchent les postérieurs à l’intérieur à vitesse maximum, et il n’y a aucun doute que le coup est beaucoup plus fort avec le poids (du fer) vers l’avant (…)

Je n’ai JAMAIS entraîné un cheval pour voir à quelle vitesse il pouvait aller sur la distance d’une course. Je leur ai toujours donné deux à trois heats de 2 000 mètres en les laissant aller le dernier kilomètre et plus vite les derniers 500 mètres. Cela leur donne de la vitesse et les tient frais, alors que sur toute la distance, cela les fatigue. La vitesse vous amène à faire la distance. Gélinotte était très difficile au début, très nerveuse à l’entraînement (…) Lors de ses jours de travail, je devais la sortir deux fois, trois même, et parfois quatre fois, pour des exercices que je ne faisais pas vite, cela lui donna confiance et la calma.

J’ai découvert pendant ma longue carrière que beaucoup de chevaux qui étaient très difficiles à entraîner sont devenus des chevaux de premier ordre, alors que ceux qui ne donnent aucun mal ne s’améliorent pas autant que ceux sur lesquels on doit continuellement s’acharner (…) Pendant la première guerre mondiale, étant sujet irlandais, je fus mis dans un camp de concentration à Berlin sur l’hippodrome avec 4 000 autres en 1914. Avec l’aide de quelques personnes bien placées, je pus en sortir avant la fin de la guerre. Mais je ne pouvais pas courir en Allemagne. Je pus aller en Autriche avec trois chevaux et eu pas mal de succès. »

Un jour, un propriétaire lui amène huit chevaux, dont Baka, alors boiteux, qui devait se faire opérer des épaules. Charley Mills racontera ensuite : « Après avoir vu le cheval, je dis au propriétaire de me laisser Baka une dizaine de jours. Ses pieds étaient trop longs de 5 ou 6 centimètres devant, une habitude répandue à l’époque, y compris chez les entraîneurs américains (qui étaient une dizaine à Vienne). Le cheval ne fut plus jamais boiteux ».

Mills lui avait fait couper les pieds comme il voulait et mettre une nouvelle ferrure. Avec Baka (cheval hongrois d’origine américaine), il gagna le Derby, puis le cheval devint un grand étalon. Une autre fois, Mills dira au sujet de Sammy et de Pinochle : « Sammy n’avait pas beaucoup de stamina (de coeur au ventre), mais avec sa vitesse et beaucoup de travail lent, il pouvait faire n’importe quelle distance (N.D.L.R. : il gagna le Prix des Meilleurs et détint le record de France de vitesse) (…) Pinochle était une excellente jument, mais elle souffrait souvent de seimes et avait un mauvais tendon. Elle ne pouvait plus tenir l’entraînement. Un jour, M. Gaskell, son propriétaire, vint la voir travailler à Chamant. Elle rentra boiteuse de son premier heat. Elle avait de nouveau une seime (…) Je l’amenais à mon maréchal-ferrant et lui fit couper le pied tout autour afin que la seime soit à vif. Cela saignait un peu en la ramenant au box mais elle ne boitait plus car il n’y avait plus de pression. M. Gaskell pensait qu’elle en avait pour trois mois (…) Je lui mis un médicament pour calmer la douleur locale, puis je dis aux lads que j’allais la retravailler. Je pouvais voir sur leurs visages que tous pensaient que j’étais devenu fou (…) Trois jours après, Pinochle gagnait le Prix des Centaures montée par Marcel Perlbarg. »

Par Jacques Pauc

"all we are:just a dust in the wind"
Merci pour ce message de la part de : joyeuxrire, REVEDUDON
02 Mai 2020 17:20 #8
Pièces jointes :

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Modérateurs: Gribouille29