Un nouveau virus géant venu de Sibérie
Le groupe des virus géants s’agrandit avec la découverte de Mollivirus sibericum. Les caractéristiques de ce dernier le distinguent des trois familles de virus géants connues jusqu'ici.
Sean Bailly
La saga des virus géants a commencé en 2003 avec la découverte de Mimivirus, un virus si gros qu’il était observable au microscope optique. Dix ans plus tard, l’équipe de Chantal Abergel et Jean-Michel Claverie, du laboratoire Information génomique et structurale du CNRS et de l’université Aix-Marseille, a découvert une nouvelle famille de virus géants dans les eaux au large du Chili et de l’Australie, les Pandoravirus. En 2014, elle a déniché Pithovirus sibericum dans le pergélisol (ou permafrost) sibérien. La même équipe vient d'identifier dans le même échantillon de sol gelé une nouvelle espèce de virus géant, qu’ils ont nommée Mollivirus sibericum.
Les chercheurs ont introduit un échantillon de pergélisol sibérien dans une culture d’amibes Acanthamoeba castellanii, cible des virus géants. Ils ont ainsi observé de nombreuses sphères de 500 à 600 nanomètres de diamètre, qu’ils ont identifiées comme étant un nouveau type de virus géants, baptisé Mollivirus. Ils ont étudié le cycle de réplication de Mollivirus en suivant sa propagation dans la culture d’amibes. Le virus pénètre le cytoplasme de la cellule cible et libère son ADN qui migre jusque dans le noyau de son hôte.
Les virus géants ne sont pas uniquement exceptionnels par leur taille – supérieure à 0,5 micromètre – : ils ont également un génome très riche pour un virus. Celui du virus de la grippe, par exemple, comprend une dizaine de gènes, tandis que l’ADN de Mollivirus code 523 protéines. Une analyse génétique a montré que le mécanisme d’infection de Mollivirus est très différent de celui de Pithovirus. En effet, lorsque Pithovirus infecte une amibe, il se multiplie dans le cytoplasme de son hôte (de la même façon que le virus de la variole) dont il n'exploite que la machinerie nécessaire à la synthèse des protéines. Mollivirus, lui, a non seulement besoin de cette machinerie, il doit aussi se rapprocher du noyau de la cellule, dont il détourne les fonctions pour produire de nouvelles particules virales. Entre 200 et 300 de ces particules virales sont synthétisées en périphérie du noyau puis libérées hors de l’amibe infectée.
La morphologie, le mode de reproduction à proximité du noyau ou encore le contenu du génome assurent que Mollivirus n’appartient pas à la famille de Pithovirus, retrouvé dans le même échantillon de sol gelé sibérien. En revanche, il présente certaines caractéristiques phylogénétiques qui laissent penser qu’il serait soit un parent éloigné de Pandoravirus, soit, plus probablement, qu’il a échangé avec lui quelques dizaines de gènes.
La découverte de Mollivirus, suite à celle de Pithovirus, dans un unique échantillon de pergélisol suggère que la diversité de ces virus anciens est importante. En outre, le fait que ces virus très différents aient tous deux survécu à un sommeil de 30 000 ans laisse à penser que d’autres virus inconnus figés dans le pergélisol peuvent en faire autant. Et l'on ne peut présager de leur nocivité envers les populations humaines ou animales. Une question inquiétante au vu du réchauffement climatique, qui conduit au dégel du pergélisol, et de l’exploitation minière de la région sibérienne.
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