Pourquoi des courses au trot ?
Avec l’avènement de l’automobile, les chevaux trotteurs de ville, encore très utilisés au début du XXe siècle pour tracter les voitures hippomobiles (fiacres, calèches, landaus, bus, tilburys, buggys…), seront peu à peu évincés au profit de cette nouvelle invention, pour se retrouver finalement sans emploi.
Par conséquent, les éleveurs de chevaux trotteurs ne sauront plus trop comment les utiliser, ces coursiers capables de maintenir un trot très rapide sur de très longues distances, à une vitesse assez proche de celle d’un cheval au galop pour les meilleurs d’entre eux. C’est de là que va venir l’idée de rénover et de renouveler, tout en les multipliant, les courses de trotteurs, et pour cela de recycler les trotteurs de ville en trotteurs de course.
Trois berceaux principaux dans le monde vont être à l’origine de ces trotteurs de course : la Moscovie pour le trotteur Orlov (ou Orloff) à robe grise (souvent pommelée) de Russie, le Kentucky (la Normandie d’Amérique) pour l’American Standardbred (trotteur américain) et bien sûr, la Normandie pour le demi-sang trotteur normand (trotteur français).
Les étalons Smetanka, Polkan I et Bars I seront à
l’origine des trotteurs Orlov, desquels les champions Tobolsk, Polkantchik, Bychok, Gromadniy, Krepuish (Butch), Ulov, Pilot, Kvadrat, Pensif, Ippik, Zhelannyj, Pion, Voljfram, Zaplot, Fant, Sinap, Lotoc, Ark, Bepesklet, Wand, Poccuya, Verset, Denr, Onyx, Zador, Krasnoyarsk sont issus.
Messenger et Hambletonian (10) formeront la souche des légendaires Walter Dear, Greyhound, Rosalind, Scott Frost, Speedy Scot, Fresh Yankee, Nevele Pride, Timothy T, Speedy Crown, Super Bowl, Pershing, Green Speed, Classical Way, Burgomeister, Duenna, Prakas, Sugarcane Hanover, Mack Lobell, Napoletano, Peace Corps, Sea Cove, Continentalvictory, Moni Maker, Windsong’s Legacy, Glidemaster, Muscle Hill, Nuncio, Resolve, Propulsion, Marion Marauder..
Conquérant, Lavater, Normand, Niger, Phaëton nous donneront les Fred Leyburn, Jussy, Passeport, Pro Patria, Uranie, Amazone B, Ovidius Naso, Cancannière, Fandango, Gardon, Gélinotte, Hairos II, Icare IV, Infante II, Jamin, Jariolain, Kerjacques, Kracovie, Masina, Newstar, Oscar RL, Ozo, Patara, Quérido II, Quioco, Roquépine, Tabriz, Tidalium Pélo, Tony M, Toscan, Une de Mai, Upsalin, Vanina B, Vat, Amyot, Axius, Bellino II, Buffet II, Casdar, Catharina, Dauga, Dimitria, Eléazar, Equiléo, Espoir de Sée, Fakir du Vivier, Fanacques, Gamélia, Grandpré, Hadol du Vivier
C’est ainsi que naît un sport, qui pour d’autres sera un jeu, un travail, un spectacle, une science, mais toujours une passion.
Les Orlov
C’est au comte Alexis Orlov (1737-1807), le « favori » de la Grande Catherine II, impératrice de Russie, que l’on doit l’existence des magnifiques trotteurs « Orlov » à robe grise, souvent pommelée.
Alexis Orlov, alors simple officier de la garde impériale, d’origine roturière, avait aidé la Grande Catherine dans son coup d’Etat contre le tsar Pierre III, en 1762.
(L’usurpatrice, d’origine allemande, sera immortalisée au cinéma par Marlene Dietrich dans le célèbre film de Josef von Sternberg, l’Impératrice rouge (1934), et aussi, la même année, par Elisabeth Bergner dans la Grande Catherine (1934), de Paul Czinner, avec, dans le rôle de l’amant chevaleresque, Douglas Fairbanks Jr.).
Pour remercier Alexis Orlov, Catherine II le fit anoblir, lui donna de l’argent, des terres, et l’envoya combattre les Turcs en Crimée, en Méditerranée et sur la mer Egée. Il devait d’ailleurs s’illustrer lors de la bataille navale de Tchesmé, le 26 juin 1770.
Au cours de ses campagnes contre les Turcs, le comte Orlov, grand amateur de chevaux, s’octroya parmi ses prises de guerre un certain nombre d’étalons arabes persans, parmi lesquels le fameux Smetanka. (Selon certains, il aurait déboursé une somme colossale, près de 60 000 roubles d’or pour l’obtenir).
Lorsqu’il revint à la cour de Russie ce fut pour constater qu’il avait été remplacé dans le cœur de la tsarine infidèle par le feld-maréchal Potemkine ; il choisit alors de se retirer sur ses terres, à Khrenovy, et de se consacrer à la création de cette race de trotteurs, capables de parcourir l’immense étendue de l’empire russe à une vive allure. Il fallait donc un cheval pouvant maintenir un trot rapide sur une très longue distance.
(On suit ici la version romantique, mais il existe une version plus comique, qui nous dit qu’il était devenu trop gros pour monter à cheval et qu’il eut ainsi l’idée de créer un cheval d’attelage).
Il eut alors l’idée d’allier la force et la résistance des chevaux Frison-Harddraver danois et hollandais à la vélocité et aussi la beauté des pur-sang arabes ou arabes-persans.
Smetanka, à la splendide robe d’un gris-blanc argenté, était l’étalon tout désigné pour devenir le chef de race d’une grande lignée de chevaux, qui allait bouleverser l’histoire de la Russie, avant de devenir la « coqueluche » des Haras Nationaux, et les idoles des hippodromes.