À l’approche du championnat du monde des trotteurs, ParisTurf vous fait revivre une sélection des éditions les plus insolites. Troisième épisode de notre série consacré à l’édition 1995 marqué par le succès historique d'une femme driver, Helen Johansson, au sulky d'Ina Scot.
Rares sont les femmes à s’être imposées au plus haut niveau trot. En Australie, la pionnière Pearl Kelly a tracé la voie à Kerryn Manning, titulaire de plus de 3.500 victoires dont la New Zealand Cup (Gr. I). Si Nathalie Henry et Camille Levesque sont nos meilleures ambassadrices au trot monté, force est d’admettre qu’au sulky, la gent féminine s’est fait encore plus discrète sur le Vieux Continent, sans dénigrer la regrettée Florence Lecellier, lauréate d'un Quinté+ en 2003 avec Iras du Bottey, imitée le 21 juin 2024 par Clarisse Lelièvre, à Paris-Vincennes, avec Falco Fun. La victoire d’Helen Johansson, qui débutait à Vincennes dans le Prix d’Amérique 1995 avec Ina Scot, revêt donc un caractère insolite et historique. Le simple fait qu’une femme driver soit au départ constitue déjà un événement, comme le fut en son temps la participation de Diane Crump au Kentucky Derby 1970.
L’entraîneur d’Ina Scot, Per Erik Kjell Dahlström, est aussi l’époux d’Helen Johansson. Et si l’on a pu lire qu’il avait fait appel à sa femme pour qu’Ina Scot ait le moins de poids à tracter, c’est aussi et surtout parce qu’Helen Johansson la connaît très bien, l’ayant pilotée à une quinzaine de reprises en Scandinavie avant sa première participation au Prix d’Amérique. Leur première association fut, d’ailleurs, couronnée de succès et Ina Scot n’est pas n’importe qui. La fille d’Allen Hanover a défrayé la chronique en restant invaincue de 3 à 4 ans pendant 578 jours, enchaînant une série de 31 victoires, raflant le Critérium, la Breeders’ Crown et le Derby suédois mais aussi le convoité Grand Prix de l’UET.
Venue en repérage sur la cendrée parisienne dans le Prix de Belgique, deux semaines plus tôt et pilotée par son mentor, Ina Scot s’élance avec le statut d’outsider (27/1) dans un 74ème Prix d’Amérique où, une fois encore, Vourasie (5/4), sœur utérine d'Ourasi, et Queen L (9/2) sont les plus appuyées au betting. Et très vite, Helen Johansson emboîte le pas à la représentante de Raoul Ostheimer qu’elle marque à la culotte. Rapprochée dans le sillage de Queen L en haut de la montée, l’immense Vourasie est contrainte de virer en quatrième épaisseur à l’entame du dernier tournant, Bernard Oger ayant perdu sa place au profit du binôme Jean-Claude Halais / Bonheur du Tillard. Au sulky d’Ina Scot, Helen Johansson boit du petit-lait et n’a plus qu’à décaler sa partenaire (non sans avoir gêné le malheureux Cygnus d’Odyssée) à l’entrée de la ligne droite pour mieux rafler la mise, au passage du but et dans un temps record (1’14’’7), aux dépens d’une Vourasie décidément cantonnée aux accessits dans le Prix d’Amérique.
Helen Johansson et Ina Scot n’en resteront pas là puisqu’elles se couvriront de gloire dans deux autres groupes I, le Grand Prix de la Loterie, le 25 avril 1995 à Naples, puis le Grand Prix d’Oslo l’année suivante. Et pour marquer le coup, un Prix rend hommage à Helen Johansson le jour du Prix d’Amérique Legend Race.